Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 20 juin 2024
Violences urbaines

Un an après les émeutes, les stigmates toujours dans l'esprit des élus

Enrobés flambant neufs, mairies et écoles en voie de reconstruction: un an après les émeutes déclenchées par la mort de Nahel, les stigmates des scènes de guérilla urbaine s'estompent dans l'espace public, moins dans l'esprit des élus.

Par Hélène Duvigneau (AFP)

Sur les 2 508 bâtiments publics incendiés ou dégradés entre le 27 juin et le 5 juillet 2023, dont 243 écoles et 105 mairies, 80 % ont été remis en état, constatait en avril un rapport du Sénat. Malgré le caractère «inédit»  du déferlement de violences, qui ont entraîné «sept fois plus»  de dégradations de biens publics que les émeutes de 2005, « l’existence semble avoir repris son cours normal », observaient les sénateurs.

À Coulaines, commune de 8 000 habitants en banlieue du Mans, le nouvel accueil de la mairie, qui avait été incendié, sera ainsi inauguré lundi. « Après un an en mode camping, les choses reviendront à la normale fin juin », commente le maire socialiste Christophe Rouillon, précisant que sur les 180 000 euros de travaux, l’assurance a remboursé 150 000, l’État s’étant engagé à prendre en charge le reste.

Il y a trois semaines, l’édile a pourtant eu la surprise de recevoir un courrier de résiliation de son assureur. En cause ? Une sinistralité jugée « trop importante ». « On se retrouve sans assurance alors qu’en dehors des émeutes, nous n’avions pas vraiment eu de dégradations de bâtiments municipaux », s’étonne-t-il. 

« État de ruine » 

Coulaines n’est pas un cas isolé. Deux récents rapports ont souligné combien la gestion de l’après-émeutes avait été un « cauchemar »  assurantiel pour de nombreux élus, entre résiliations unilatérales de contrats et montée en flèche des franchises.

Selon la Fédération France Assureurs, le montant des sinistres déclarés a atteint 793 millions d’euros, dont un quart pour les biens publics, soit plus de trois fois celui des émeutes de 2005.

Malgré le volontarisme des élus, une année n’aura pas suffi à gommer les cicatrices des destructions les plus sévères. « On est toujours à l’état de ruine et nos finances sont exsangues », déplore Nicolas Dainville, maire LR de La Verrière (Yvelines), 6 200 habitants, où deux écoles municipales sur trois sont parties en fumée. « La reconstruction est horriblement longue. Avec l’enquête, on n’a eu le droit de toucher à rien, puis on a eu le recours d’un habitant contre la démolition », témoigne l’élu, qui évalue entre 20 et 25 millions d’euros le coût du nouveau groupe scolaire.

Les émeutes se sont aussi accompagnées d’agressions directes de maires, avec 684 cas recensés en onze jours.

« Les stigmates physiques des émeutes ont quasiment disparu mais les événements restent très ancrés dans les mémoires et les traumatismes », confie la maire de Pontoise, Stéphanie Von Euw (LR), elle-même visée par des mortiers d’artifice. « Depuis les émeutes, les jeunes des quartiers vont plus facilement au contact des forces de l’ordre et sont davantage dans la provocation », constate-t-elle.

À L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), où le domicile du maire Vincent Jeanbrun (LR) avait été attaqué à la voiture-bélier, les élus restent néanmoins « combatifs ».

« Rien n’a bougé » 

« La date anniversaire inquiète mais la grande frustration, c’est de voir que rien n’a bougé », reproche-t-il. « On nous a dit qu’on allait renforcer les peines pour ceux qui s’en prennent aux élus mais c’est moyennement rassurant quand on sait que ça n’arrête absolument pas les agressions », déplore-t-il. 

Pour éviter une nouvelle flambée de violences, chacun agit à sa manière. 

Stéphanie Von Euw dit vouloir « planter le drapeau républicain partout où il doit l’être », ce qui passe selon elle « par une présence physique accrue non seulement de la police, mais aussi des élus et des associations, en s’assurant que tous les quartiers sont concernés par des événements festifs ».

« La tension des rapports avec la police et le sentiment de subir des discriminations ne se sont pas évaporés », remarque lui François Dagnaud, maire PS du XIXe arrondissement de Paris, qui dit « mener une action de fond dans les écoles sur la question de la mémoire et des discriminations ».

La crise politique actuelle ajoute au malaise ambiant.  « On a vu qu’une étincelle pouvait entraîner très rapidement des violences, alors des faits déclencheurs il peut y en avoir, c’est certain », reconnaît Muriel Fabre, secrétaire générale de l’Association des maires de France.
 

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