Arrêtés préfectoraux, circulaire du garde des Sceaux : les réponses de l'État aux violences urbaines
Par Franck Lemarc
Le pic des violences semble avoir été atteint dans la nuit de jeudi à vendredi. Déjà, vendredi soir, les dégradations ont été un peu moins nombreuses, avant de décroître encore dans la nuit de samedi à dimanche. Quant à la nuit dernière, elle a été plus calme, y compris à Marseille, qui avait été le théâtre de violents affrontements la veille encore au centre-ville.
Plus calme, mais pas sans incidents : le ministère de l’Intérieur signale, pour la nuit dernière, 352 incendies sur la voie publique et 297 feux de véhicules. Ce matin, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, déplore le décès d’un jeune pompier de Paris, « en luttant contre un feu de plusieurs véhicules dans un parking souterrain à Saint-Denis », mais cet événement serait « sans lien avec les émeutes », selon les pompiers de Paris.
La stratégie mise en avant par le gouvernement, faite d’une présence policière massive, de mesures de restrictions prises par les préfets et de très nombreuses interpellations, semble commencer à produire ses effets.
Arrêtés préfectoraux
Les préfets ont pu se servir de tous les nouveaux outils que l’évolution de la loi, au fil de ces dernières années, leur a donnés. Le dernier en date étant l’autorisation d’utiliser des drones pour prévenir les troubles à l’ordre public, déjà utilisée, à petite échelle, pendant les dernières manifestations contre la réforme des retraites. Ces derniers jours, cette possibilité a été utilisée beaucoup plus largement.
Ainsi, dans le Loiret par exemple, la préfète Régine Engström a pris le vendredi 30 juin huit arrêtés pour autoriser l’usage de drones sur huit communes du département (Orléans, Montargis, Fleury-les-Aubray, Saran…). Ces autorisations sont extrêmement réglementées, et les préfets doivent, à chaque fois, décrire précisément les raisons qui les conduisent à prendre une telle décision : description des troubles ayant eu lieu les jours précédents, preuves que l’usage de drones est « nécessaire et adapté ». Par exemple, à Montargis, « l’intérêt de disposer d’une vision en grand angle pour permettre le maintien et le rétablissement de l’ordre public tout en limitant l’engagement des forces au sol [rend] le recours au dispositif de captation installés sur des aéronefs nécessaire et adapté », l’utilisation d’un drone étant « rendue indispensable par la mobilité des individus participant à des rassemblements non déclarés dans l’unique but de commettre des dégradations ou des violences à l’encontre des forces de sécurité ».
Dans d’autres départements, comme ceux de l’Île-de-France, la captation d’images a été autorisée, dans les mêmes conditions, depuis des hélicoptères.
Autre mesure prise dans de nombreux départements, permise par les évolutions récentes de la loi : la possibilité pour les forces de l’ordre de fouiller de façon « aléatoire » les véhicules, sur un territoire et un laps de temps précisément définis, et sur la base d’une interdiction de transporter certains objets ou substances. Ainsi, de nombreux préfets ont interdit, jusqu’à demain, le transport de matières inflammables, notamment d’essence, d’engins pyrotechniques (type mortier d’artifice ou chandelles romaines) ; voire, de façon beaucoup plus large, « de tout objet pouvant constituer une arme », y compris par destination.
Certaines préfectures (comme le Bas-Rhin, à Strasbourg) ont édicté des interdictions de toute manifestation entre samedi midi et demain 8 h.
Enfin, le gouvernement a demandé aux préfets de suspendre, partout où ils le jugeaient nécessaires, les transports en commun de surface (bus et tramway) en soirée, jusqu’à demain là encore, et d’interdire autant que de besoin les rassemblements festifs, comme les concerts et les festivals.
Réponse judiciaire « ferme et systématique »
Parallèlement, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a publié vendredi 30 juin une instruction aux procureurs, pour demander « une réponse pénale rapide, ferme et systématique » à l’encontre des auteurs de violences.
Le ministre demande d’abord aux magistrats de faire preuve de célérité pour délivrer les réquisitions autorisant « les visites de véhicules », et aux parquets de s’organiser pour pouvoir faire face à l’afflux de défèrements, notamment en « renforçant les audiences de comparution immédiate ».
Éric Dupond-Moretti rappelle en outre que les réseaux de type Snapchat sont désormais assimilés à des opérateurs de communications électroniques, au même titre que les opérateurs téléphoniques ; et sont donc « tenus de répondre aux réquisitions judiciaires », notamment pour identifier les auteurs de messages ayant trait à des délits.
Pour ce qui concerne les peines, le ministre invite les procureurs à requérir les peines les plus lourdes, et à s’assurer que « le prononcé d’une peine de sûreté destinée à prévenir toute réitération » soit « systématiquement » envisagée.
Pour les mineurs, le garde des Sceaux demande de requérir en cas de nécessité les dispositions de l’article L311-5 du Code de la justice pénale des mineurs, qui dispose que si un mineur ne se présente pas à une convocation à comparaitre, ses parents peuvent être condamnés à une amende allant jusqu’à 3 750 euros. Il rappelle également que « les infractions commises par les mineurs engagent la responsabilité civile des parents ».
Il faut donc s’attendre, dans les jours à venir, à un surcroît très important d’activité des tribunaux – qui sera toutefois rendu plus difficile par la grève, aujourd’hui, des greffiers. Pour l’instant, selon le ministère de la Justice, sur les quelque 3 000 personnes qui ont été placées en garde à vue, 570 ont été déférées et 260 envoyés en comparution immédiate.
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