Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 27 novembre 2023
Violences faites aux femmes

Aide d'urgence pour les personnes victimes de violences conjugales : le décret est paru

Le décret d'application de la loi du 28 février 2023 créant une aide d'urgence pour les personnes victimes de violences conjugales a été publié samedi, ce qui va permettre au dispositif d'entrer en vigueur à partir de demain. Le montant de l'aide et la procédure permettant de l'obtenir ont notamment été définis. 

Par Franck Lemarc

Pour une aide « d’urgence », les choses auront finalement été assez lentes : alors que la loi créant « l’aide universelle »  pour les victimes de violences conjugales a été publiée au Journal officiel du 1er mars dernier (lire Maire info de ce jour), il aura fallu attendre huit mois pour que paraisse le décret d’application. C’est néanmoins chose faite. 

Lutter contre la dépendance financière

Rappelons que cette loi, issue d’une proposition de la députée du Nord Valérie Létard, a pour objectif de permettre à des femmes victimes de violence de toucher très rapidement une aide financière pour échapper à leur agresseur. Comme l’avait expliqué la ministre alors chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Isabelle Rome, pendant les débats au Parlement, « lorsqu’elles sont sous emprise ou financièrement dépendantes, (les victimes) n’ont parfois pas d’autre choix que de revenir très rapidement à la case départ, dans un huis clos avec leur agresseur en se retrouvant seules pour affronter leur malheur. C’est alors que l’irréparable peut se produire. La dépendance financière représente un obstacle majeur à tout départ pérenne. » 

Le dispositif est fondé sur la rapidité, parce qu’il faut par exemple qu’une victime puisse tout simplement se payer un billet de train pour s’enfuir. Il est donc possible, dit la loi, de demander cette aide dès le dépôt de plainte, via un « formulaire simplifié »  transmis à la Caf. Le versement de l’aide intervient alors dans les trois jours suivant la réception de la demande. 

Selon la situation financière de la personne, il s’agira d’une aide non remboursable ou d’un prêt (sans intérêt). Dans le cas où le conjoint est reconnu coupable de violences par la justice, c’est à lui qu’incombera le remboursement de ce prêt, dès lors qu’il aura été « définitivement condamné ». Si le conjoint n’est pas reconnu coupable de violences, le remboursement incombe aux bénéficiaires, mais «  des remises ou des réductions de créance peuvent lui être consenties en fonction de sa situation financière ». 

Montants et seuils de ressources

Il restait à définir les modalités exactes d’applications de ces dispositions. C’est l’objet du décret paru samedi au Journal officiel

Le décret précise en particulier que selon le niveau de ressources de la personne aidée, il s’agira d’un prêt ou d’une aide non remboursable. Lorsque la personne demandeuse perçoit moins de 150 % du smic net, si elle est seule, l’aide sera non-remboursable. Ce seuil est de 225 % du smic si elle a un enfant à charge, 270 % si elle a deux enfants, 330 % si elle en a trois ou plus. Si l’on calcule ces montants en s’appuyant sur le niveau actuel du smic, les seuils sont de 2 071,62 euros net (personne seule), 3 111,93 euros (un enfant), 3 734,32 euros (deux enfants) et 4 564, 16 euros (trois enfants et plus).

Au-delà de ces seuils de ressources, l’aide devient un prêt, remboursable dans les conditions expliquées ci-dessus. 

Le décret fixe ensuite le montant de l’aide, et le dispositif ne brille pas par sa simplicité. Pour les personnes sans ressources, les choses sont simples : l’aide perçue correspond au montant du RSA, majoré en fonction du nombre d’enfants à charge dans les mêmes conditions pour les allocataires du RSA (majoration de 30 % pour chaque personne supplémentaire à charge). 

Pour les personnes touchant des ressources, ce montant est minoré de 20 % pour les personnes percevant entre 50 % et 100 % du smic ; de 40 % pour les personnes touchant entre 100 % et 150 % du smic ; et de 60 % pour celles qui touchent plus de 150 % du smic. 

Sont précisées dans le décret les ressources prises en compte pour effectuer tous ces calculs (revenus d’activité salariée et non salariée, allocations chômage, indemnités de Sécurité sociale, allocations, AAH, pensions de retraite, etc.). 

Conditions de remboursement

Le décret précise également qu’il revient à la Caf et à la Caisse centrale de la mutualité agricole d’assurer la gestion de cette aide, après convention avec l’État (puisque c’est l’État qui fournira les fonds). 

La demande d’aide sera réalisée via un formulaire Cerfa (pour l’instant non disponible). La demande devra être accompagnée d’une pièce attestant de la situation de violences conjugales (dépôt de plainte, signalement au procureur de la République ou ordonnance de protection). Il semble, fort heureusement, qu’il ne soit pas demandé de fournir des pièces justificatives concernant les ressources, mais seulement des « informations »  – une femme en fuite de son logement pour cause de violence n’étant souvent pas en mesure de récupérer ces pièces. 

Concernant, enfin, le remboursement, le décret précise que celui-ci est exigible du bénéficiaire « à compter du 24e mois qui en suit l’attribution ». Elle devra alors rembourser en 24 mensualités, mais pourra demander ou un remboursement anticipé, ou « solliciter une remise totale ou partielle du remboursement du prêt »  au regard de sa situation financière. 

Le remboursement peut également être suspendu le temps qu’aboutisse la procédure pénale à l’encontre du conjoint. 

Ce décret entre en vigueur demain. Il reste à souhaiter que le formulaire Cerfa soit disponible le plus rapidement possible, pour que la procédure puisse réellement devenir efficiente. 

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