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Édition du vendredi 17 février 2023
Violences faites aux femmes

Violences conjugales : le Parlement instaure une aide financière d'urgence pour les victimes

Des dizaines de milliers de femmes subissent chaque année des violences conjugales: le Parlement a définitivement adopté jeudi un texte instaurant une aide financière d'urgence afin de permettre aux victimes de quitter leur domicile pour se mettre à l'abri.

Par Véronique MARTINACHE

La loi doit entrer en vigueur « au plus tard neuf mois après sa promulgation » , précise le texte. Dès qu'elle sera appliquée, elle « changera immédiatement des vies » , a souligné la ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Isabelle Rome.

Le Parlement s'attaque ainsi à la dépendance financière, considérée comme « un frein majeur »  pour nombre des victimes.

Le ministère de l'Intérieur a recensé 207 743 victimes de violences conjugales en France en 2021, essentiellement des femmes, une hausse de 21 % par rapport à 2020. 122 ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint cette même année, selon le ministère. 

Porté par la sénatrice centriste du Nord, Valérie Létard, le texte a achevé, au Sénat, son parcours parlementaire en « quatre mois à peine » , s'est félicitée l'élue, assistante sociale de profession, exprimant « un sentiment de joie et de fierté partagée ». Inspirée d'une expérimentation dans le département du Nord, sa proposition de loi a été complétée par un amendement du gouvernement voté à l'Assemblée nationale. L'« aide universelle d'urgence »  pourra ainsi être versée sous forme de don, et pas seulement d'un prêt sans intérêt comme prévu initialement.

« Il est impensable que la victime se retrouve en position de débiteur (...) du fait des actions qu'elle engage pour se protéger » , a déclaré la ministre. « Tout non-départ, tout retour en arrière peut être fatal ». Ce soutien financier sera conditionné à une ordonnance de protection, un dépôt de plainte ou un signalement adressé au procureur de la République. Au moins une partie devra être versée dans un délai de trois jours.

Le barème de l'aide, modulée selon les besoins notamment en tenant compte de la présence d'enfants, doit être précisé par décret. Valérie Létard souhaitait un montant de l'ordre de celui du RSA. Lorsque elle sera attribuée sous forme de prêt, son remboursement sera à la charge de la personne reconnue coupable de violence le cas échéant, avec une peine complémentaire « d'obligation de remboursement ».

« Décompte macabre » 

« Enfin une mesure concrète! » , s'est exclamée la sénatrice Valérie Boyer (LR), tandis que Laurence Cohen (CRCE à majorité communiste) juge « essentiel d'encourager cette démarche de départ salvatrice ». Toutefois, pour l'écologiste Mélanie Vogel, ce texte n'est « qu'une première brique ». « Notre horizon politique doit être la diminution des cas de violences (...) pour que le décompte macabre des féminicides cesse de nous hanter ». La sénatrice Laurence Rossignol (PS) a de son côté relevé que les dépenses engendrées par ces nouvelles dispositions « sont bien peu » , au regard du « coût collectif »  des violences familiales pour la société, « 3,3 milliards d'euros par an ».

Du côté des associations féministes, on salue l'adoption du texte, tout en soulignant aussi qu'il faut aller plus loin. C'est une « très bonne nouvelle » , mais « il faut d'autres mesures »  comme la création de places d'hébergement, l'amélioration du suivi judiciaire, relève Fabienne El Khoury, porte-parole de l'association

Autres mesures

« Il y a plein d'autres choses à mettre en place sur le terrain » , abonde Floriane Volt, directrice des affaires publiques et juridiques de la Fondation des femmes, notamment la formation professionnelle sur ces questions.

Le texte prévoit aussi la mise en place d'une loi pluriannuelle des financements destinés à la lutte contre les violences faites aux femmes, disposition introduite à l'Assemblée par un amendement de l'écologiste Sandrine Rousseau.

L'aide financière d'urgence vient compléter une série de mesures mises en place ces dernières années comme le développement du téléphone « grave danger »  ou l'utilisation du bracelet anti-rapprochement pour tenir à distance conjoints ou ex-conjoints violents.

D'autres sont dans les tuyaux: le retrait de l'autorité parentale après condamnation, voté par les députés le 9 février, ou la création d'une peine obligatoire d'inéligibilité pour les élus reconnus coupables de certaines violences, notamment intrafamiliales. Présentée après la révélation de l'affaire du député Adrien Quatennens, condamné pour des violences sur son épouse, cette proposition de loi Renaissance sera au menu de l'Assemblée le 7 mars.

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