Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 27 juin 2025
Vie publique

Ni drapeau israélien ni drapeau palestinien au fronton des mairies, tranche la justice

Entre avant-hier et hier, les maires de Nice et de Besançon ont été tous les deux contraints par une décision de justice de retirer les drapeaux israélien et palestinien qu'ils avaient placés au fronton de l'hôtel de ville. Les services publics doivent strictement respecter le principe de neutralité, ont rappelé les juges.

Par Franck Lemarc

À Nice, c’est avec dépit que le maire, Christian Estrosi, a twitté hier qu’il était « contraint par décision de justice de retirer les drapeaux israéliens du fronton de la mairie », annonçant qu’il allait, à partir d’aujourd’hui, afficher à la place « les visages des otages israéliens encore retenus par le Hamas ». 

Nice : « Revendication d’une opinion politique » 

Cette initiative est logique, dans la mesure où le maire de Nice a toujours plaidé que l’apposition du drapeau israélien sur sa mairie n’était pas un signe de soutien à Israël mais aux otages détenus par le Hamas. Sauf que cet argument n’a pas convaincu le juge du tribunal administratif de Nice.

Ce n’est pas le préfet qui a attaqué la présence de ces drapeaux sur l’hôtel de ville de Nice, mais des particuliers, qui ont demandé au juge des référés de les faire retirer – arguant que cette décision du maire méconnaît le principe de neutralité des services publics et constitue « une revendication politique »  non conforme « aux engagements internationaux de la France ». En réponse, l’avocat de la commune a plaidé que ces drapeaux ne sont là que pour soutenir les otages, ce qui ne contrevient pas aux engagements de la France et qu’il n’y a aucun risque de trouble à l’ordre public.

Ces arguments n’ont pas convaincu le juge, qui a estimé au contraire que « ce pavoisement, eu égard à sa persistance dans le temps, à l’ampleur prise par le conflit au Moyen-Orient et aux tensions mondiales existantes, ne peut être regardé comme un unique symbole de soutien aux otages mais doit également être regardé comme un soutien à l’État israélien ». L’apposition de ces drapeaux « doit donc être considérée comme la revendication d’une opinion politique ». 

Comme c’est en général le cas dans ce type d’affaires, le juge a estimé que la décision du maire contrevenait à l’article L2121-29 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui dispose que le conseil municipal « règle les affaires de la commune »  et ne doit gérer que « les objets d’intérêt local ». 

Il a donc donné cinq jours au maire pour retirer les drapeaux litigieux, et condamné la commune de Nice aux dépens.

Pas de drapeau palestinien à Besançon

Dans le Doubs, c’est en revanche le préfet qui a demandé à la maire, Anne Vignot, de retirer le drapeau palestinien qu’elle a fait apposer au fronton de la mairie le 23 juin. Dans un courrier que lui a adressé la maire en réponse, celle-ci lui a demandé de « reconsidérer sa position », avec un argument qui semblait entendable : alors que le préfet estime que de pavoisement est en contradiction avec les engagements de la France, la maire a rappelé que le président de la République, le 30 mai dernier, a déclaré que « la reconnaissance de l’État palestinien n’est pas seulement un devoir moral mais une exigence politique ». 

Cela n’a pas suffi à convaincre le préfet, qui a porté l’affaire devant le juge des référés du tribunal administratif de Besançon. Le préfet a plaidé devant le tribunal que le pavoisement porte « une grave atteinte au principe de neutralité des services publics »  en cela qu’il « symbolise un soutien politique à la cause palestinienne »  ; et que la maire ne peut se prévaloir de la volonté de l’État français de reconnaître un État palestinien, dans la mesure où « aucune décision en ce sens n’a été prise »  – une déclaration du président de la République n’équivaut pas à une décision de l’État. 

Notons que le préfet, pour demander au tribunal de prendre une décision de suspension très rapide – sous 48 heures – s’est appuyé sur la récente loi « confortant le respect des principes de la République », qui étend le déféré-suspension aux cas où la décision contestée est de nature à « porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics ». 

Quant à la commune, elle a défendu sa position devant le juge, en rappelant qu’il y a déjà un drapeau ukrainien sur le fronton de la mairie sans que cela pose de problème et que le retrait du drapeau palestinien pourrait, lui, causer des troubles à l’ordre public en « mettant en émoi la population bisontine ». 

Le juge de Besançon n’a pas davantage été sensible à ces arguments que celui de Nice. Il a rappelé que la neutralité du service public, garantie par la Constitution et la loi de 1905, ne doit pas s’entendre uniquement d’un point de vue religieux « mais encore philosophique et politique ».  

Le juge estime donc que l’apposition du drapeau palestinien est bien une « revendication d’une opinion politique »  et a exigé que le drapeau soit retiré immédiatement.

Une part de « subjectivité » 

Ces deux décisions, à Nice et Besançon, vont dans le même sens et paraissent relativement cohérentes… même si, comme le note l’avocat spécialiste du droit des collectivités Éric Landot sur son blog, l’appréciation du juge sur le fait de savoir si un pavoisement est ou non conforme aux positions diplomatiques de la France contient « une part de subjectivité ». 

Rappelons que le tribunal administratif de Versailles, en décembre dernier, a validé l’apposition du drapeau ukrainien au fronton de la mairie de Saint-Germain-en-Laye, jugeant qu’il ne s’agissait pas d’une « prise de position politique »  mais « d’une marque de solidarité envers une nation victime d’une agression militaire ». 

À partir de quand la « solidarité »  devient-elle une « prise de position politique » ? C’est bien là, en effet, que prend place une certaine dose de « subjectivité »  de la part du juge. Il faut dire que ces différents jugements, parfois contradictoires, sont tous issus de juridictions de première instance. Il ne serait pas inutile, pour donner de la clarté au débat, que le Conseil d’État prenne à son tour position sur ce sujet.

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