Édition du vendredi 2 juin 2017
Le cumul de plus de trois mandats identiques et successifs sera interdit sauf dans les petites communes
Le ministre de la Justice, François Bayrou, a présenté hier devant la presse son projet de loi, initialement baptisé de « moralisation de la vie publique », et qui s’appellera finalement « pour la confiance dans notre vie démocratique ». Ce texte a pour but de répondre à « la profonde exaspération des Français » et « d’en finir avec un système dans lequel les responsables publics peuvent s’exonérer de règles auxquelles les autres citoyens sont soumis ».
Largement inspirée des propositions du député René Dozière (lire Maire info du 23 mai), ce texte se divisera en trois textes, une loi organique, une loi constitutionnelle et une loi ordinaire. Il comprend de nombreux chapitres : une réforme des institutions, des mesures de lutte contre les conflits d’intérêts et des mesures touchant au financement de la vie politique.
Au chapitre des institutions, outre des mesures touchant seulement le président de la République ou les ministres (suppression de la Cour de justice de la République et interdiction pour les ex-présidents de siéger au Conseil constitutionnel), une décision très attendue a été prise : celle de proposer d’interdire aux élus d’effectuer « plus de trois mandats identiques successifs ». Cette mesure s’appliquerait aux députés, aux sénateurs, ainsi qu’aux « grands exécutifs locaux », a détaillé le ministre, qui a insisté sur le fait qu’elle ne concernerait pas les petites communes, « vu les difficultés que connaissent les maires des petites communes pour trouver des remplaçants ». Reste à savoir quel sera le seuil choisi. Il sera décidé « par la discussion au Parlement », a ajouté François Bayrou, qui a évoqué trois possibilités de seuil : 1000, 3 500 ou 9 000 habitants. La question de la rétroactivité devra également être tranchée par le Parlement.
Il a également été décidé que, désormais, la loi interdirait aux ministres d’exercer un mandat exécutif local tant qu’ils sont au gouvernement, avec un délai de choix de deux mois.
Au chapitre de la réforme de la lutte contre les conflits d’intérêts, beaucoup de mesures également. On retiendra l’interdiction d’embaucher un membre de sa famille (ascendant, descendant ou conjoint). Cette interdiction s’appliquerait uniquement, dans l’esprit de son auteur, aux députés, sénateurs et aux exécutifs locaux, mais, pour ces derniers, uniquement pour les membres de leur cabinet.
Sans que le ministre ait été très précis sur le champ d’application de cette mesure, il a été annoncé qu’une peine d’inéligibilité allait être créée, de dix ans, pour tout crime ou délit portant atteinte à la probité (concussion, corruption, faux en écriture, fraude électorale…). Cette mesure ne s’appliquera-t-elle qu’aux parlementaires ou à l’ensemble des élus ?
Au Parlement, une nouvelle procédure va être mise en place pour rendre obligatoire ce que l’on appelle le « déport », c’est-à-dire qu'un élu ne prenne pas part au vote s'il est en conflit d’intérêt. « Tout le monde connaît cela dans les communes, a rappelé François Bayrou : un conseiller municipal qui lève la main pour dire ‘’Je suis notaire sur cette transaction, je ne peux donc pas participer au vote’’ ».
Une autre proposition intéressera, indirectement, les élus ruraux : le ministre a annoncé la suppression pure et simple de la réserve parlementaire, qui fait couler beaucoup d’encre depuis des années. Rappelons qu’il s’agit d’un système permettant aux parlementaires de décider librement l’attribution de subventions à des associations ou des communes dans le cadre d’une enveloppe déterminée pour chaque parlementaire. Le montant correspondant à la réserve parlementaire de l’Assemblée et du Sénat ne sera pas cependant perdu pour les collectivités puisqu’il abondera un « fonds d’action pour les territoires, notamment ruraux, les petites communes ». Ces sommes s’élèvent, pour mémoire, à environ 90 millions d’euros pour l’Assemblée et 58 millions pour le Sénat.
En matière de refonte du financement de la vie politique, le ministre a annoncé plusieurs durcissements en matière de financement et de comptes des partis. Mais comme « la contrainte ne suffit pas », et qu’il faut aussi « du soutien pour que la démocratie soit vivante », François Bayrou a annoncé une proposition originale : la création d’une « banque de la démocratie ». Cette banque publique, adossée à la Caisse des dépôts, sur le modèle de la Banque publique d’investissement, aura pour fonction de « financer la vie politique », notamment en accordant des prêts aux partis pour le financement des campagnes électorales. Il n’est en effet « pas acceptable », a conclu le ministre, que des banques privées, en refusant de prêter de l’argent à des partis, « aient droit de vie ou de mort sur des formations politiques ».
Ces projets de loi seront présenté en Conseil des ministres le 14 juin et seront sans doute les premiers textes à être discutés par la nouvelle Assemblée nationale, voire au Sénat en première lecture, ce point n’étant pas encore tranché.
Franck Lemarc
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