Versement transport : la majorité confirme la diminution de 45 millions d'euros de la dotation de compensationÂ
En plein débat sur la compensation « à l’euro près » de la suppression de la taxe d’habitation, la majorité envoie un signal plutôt inquiétant : en commission des finances de l’Assemblée nationale, la majorité a refusé de revenir sur une diminution de moitié de la compensation de la baisse du versement transport, inscrite dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2020.
Cette dotation de compensation visait à ne pas faire supporter aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) le coût d’une décision prise en 2015 : celle de diminuer le seuil de déclenchement du versement transport, qui était passé de 9 à 11 salariés. Face aux protestations du Gart (Groupement des autorités responsables du transport) et des associations d’élus, les lois de finances des années suivantes avaient intégré la compensation de l’intégralité des pertes pour les autorités organisatrices, sous la forme d’un fonds de compensation.
C’est à ce fonds que le gouvernement a décidé de s’attaquer dans le PLF pour 2020, en le diminuant presque de moitié (– 47 %). Les compensations seraient plafonnées à 48 millions d’euros en 2020, alors qu’elles se sont élevées l’an dernier à plus de 90 millions d’euros.
Levée de boucliers
La plupart des groupes politiques de l’Assemblée nationale ont déposé des amendements de suppression de cette disposition en commission de finances : socialistes, communistes, LR, Libertés et territoires, centristes… et membres de la majorité : deux des amendements sont en effet signés de députés de LaREM, l’un demandant la suppression de la disposition et l’autre son décalage d’un an. Quels que soient les signataires, les arguments sont les mêmes : « Cette atteinte aux moyens consacrés au financement des transports collectifs est un mauvais signal alors que les besoins en terme de développement de la mobilité sur les territoires sont importants », a développé Libertés et territoires. « Il apparaît paradoxal d’écorner les moyens des réseaux de transport en commun dont le rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique est majeur », pour Les Républicains… Même les députés LaREM s’insurgent : « Cette mesure paraît aller à rebours de l’ambition [écologique] portée par le gouvernement ». Plus loin, ce plafonnement est jugé « particulièrement incohérent avec la récente adoption de la loi d’orientation des mobilités ».
Malgré cette levée de boucliers assez unanime dans l’opposition et une partie de la majorité, la commission des lois a rejeté tous ces amendements en bloc. Tant le rapporteur général du budget, Joël Giraud, que Jean-René Cazeneuve, président de la Délégation aux collectivités territoriales, ont justifié la mesure par le fait que le manque à gagner serait dérisoire par rapport aux ressources dont bénéficient les collectivités au titre du VT : « Dans le domaine de la mobilité en particulier, a déclaré Jean-René Cazeneuve, les AOM bénéficient du produit fiscal résultant du VT, qui s’est élevé à 8,9 milliards d’euros cette année, ce qui constitue une augmentation remarquable, au regard de laquelle les 45 millions manquants ne sont pas grand-chose. » Pour l’instant, le plafonnement est donc maintenu.
Logique « mortifère »
Cet épisode a été l’occasion pour les députés de relever deux aspects problématiques. Le premier est que ce plafonnement se fait au titre des « variables d’ajustement », c’est-à-dire qu’il s’agit de diminuer une dépense de l’État pour financer une augmentation sur un autre sujet. C’est ce que Jean-René Cazeneuve a appelé « un jeu à somme nulle » : ces variables « servent à financer un certain nombre de priorités, issues de l’agenda rural ou inscrites dans le projet de loi Engagement et proximité ». Cela signifie, d’une part, que le transport collectif ne fait apparemment pas partie des « priorités », ce qui interroge ; et d’autre part, comme l’a souligné la députée du Puy-de-Dôme Christine Pires Beaune, que l’on « demande aux collectivités territoriales de financer des trains de mesures en faveur des collectivités, et on prétend ensuite que l’État fait un effort : non, l’État ne fait pas d’effort, ce sont les collectivités qui financent la solidarité ! ». Cela n’est pas une vue de l’esprit : le gouvernement lui-même, dans les documents d’accompagnement du PLF, explique que le plafonnement de la compensation du VT permettra de financer, par exemple, la hausse de la dotation élu local ou celle pour les titres sécurisés.
D’autant que la compensation sur le VT n’est pas la seule victime de l’article 21 du PLF : 30 millions d’euros seraient aussi retirés de la dotation pour transferts de compensation d’exonérations de fiscalité directe locale, versée aux départements et aux régions ; et 45 millions de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle des régions et du bloc communal.
Nombre de députés ont également fait remarquer que ces décisions sont un bien mauvais signal au moment où se discute la compensation « à l’euro près » de la taxe d’habitation. « La compensation du VT (…) diminue déjà, ce qui augure de très mauvaises nouvelles quant à la compensation d’exonération de la taxe d’habitation », a encore fait valoir Christine Pires Beaune. Et l’amendement proposé par les députés du groupe socialiste enfonce le clou, sur le fond : « Le principe de l’enveloppe normée pour les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales finit par être mortifère. (…) Le gouvernement cherche des lignes à minorer au sein de cette enveloppe. Nul doute que les mécanismes de compensation résultant de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales rentreront, à terme, dans ce champ. »
Franck Lemarc
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