Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 23 septembre 2013
Environnement

Vers l'introduction du préjudice écologique dans le Code civil

Nommée le 24 avril dernier, la mission menée par le professeur de droit Yves Jégouzo et chargée de travailler sur la notion de préjudice écologique a remis son rapport la semaine dernière à Christiane Taubira, ministre de la Justice. Cette dernière souhaite qu’il soit introduit dans le droit français « un principe général de responsabilité pour préjudice écologique », en partant du constat qu’actuellement, en l’absence d’un tel principe, « les tribunaux n’ont souvent d’autre choix que de s’appuyer sur le droit commun ». Pour l’instant, la seule jurisprudence existant sur le sujet est la décision de la Cour de cassation du 25 septembre 2012, dans l’affaire du naufrage de l’Erika, reconnaissant cette notion de préjudice écologique (lire Maire info du 26 septembre 2012).
Le rapport Jégouzo formule dix propositions, visant à modifiant le Code civil et le Code de l’environnement. Il propose notamment d’introduire dans le Code civil un nouveau titre définissant le préjudice écologique comme « une atteinte anormale aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu’aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». Les auteurs du rapport estiment qu’il est nécessaire « d’ouvrir largement l’action en réparation du préjudice écologique » : pour eux, doivent pouvoir intenter une telle procédure judiciaire l’État, le ministère public, ainsi que « les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné ».
Le rapport Jégouzo demande aussi la création d’une Haute autorité environnementale, qui aurait une mission « d’évaluation, de régulation et de vigilance quant à (…) la réparation des dommages causés à l’environnement ». Il suggère également – et c’est l'une de ses propositions « majeures »  – que la réparation des préjudices environnementaux « s’effectue par priorité en nature », c’est-à-dire par des mesures de réparation de l’environnement. Mais il propose également la création d’une peine d’amende civile, qui serait appliquée « lorsque l’auteur du dommage a commis intentionnellement une faute grave »  et que cette faute « a engendré un gain ou une économie pour son auteur ». Dans ce cas, l’amende pourrait, suggèrent les auteurs, être portée « au décuple du montant du profit ou de l’économie réalisés ». Ces amendes seraient affectées au financement d’un nouveau Fonds de réparation environnementale, dont la mission serait notamment d’indemniser lui-même les victimes « lorsque le responsable (du préjudice) est insolvable ou inconnu ».
Ce rapport va dans le même sens que la proposition de loi de Bruno Retailleau, député et président du conseil général de Vendée – proposition adoptée à l’unanimité au Sénat en mai dernier. Le texte a été transmis à l’Assemblée le 16 mai, mais n’est toujours pas à l’ordre du jour. Bruno Retailleau espère désormais que son texte, « enrichi des propositions »  de la mission Jégouzo, sera rapidement débattu et adopté à l’Assemblée nationale. Mais un nouveau texte pourrait cependant voir le jour, puisque le Premier ministre a annoncé, en clôture de la Conférence environnementale, que les ministres de la Justice et de l’Écologie « préparent un texte qui transcrira en droit la notion de préjudice écologique ».

Télécharger le rapport de la mission Jégouzo.

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