Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 8 janvier 2021
Coronavirus

Vaccination : les maires ruraux appelés à « identifier les personnes âgées isolées »

C'est une opération de déminage qu'ont conduite Jean Castex et Olivier Véran hier sur la question de la campagne vaccinale : face aux critiques sur la lenteur de ce démarrage, et sur une insuffisante coopération avec les collectivités territoriales, les ministres ont défendu leur stratégie, tout en faisant de nouvelles annonces. 
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« On ne peut pas, alors que le match vient de commencer et qu’il durera plusieurs mois, prétendre dès les premières minutes, que dis-je, dès les premières secondes, qu’il est déjà perdu ! ». C’est ainsi que Jean Castex a balayé les critiques sur les chiffres très faibles de la vaccination en France – chiffres qui ont, du reste, progressé rapidement ces derniers jours, puisque « plus de 45 000 personnes ont été vaccinées ces cinq derniers jours ». 
Olivier Véran a par ailleurs rappelé que le gouvernement avait « précommandé »  200 millions de doses non pas d’un vaccin, mais de six vaccins différents (1), et qu’il était tributaire des autorisations de mise sur le marché de ces différents vaccins, de leur fabrication et de leur livraison. 

Simplification des parcours

Tout en expliquant que la stratégie décidée en décembre était la bonne, le Premier ministre a reconnu qu’elle était en train d’être modifiée : la « phase 2 », qui ne devait démarrer qu’en février, est avancée. C’est déjà le cas avec la vaccination des professionnels de santé et aides à domicile de plus de 50 ans (vaccinables depuis lundi dernier). Mais une nouvelle date a été dévoilée hier : les personnes de plus de 75 ans ne résidant pas en Ehpad pourront se faire vacciner à compter du lundi 18 janvier, dans les fameux centres de vaccination qui sont en train d’être déployés dans certaines communes. Il en existe « 100 »  aujourd’hui, ils seront « 300 lundi prochain et 600 à la fin du mois de janvier », soit 6 par départements. 
La vaccination de ces personnes se fera sur inscription, soit par téléphone soit via un site internet. Elle devrait être possible dès le 14 janvier (jeudi prochain). 
Jean Castex a évoqué le fait que les pharmaciens seraient associés à la campagne. Mais sa déclaration n’est pas claire : les préfets « impliqueront le maximum de professionnels de santé (…), médecins, infirmiers, pharmaciens, que ces derniers soient libéraux ou en établissement ». Les pharmaciens seront-ils autorisés à vacciner dans les officines – comme leurs fédérations professionnelles le réclament à cor et à cri – ou leur sera-t-il proposé de venir dans les centres procéder aux vaccinations ? Des clarifications seraient bienvenues sur ce point. 
Autre annonce faite hier : la France va, comme la Grande-Bretagne avant elle, retarder la seconde prise de vaccin, qui doit normalement intervenir 21 jours après la première. C’est possible « sans risque et sans perte d’efficacité jusqu’à six semaines »  après la première injection, a affirmé hier Olivier Véran. L’information est importante, parce que cela représente autant de doses « libérées »  pour une première injection à de nouveaux patients.

« Bus de vaccination »  et appel aux maires

Va se poser aussi la question de l’accès à ces centres de vaccination, notamment dans les territoires ruraux. Les six centres par département (soit un pour 100 000 habitants, a précisé Olivier Véran) seront nécessairement installés dans les villes grandes ou moyennes. Comment les choses se passeront-elles pour les personnes âgées plus isolées ? Sur BFMTV, hier soir, Olivier Véran a été plus précis : les centres de vaccination pourront, d’une part, fournir des doses aux médecins généralistes. Par ailleurs, « il y aura des bus de vaccination, des petits bus qui vont circuler dans les territoires. Il y aura des innovations ! ». Le ministre de la Santé a affirmé avoir demandé aux maires « depuis quelques semaines », « d’identifier les personnes âgées isolées (…) et toutes solutions qui leur paraîtra utile pour protéger l’ensemble de leurs concitoyens ». 

« Le patron, c’est le préfet » 

Les élus locaux ont été plusieurs fois évoqués lors de cette conférence de presse. Face à la demande faite par les régions de pouvoir acheter elles-mêmes des vaccins, le Premier ministre s’est montré réservé : s’il a admis que « toutes les bonnes volontés sont bienvenues », il a expliqué que le marché était extrêmement « tendu »  et qu’il y avait déjà des difficultés d’approvisionnement. Autrement dit, la priorité est d’abord de voir honorées les commandes des États. 
Le chef du gouvernement a également « remercié les maires et les présidents d’agglomération »  de leurs nombreuses offres de services. « Beaucoup de maires se portent candidats pour épauler l’État et c’est très heureux. »  Mais il a également fermement insisté : « Le patron du déploiement de la stratégie vaccinale, c’est le préfet. Il y a un pilote dans l’avion. Les maires le connaissent, ce sont des gens pragmatiques, ils savent faire. On fait le pari de la confiance, ils vont travailler ensemble. » 
Personne ne remet en cause, naturellement, le rôle pilote des préfets dans ce dossier, dans la mesure où l’État a la pleine compétence en ce domaine. Mais il n’est pas sûr que les associations d’élus se satisferont de ces « remerciements »  du Premier ministre, sans que soit amorcé le véritable changement de cap qu’elles réclament depuis plusieurs jours. Aucune réponse n’a par exemple été donnée aux propositions faites par plusieurs élus, et encore hier par Régions de France, d’associer des représentants des collectivités au Conseil de défense en cette période de définition, ou de redéfinition, de la stratégie vaccinale.

Franck Lemarc

(1)   Pfizer, Moderna, AstraZeneca, CureVac, Janssen-J&J, Sanofi-GSK.

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