Urbanisme : l'action en démolition, ultime recours sans possibilité de régularisation de la construction
L’action en démolition des constructions établies en méconnaissance des règles d’urbanisme est conforme à la Constitution – sous réserve qu’une régularisation soit impossible. C’est en substance l’apport d’une décision du Conseil constitutionnel du 31 juillet dernier, rendue dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). A l’origine de cette décision, le recours d’un propriétaire d’une parcelle sur la commune de Yèvres-la-Ville (Loiret), ayant érigé un mur de clôture sans autorisation, afin d’élargir le sentier longeant sa parcelle pour pouvoir l’emprunter avec son véhicule. Quelques années plus tard, le même propriétaire se voit opposer un refus à sa demande de permis de construire un pavillon sur son terrain, pour « méconnaissance des prescriptions du plan local d’urbanisme relatives aux caractéristiques d’accès et au stationnement de véhicules ».
Après avoir formé un recours contre ce refus – rejeté par une décision du tribunal administratif d’Orléans, confirmée en appel – le requérant forme un pourvoi, et soulève une QPC dans ce cadre, estimant que l’article L.480-14 du Code de l’urbanisme, fondant l‘action en démolition des collectivités pendant 10 ans à partir de l’achèvement des travaux, porterait « une atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. ». Une disposition qui permettrait, selon son argumentaire, « la démolition de toute construction au seul motif qu'elle méconnaît une règle d'urbanisme, sans qu'il soit tenu compte de la bonne foi du propriétaire ou de la possibilité d'une régularisation ».
Intérêt général vs propriété privée : un équilibre à préserver
Premier rappel du Conseil constitutionnel : le Code de l'urbanisme soumet certains travaux, constructions, aménagements ou installations à un régime d'autorisation, par la délivrance de permis de construire ou d'aménager, ou à un régime de déclaration, et doivent, dans tous les cas « respecter les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et ne pas être incompatibles avec une déclaration d'utilité publique ».
C’est à ce titre que la disposition contestée prévoit la possibilité, pour les communes et EPCI compétents en matière d’urbanisme, de demander au juge judiciaire – garant de la propriété privée – d’ordonner la démolition ou la mise en conformité de ces ouvrages.
Une possibilité qui n’est qu’une « conséquence des restrictions apportées aux conditions d'exercice du droit de propriété par les règles d'urbanisme », ayant pour seul objet « de rétablir les lieux dans leur situation antérieure à l'édification irrégulière de la construction concernée », estime le Conseil constitutionnel. Conclusion : « si la démolition d'un tel ouvrage a pour effet de priver son propriétaire de la propriété de ce bien irrégulièrement bâti, elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ».
Enfin, estiment les Sages, l’action en démolition « est justifiée par l'intérêt général qui s'attache au respect des règles d'urbanisme, lesquelles permettent la maîtrise, par les collectivités publiques, de l'occupation des sols et du développement urbain ». Néanmoins, « les dispositions contestées ne sauraient, sans porter une atteinte excessive au droit de propriété, être interprétées comme autorisant la démolition d'un tel ouvrage lorsque le juge peut (…) ordonner à la place sa mise en conformité et que celle-ci est acceptée par le propriétaire ». À cette réserve près, les Sages jugent donc conforme à la Constitution l’action en démolition, qui reste à manier avec prudence – et en dernier recours – par les collectivités.
Caroline Saint-André
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