Simplification du droit de l'urbanisme : le Sénat modifie le texte en profondeur
Par Caroline Reinhart
Le 17 juin 2025 restera-t-il dans les annales du droit de l’urbanisme ? C’est probable : alors que la loi visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements était à peine publiée, le Parlement devait se prononcer sur deux textes « de simplification » revenant déjà sur ce qui venait d’être acté.
Ainsi, au moment où les députés adoptaient le projet de loi de simplification de la vie économique – supprimant les zones à faibles émissions (ZFE) et entaillant sévèrement le zéro artificialisation nette (ZAN) (lire Maire info d'hier) –, les sénateurs modifiaient la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement, s’attaquant frontalement au Code de l’urbanisme dont le volume a gonflé de 55 % en 20 ans, et qui serait ainsi responsable de la crise qui mine le secteur depuis le covid-19.
En attendant, le texte de la proposition de loi est passé de quatre articles à près d’une quarantaine : après l’Assemblée nationale le 15 mai, les sénateurs ont ainsi rendu leur copie sur le texte du député de l’Eure-et-Loir Harold Huwart (Liot), soutenu par le gouvernement. Présente lors des débats, la ministre chargée du Logement, Valérie Létard, a ainsi salué le travail en commission des sénateurs, remerciant les trois rapporteurs du texte – les sénateurs Ghislain Cambier (UC, Nord), Sylviane Noël (LR, Haute-Savoie), et Marc-Philippe Daubresse, (LR, Nord) – « pour leur mobilisation en faveur des maires bâtisseurs ».
Avec un « corpus d’obligations en croissance continue », et une « forte exposition aux recours contentieux », « la simplification est un vrai levier de relance économique » a-t-elle ainsi exposé en introduction des discussions. « Il en va de l’intérêt de tous : élus, citoyens, porteurs de projet, professionnels du BTP, qui plaident tous pour des règles plus lisibles, un droit plus accessible et un allègement des contraintes. »
Simplification ou dérégulation ?
Un régime radical, en l’occurrence, que Valérie Létard souhaitait prescrire par ordonnance pour refondre les procédures d’évolution des documents d’urbanisme. Demande rejetée par les sénateurs, suggérant le dépôt d’un projet de loi pour un véritable travail de fond (et une étude d’impact). Le texte adopté conserve néanmoins la possibilité de recourir à la procédure de participation du public par voie électronique à la place de l’enquête publique pour l’évolution des PLU(i), Scot et cartes communales. Un dossier papier devra être mis à disposition en mairie.
Autres mesures sensibles adoptées : la suppression de l’évaluation environnementale pour certaines procédures de modification des PLU (rectification d’une erreur matérielle ; réduction de la surface d’une zone urbaine ou à urbaniser) ; l’élargissement des cas de recours à la procédure de modification simplifiée du PLU, notamment en cas de majoration de constructibilité jusqu’à 30 % (contre 20 % actuellement).
Par ailleurs, la réduction d’un espace boisé classé, d’une zone agricole ou d’une zone naturelle et forestière ne relève plus du champ de la révision – procédure d’évolution des documents d’urbanisme la plus lourde. Un recul environnemental, tout comme l’allègement des obligations de solarisation des bâtiments publics et des parkings, dénoncé par le sénateur écologiste Yannick Jadot comme allant à rebours des obligations européennes de la France.
Autre disposition contestée : l’adaptation du régime des résidences hôtelières à vocation sociale pour y loger provisoirement des salariés de chantiers avoisinants, en réduisant l’accueil des publics vulnérables « dans les territoires présentant des besoins particuliers en matière de logement liés à des enjeux de développement de nouvelles activités économiques, d’industrialisation ou d’accueil de travailleurs saisonniers ou en mobilité professionnelle ».
Rationalisation
Certaines mesures adoptées au Sénat sont particulièrement attendues des acteurs du secteur : l’accès facilité des communes à l’ingénierie des établissements publics fonciers via l’élargissement de leur périmètre, ou encore la réduction du délai de trente à quinze ans pour l'acquisition des biens sans maître par les communes.
En matière de contentieux, le texte comporte de nombreuses mesures de rationalisation. Ainsi, comme prévu initialement, le délai de recours gracieux est réduit à un mois (au lieu de deux), et n’est plus suspensif. Une présomption d'urgence est par ailleurs ajoutée en cas de référé-suspension à l'encontre d'un refus d’autorisation d’urbanisme. Enfin, le texte des sénateurs ajoute une condition de recevabilité aux recours contre les documents d’urbanisme, celle d’avoir « pris part à la participation du public effectuée par enquête publique, par voie électronique ou par mise à disposition organisée préalablement à cette décision contestée ».
À noter qu’au passage, les sénateurs ont amendé le principe d’urbanisation en continuité en zone de montagne : « L’urbanisation ne peut être appréciée comme discontinue au seul motif qu’elle est séparée des zones urbanisées (…) un espace intercalaire lorsque l’extension de l’urbanisation est située à proximité immédiate de ces zones », ni « au seul motif que le nombre de constructions implantées est insuffisant dès lors que l’ensemble de constructions compte au moins trois constructions. »
Qu’il soit « fourre-tout », « patchwork » ou « Frankenstein », pour reprendre les mots du sénateur Marc-Philippe Daubresse, le texte passera en commission mixte paritaire le 3 juillet. D’ici là, la boîte de Pandore est ouverte…
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
2 189 maires ont démissionné depuis le début du mandat
Déserts médicaux : prendre en compte la spécificité de la montagne








