Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 30 avril 2024
Urbanisme

Projet de loi de simplification : des mesures qui retirent encore un peu plus de pouvoir aux maires

Le projet de loi de simplification de la vie économique, présenté la semaine dernière en Conseil des ministres, est désormais publié. Il comporte un certain nombre de mesures relatives, notamment, aux documents d'urbanisme, qui à ce titre concernent directement les maires. 

Par Franck Lemarc

Jusqu’à présent, on ne connaissait du projet de loi de simplification de la vie économique que les éléments qui figuraient dans le dossier de presse du gouvernement (lire Maire info du 25 avril). Désormais, le texte, ainsi que son étude d’impact et l’avis du Conseil d’État, sont disponibles sur le site du Sénat

Centres de données

En dehors des points d’attention que relevait Maire info la semaine dernière, il faut retenir un certain nombre de dispositions proposées dans le titre VII du texte, intitulé Faciliter l’essor de projets industriels et d’infrastructures. 

Premièrement, l’implantation des centres de données (datacenters) devrait faire l’objet d’un traitement particulier. Jugeant « stratégique »  l’implantation de tels centres sur le sol français, le gouvernement veut créer un cadre juridique spécifique. Il faut rappeler que l’on parle ici de structures représentant 30 à 50 hectares, et dont la consommation électrique peut atteindre plusieurs centaines de mégawatts, voire plus. 

La construction de telles structures demande, dans le cadre actuel, une révision du PLU et du SCoT, ainsi que des documents de planification régionaux (Sraddet). Ce qui, estime le gouvernement, demande « entre trois et six ans ». Jugeant de tels délais « incompatibles avec les enjeux de souveraineté », le gouvernement souhaite donc que l’État prenne la main sur ce dossier, en intégrant la création de ces centres à la liste des « projets d’intérêt national majeur »  (PINM). Cette qualification permet « sur accord de la collectivité compétente, une mise en compatibilité directe des documents de planification et d'urbanisme avec ledit projet par l'Etat et l'accélération des procédures de raccordement au réseau d'électricité ». Autre conséquence : ce sera dans ce cas l’État qui délivrera les permis de construire et non les communes. 

Dans son étude d’impact, le gouvernement insiste sur le caractère « favorable »  de cette décision pour les communes, « avec une prise en charge de mise en compatibilité des documents d'urbanisme par l'Etat, qui nécessiterait sans cela des ressources nombreuses et potentiellement spécialisées ». Il s’agit donc d’un « allègement de charges ». 

Certes, mais on peut aussi considérer que cette évolution est une nouvelle entorse à la libre administration et un empiètement non négligeable sur le pouvoir des maires. 

Téléphonie mobile

Autre nouveauté notable : l’article 17 du projet de loi, qui concerne les antennes de téléphonie mobile. Dans la mesure où la couverture mobile du territoire constitue une priorité du gouvernement, celui-ci souhaite donner plus de « sécurité »  aux entreprises. Il s ‘attaque donc à un cas particulier : celui d’une autorisation qui a été accordée par le maire mais qui, a posteriori, apparaît entachée d’illégalité. Dans ce cas, dans le cadre juridique actuel, le maire doit retirer son autorisation. 

Mais pour « assurer au vendeur ou au bailleur que l'objet pour lequel il contracte, à savoir l'exploitation d'une antenne de téléphonie mobile, sera réalisé », le gouvernement propose d’instaurer une dérogation consistant à « supprimer, de manière permanente, le droit pour les autorités locales de retirer, en cas d'illégalité, les décisions de non-opposition à déclaration de travaux préalable et les décisions de délivrance de permis de construire »  (uniquement dans le secteur de la téléphonie mobile). 

Cette mesure avait été expérimentée dans le cadre de la loi Elan de 2018, pour quatre ans. Le gouvernement souhaite la réintroduire, cette fois à titre définitif. 

Si là encore le gouvernement juge que cette disposition est une bonne nouvelle pour les collectivités, puisqu’elle va « sécuriser la couverture mobile de leurs administrés », l’AMF a jugé, lors de l’examen de ce texte au Conseil national d’évaluation des normes, que la mesure « prive le maire d’une partie de ses compétences »  et risque de « créer davantage de contentieux devant les tribunaux administratifs, qui deviendront de fait la voie de recours exclusive ». 

Les réserves de l’AMF

En examinant ce texte, l’AMF a également noté que plusieurs mesures visent à modifier des lois à peine entrées en vigueur (comme la loi Industrie verte de 2023), ce qui « laisse perplexe »  l’association. 

Par ailleurs, l’AMF souligne les nombreuses dérogations au Code de l’urbanisme proposées dans ce texte. Si l’association juge certaines de ces dérogations bienvenues, elle s’interroge sur le fait … qu’elles restent des dérogations : « Si ces dérogations apparaissent nécessaires (…), pourquoi ne pas en faire le droit commun ? ». 

L’association demande encore une fois un travail « de fond »  pour simplifier le Code de l’urbanisme, notant que les élus « regrettent la complexité actuelle d’élaboration des documents d’urbanisme, leur technicité, l’absence de lisibilité parfois des enjeux politiques qu’ils devraient exprimer vis-à-vis des habitants, ainsi que leur coût d’élaboration et d’actualisation au regard des contraintes juridiques qui s’imposent à ces derniers ». 

Une vraie « simplification », puisque c’est l’objet de ce texte, tiendrait à s’attaquer à « l’inflation législative et réglementaire », conclut l’AMF, qui demande depuis longtemps « un moratoire sur les réformes relatives à la planification ». 

Le texte va être examiné en séance publique par les sénateurs à partir du 3 juin. 

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