Maire-info
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Édition du mercredi 24 octobre 2018
Urbanisme

Modification des cahiers des charges de lotissement par le maire : les Sages valident le dispositif actuel, avec un bémol

Le droit régissant l’opération de lotissement est par nature hybride, mêlant politique publique d’urbanisme et règles de droit privé. Entre préservation des droits des colotis (droit de propriété et droit au maintien des conventions légalement formées, notamment) et devoir du maire d’harmoniser les règles d’urbanisme sur son territoire, l’équilibre est fragile.
C’est ce que montre la récente décision du Conseil constitutionnel, rendue dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Celle-ci a été posée par des colotis mécontents de l’application des dispositions de l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme, dans leur rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur). Dans cette affaire, le maire d’Antibes avait modifié sur ce fondement des clauses du cahier des charges du lotissement (adopté en 1926 et approuvé par le préfet en 1936), afin d’augmenter la surface constructible par construction principale – jusqu’ici limitée à 250 m² – pour l’aligner sur les documents d’urbanisme. À l’appui de leur QPC, certains propriétaires de parcelles soutenaient que cette possibilité pour l’administration de modifier des clauses de cahiers des charges, à la demande ou avec l’accord des colotis majoritaires (définis depuis la loi Alur comme la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie du lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette même superficie), n’était pas « justifiée par un motif d’intérêt général suffisant ni entourée de garanties protectrices des droits des propriétaires minoritaires ».

L’avis des Sages
Réponse du Conseil constitutionnel : le législateur, ayant « entendu faciliter l’évolution, dans le respect de la politique publique d’urbanisme, des règles propres aux lotissements contenues dans leurs cahiers des charges », a bien poursuivi un objectif d’intérêt général, celui de « favoriser l’accès au logement en facilitant la construction en milieu urbain ». Puis les Sages listent les garanties prévues par le législateur afin de juger de la proportionnalité à cet objectif de l’atteinte aux exigences constitutionnelles en cause (le droit de propriété et la liberté contractuelle). Premier argument : le champ d’application du dispositif est particulièrement restreint. Les modifications ne peuvent porter que sur les clauses dites « réglementaires »  des cahiers des charges (c’est-à-dire celles contenant des règles d’urbanisme), et en aucun cas viser l’affectation des parties communes du lotissement. Autrement dit, le dispositif contesté ne fait qu’autoriser l’administration, avec l’accord des colotis majoritaires, à modifier des règles d’urbanisme figurant dans les cahiers des charges, sans lui permettre de modifier « des clauses étrangères à cet objet, intéressant les seuls colotis », soit les règles de droit privé encadrant leurs relations contractuelles. Les Sages jugent ainsi l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme conforme à la Constitution, à une réserve d’interprétation près : les modifications apportées ne doivent pas durcir les contraintes des colotis, sauf à ce que ce durcissement soit commandé par le respect des documents d’urbanisme, et non par le cahier des charges existant lorsqu’il est plus restrictif que les documents d’urbanisme. Concrètement, cette décision fait donc « obstacle à toute modification qui aurait d’autres finalités que l’assouplissement des règles d’urbanisme fixées dans les cahiers des charges ou qui irait au-delà de ce que qu’exigent les documents d’urbanisme », selon le commentaire rédigé par les services du Conseil constitutionnel.
Les Sages pourraient revenir bientôt sur le sujet, s’ils sont saisis des dispositions de la loi Élan supprimant notamment la caducité automatique de certains cahiers des charges, encore prévue par la loi Alur.
Caroline St-André
Consulter la décision n° 2018-740 QPC du Conseil constitutionnel.


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