Loi Essoc : la révolution du Code de la construction se poursuit
Le calendrier d’application fixait pour date-butoir le 10 février : une fois n’est pas coutume, la seconde ordonnance issue de la loi « pour un État au service d'une société de confiance » (Essoc) du 10 août 2018 (lire Maire info du 5 septembre 2018), refondant la partie législative du livre 1er du Code de la construction et de l’habitation (CCH), a été publiée avec un peu d’avance, le 31 janvier dernier. Un pavé de 56 pages réécrivant plus de 200 articles du Code, s’inscrivant dans un processus qui s’achèvera en 2021 – avec la publication des nombreux décrets devant modifier sa partie réglementaire, pour une application « au plus tard le 1er juillet 2021 ». Une refonte totale des règles de la construction – dont beaucoup sont restées inchangées depuis 1978 – visant à opérer un changement radical de paradigme : passer d’une culture de la norme à une logique de résultat. Ambition affichée, au nom de la simplification et de l’innovation : autoriser les maîtres d'ouvrage à déroger à certaines règles de la construction, à condition de trouver des « solutions d'effet équivalent » permettant d’atteindre les « objectifs généraux prévus par la loi ».
Soumis à consultation en décembre, le texte de cette seconde ordonnance est le fruit d’une large concertation avec les acteurs de la construction, étalée sur près d’une année.
Elle fait suite à une première ordonnance du 30 octobre 2018, dite « Essoc 1 », ayant instauré le « permis d’expérimenter » – extension du « permis de faire » créé par la loi Liberté de création, architecture et patrimoine (LCAP) de 2016 (lire Maire info du 26 septembre 2018).
Solution d’effet équivalent
L’ordonnance du 29 janvier 2020 vise à généraliser ce « permis d’expérimenter » – mis en place provisoirement à titre expérimental – à l’ensemble des règles de construction (sécurité incendie, acoustique, performance énergétique, accessibilité, , qualité de l’air, etc.). Avec, néanmoins, un cadre contraignant pour le maître d’ouvrage tenu de « justifier du respect de l'objectif général par la preuve de l'atteinte de ces résultats minimaux » selon les modalités fixées au nouvel article L. 112-4 du CCH, variant selon le champ technique concerné.
Ainsi, « si une solution technique définie par voie réglementaire permet (…) d'atteindre ces résultats minimaux, sa mise en œuvre par le maître d'ouvrage tient lieu de preuve que ces résultats sont atteints et l'objectif respecté ». En revanche, lorsqu’aucun résultat minimal n’est fixé, le respect d'un objectif général est justifié par le recours du maître d'ouvrage « soit à une solution de référence » établie par une disposition réglementaire, soit à une « solution d'effet équivalent ».
S’il opte pour cette dernière solution, le maître d’ouvrage doit, avant même le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme, obtenir une attestation d’un organisme tiers indépendant et compétent dans le champ visé, justifiant que la solution choisie respecte bien les objectifs généraux « et permet d’atteindre des résultats au moins équivalents à ceux de la solution de référence à laquelle elle se substitue ».
Sécurité juridique
Tout l’enjeu de la réforme est bien là : comment, et par qui contrôler l’atteinte de ces objectifs généraux par des solutions d’effet équivalent ? Consulté sur les projets de texte, le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique avait alerté le gouvernement sur les garanties à apporter aux modalités de contrôle et d’agrément, afin de permettre « l’assurabilité des solutions proposées dans ce cadre ». Mais l’ordonnance du 29 janvier 2020 n’apporte pas toutes les réponses : les organismes tiers compétents pour délivrer l’attestation ne sont pas désignés formellement par le texte, qui renvoie pour ce faire à un décret ultérieur. L’ordonnance précise simplement que ces organismes « doivent être assurés en responsabilité civile pour cette mission, mais ne seront pas considérés comme des constructeurs au sens de l’article 1792-1 du Code civil ».
Au cours des travaux, le texte prévoit que le contrôle de la mise en œuvre de la « solution d’effet équivalent » sera réalisé par un contrôleur technique « qui n’a aucun lien » avec l’organisme ayant établi la première attestation. C’est ce même contrôleur qui délivrera une attestation de bonne mise en œuvre à l’achèvement des travaux, qui devra être transmise au ministre chargé de la construction, tout comme la première attestation. Mais l’ordonnance du 29 janvier compte également sur les services chargés du contrôle du respect des règles de construction pour exercer cette mission, en leur conférant un nouveau pouvoir de police administrative, sanctions à la clé (1 500 euros d’amende maximum). À noter que la loi Élan de 2018 a allongé le délai pendant lequel ces contrôles peuvent avoir lieu après l’achèvement des travaux, en le faisant passer de trois à six ans. Restent maintenant aux nombreux décrets d’application attendus de préciser cette réforme dantesque…
Caroline St-André
Accéder à l’ordonnance du 29 janvier 2020.
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