Climat et résilience : l'érosion côtière, nouvelle responsabilité locale
Par Caroline Reinhart
La loi Climat et résilience consacre un chapitre entier intitulé « Adapter les territoires aux effets du dérèglement climatique », à la problématique de l’érosion côtière (titre V, chapitre V). Un dispositif né à l’Assemblée nationale : le projet de loi se contentait de renvoyer à une ordonnance le soin de traiter ce sujet emblématique du dérèglement climatique. Le texte final transfère aux communes littorales les plus vulnérables la responsabilité de la gestion du trait de côte. De nouveaux pouvoirs de police sont assignés aux maires, notamment celui de faire démolir d’office les bâtiments en zone à risque. Un dispositif très lourd à assumer pour les seules communes littorales, dénoncé par plusieurs associations d’élus, dont l’AMF, qui y voient un « désengagement de l’État » – un de plus.
Sans surprise, les débats ont été particulièrement vifs. Le Sénat a tenté d’assouplir le dispositif afin d’accompagner les communes subissant ce transfert de compétence, en votant notamment un allongement des délais pour intégrer ce risque à leurs documents d’urbanisme – en vain.
Stratégie nationale, charge communale
En premier lieu, la loi du 22 août crée une nouvelle instance, le Conseil national de la mer et des littoraux. Elle prévoit également la mise en place d’une « stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte », élaborée par l’État « en concertation avec les collectivités territoriales, le Conseil national de la mer et des littoraux, la communauté scientifique, les acteurs socio-économiques et les associations de protection de l’environnement concernés ». Les collectivités compétentes « en matière de défense contre les inondations et contre la mer » peuvent aussi définir des stratégies locales, et conclure une convention établissant « des moyens techniques et financiers mobilisés par l’État et les collectivités territoriales pour accompagner les actions de gestion du trait de côte ». Une liste indicative de ces moyens est précisée : il peut s’agir de « la construction, l’adaptation ou le maintien en l’état d’ouvrages de défense contre la mer », de « dispositifs de suivi de l’évolution du recul du trait de côte », ou encore d’« opérations d’aménagement liées au recul du trait de côte ».
Plus concrètement, les communes « dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l’érosion du littoral sont identifiées dans une liste fixée par décret », indique la loi. Une liste élaborée « en tenant compte de la particulière vulnérabilité de leur territoire au recul du trait de côte, déterminée en fonction de l’état des connaissances scientifiques résultant notamment de l’indicateur national de l’érosion littorale, et de la connaissance des biens et activités exposés à ce phénomène ». Cette liste ne peut être établie qu’« après consultation des conseils municipaux des communes concernées, et avis du Conseil national de la mer et des littoraux et du comité national du trait de côte ».
Carte locale d’exposition
La loi du 22 août prévoit que les communes listées par décret, non couvertes par un plan de prévention des risques littoraux (PPRL) intégrant le recul du trait de côte, doivent établir « une carte locale d'exposition de leur territoire ». La traduction de cette obligation dans les documents d’urbanisme est précisée par le texte. Ainsi, dans le document graphique du règlement du PLU, doivent être délimités les zones exposées au recul du trait de côte à l'horizon de trente ans, et à un horizon compris entre trente et cent ans. La procédure d'évolution du PLU doit être engagée au plus tard un an après la publication de la liste, précise le texte. Et si le PLU modifié n’entre pas en vigueur dans les 3 ans suivant l'engagement de la procédure d'évolution, une « carte de préfiguration des zones » doit être établie. L’autorité compétente peut alors surseoir à statuer sur les demandes d'autorisation dans les zones préfigurées, et « qui sont de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan ». Certains travaux restent néanmoins autorisés dans les zones à risque, sous réserve de ne pas augmenter la capacité d'habitation des constructions (travaux de réfection et d'adaptation des constructions existantes, constructions ou installations démontables nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau, extensions des constructions existantes).
Dans les communes listées, « lorsque la projection du recul du trait de côte à l'horizon de trente ans le justifie », la bande littorale fixée dans le PLU sera portée « au delà de la limite supérieure de la réserve domaniale, lorsque celle-ci a été instituée et, à défaut de délimitation, à plus de 81,20 mètres à compter de la limite haute du rivage ».
Obligation de démolition
Autres obligations à faire respecter par les maires : la démolition de toute construction nouvelle, des extensions de constructions existantes, mais aussi la remise en état du terrain sous la responsabilité et aux frais de leur propriétaire, « lorsque le recul du trait de côte est tel que la sécurité des personnes ne pourra plus être assurée au-delà d'une durée de trois ans. ».
La loi Climat attribue en ce sens de nouveaux pouvoirs de police aux maires : pour toute construction soumise à l'obligation de démolition et de remise en état, « le maire ordonne l'exécution de ces obligations dans un délai déterminé, qui ne peut être inférieur à six mois ».
Si l’arrêté n’est pas respecté, « le maire met en demeure le propriétaire de procéder à cette exécution dans un délai déterminé, qui ne peut être inférieur à un mois. ». Et enfin, si à l'issue de ce délai, les travaux n'ont pas été accomplis par le propriétaire, « le maire peut faire procéder d'office à tous les travaux nécessaires en lieu et place de la personne mise en demeure et aux frais de celle-ci ». Le texte précise qu’« en cas d'absence ou d'insuffisance des sommes consignées, les frais de toute nature avancés sont recouvrés comme en matière de contributions directes ».
Autre levier d’action pour les maires, créé par la loi : le droit de préemption. Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le maire doit transmettre « sans délai une copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux », sa décision devant faire l’objet d’une publication. En l’absence d’accord avec le propriétaire, « le prix d'acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation, en tenant compte de l'exposition du bien au recul du trait de côte. ».
À noter qu’une ordonnance à venir devra encore définir ou adapter les outils d'aménagement foncier et de maîtrise foncière « nécessaires à l'adaptation des territoires exposés au recul du trait de côte, notamment en ajustant les missions des gestionnaires de foncier public et en définissant les modalités d'évaluation des biens exposés au recul du trait de côte, tout en prenant en compte l'état des ouvrages de protection et les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte, ainsi que, le cas échéant, les modalités de calcul des indemnités d'expropriation et les mesures d'accompagnement ». La problématique de l’érosion côtière va devenir de plus en plus prégnante.
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