Une situation sociale qui peut se tendre
Par Franck Lemarc
Il n’a pas fallu une heure, hier, pour que le rassemblement qui avait lieu devant l’Assemblée nationale se transforme en manifestation, qui a rejoint le point de rendez-vous donné par des syndicats place de la Concorde – juste en face de l’Assemblée nationale. Deux heures plus tard, il y avait 10 000 personnes sur la place, dont beaucoup de jeunes, selon les chiffres de la préfecture ce matin, ce qui est un chiffre important pour une manifestation non prévue.
Au même moment, des rassemblements et manifestations spontanés ont eu lieu dans de nombreuses villes du pays : selon les chiffres de la police, ce sont 60 000 personnes qui se sont rassemblées, aux quatre coins du pays, pour protester contre le passage en force du gouvernement. Là encore, si ce chiffre apparaît modeste au regard des grandes manifestations de ces dernières semaines, il est significatif, dans la mesure où les services de renseignement n’avaient absolument pas prévu une mobilisation aussi rapide.
Violences
Dans plusieurs villes, les rassemblements se sont soldés par des incidents parfois violents. Des violences ont été relevées à Paris, Rennes, Nantes, Toulouse, Lyon, Lille, Marseille, Dijon, Amiens… Mobilier urbain dégradé, voitures ou poubelles brûlées, tags et dégradations sur des permanences de députés, ces violences sont allées jusqu’à l’usage de mortiers d’artifice contre les forces de l’ordre. La maire de Rennes, Nathalie Appéré, a parlé hier soir sur Twitter de « violences urbaines sidérantes », avec l’hôtel de ville « pris pour cibles » et des équipes techniques dans l’incapacité « d’intervenir sur le terrain » . À Dijon, François Rebsamen a dénoncé « des incendies tags et bris de vitre » et des incidents qui s’éloignent de « l’esprit de responsabilité dont ont fait preuve les organisations syndicales » . Grégory Doucet, à Lyon, continue de contester « cette réforme injuste » mais déclarait hier soir que « brûler, détruire, agresser n’a pas sa place dans cette lutte ».
Ces violences sont semble-t-il le fait de « casseurs » organisés, de type « black blocs » ou gilets jaunes. Reste que les services de police redoutent que la violence gagne plus largement des manifestations jusque-là plutôt calmes.
Par ailleurs, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a adressé hier une instruction aux préfets de Paris et des Bouches-du-Rhône ainsi qu’aux directeurs généraux de la gendarmerie et de la police nationales, pour leur demander de prendre « des mesures renforcées de protection des élus » , en particulier des parlementaires. Certains d’entre eux, dans le cadre du débat sur la réforme des retraites, font en effet « l’objet de menaces, d’injures ou d’actes de malveillance ». Il est donc demandé aux forces de l’ordre de maintenir, voire renforcer, « la surveillance mise en place aux abords des permanences parlementaires et du domicile [des parlementaires], si nécessaire. »
Actions coups de poing
Autre crainte de l’exécutif : la multiplication des actions coups de poing, du type de celle qui s’est déroulée ce matin à 7 h sur le périphérique parisien, à l’initiative de la CGT Énergie notamment. Dans tout le pays, des barrages filtrants et des blocages ont lieu ce matin : hier, des manifestants ont ainsi bloqué la rocade de Rennes, tout comme les entrées de la ville de Vesoul. Ce matin, des barrages sont en cours autour de Reims, Châlons-en-Champagne, ou encore sur l’autoroute A34 entre Reims et Charleville-Mézières. Des barrages filtrants se sont également installés aux portes de Grenoble. A Toulon, plusieurs centaines de manifestants ont envahi les voies de chemin de fer de la gare, tout comme à Bordeaux. Et ce ne sont que quelques exemples.
Du côté des grèves, les principaux secteurs où se poursuit le mouvement sont l’énergie, les raffineries et le ramassage des déchets. Le gouvernement souhaite toutefois, depuis hier, débloquer la situation, notamment région parisienne, où les forces de l’ordre sont intervenues pour évacuer les piquets de grève devant plusieurs usines d’incinération. Des ordres de réquisition du personnel ont également, selon la préfecture, été envoyés.
Notons enfin que si le gouvernement espérait que l’unité syndicale se fissure après l’adoption de ce texte, ce n’est pas le cas. L’intersyndicale, réunie hier soir, est restée soudée, et a appelé à une nouvelle journée de grève et de manifestations dans tout le pays jeudi prochain, 23 mars. Cette date relativement lointaine a été choisie pour « ne pas perturber les épreuves du bac » qui se dérouleront mardi et mercredi. Les syndicats appellent toutefois, d’ici là, « à poursuivre le mouvement et participer à tous les rassemblements locaux ».
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