Maire-info
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Édition du vendredi 17 mai 2024
Logement

Un rapport parlementaire préconise de territorialiser la politique du logement et de réformer la fiscalité immobilière

Afin de répondre à la crise du logement, deux députés réclament des mesures pour « tenir compte des spécificités des territoires » et accorder « plus d'outils » aux collectivités. Ils plaident également pour redonner des moyens aux bailleurs sociaux.

Par A.W.

Territorialiser la politique du logement pour tenir compte des spécificités de chaque territoire, réformer la fiscalité immobilière au profit des locations de longue durée et redonner des moyens aux bailleurs sociaux pour relancer la construction. A l’occasion de la présentation des conclusions de leurs travaux, les députés des Côtes-d’Armor, Mickaël Cosson (Modem), et de Seine-Saint-Denis, Stéphane Peu (PCF), ont formulé, hier, une série de recommandations afin de faciliter « l’accès des Français à un logement digne et à la réalisation d’un parcours résidentiel durable ».

« Urgence » 

Alors que le pays est confronté à « une crise profonde et complexe qui ébranle les fondations mêmes du droit à un logement décent pour tous », ces derniers assurent, dans un communiqué commun, qu’il est « possible de transformer notre système de logement pour mieux servir les Français ».

Cependant ils pointent « l’urgence de rénover fortement la politique du logement »  et réclament au gouvernement le lancement du « chantier d’une grande loi logement visant à apporter des réponses concrètes et pérennes »  à la crise actuelle, au moment même où le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, vient de présenter un projet de loi controversé qui sera examiné à compter du 17 juin par les sénateurs.

« Un million de personnes sont privées de logement, plus de 4 millions sont mal logées, plus de 12 millions sont en situation de fragilité et 2,6 millions de ménages sont en attente d’un logement HLM », rappellent les auteurs du rapport issu d'une mission d'information, estimant qu’« une réponse sans précédent »  est nécessaire. 

Soutenir les maires bâtisseurs

« Des mesures agiles doivent être apportées pour tenir compte des spécificités de nos territoires et de leur évolution, accorder plus de souplesse […] et plus d’outils aux collectivités », expliquent-ils, tout d'abord, afin de faire des collectivités territoriales « des acteurs de premier plan dans le déploiement de leur politique ».

Ils préconisent ainsi de redéfinir les objectifs de la politique du logement, en passant « d’un objectif chiffré national à des objectifs territorialisés, qui tiennent compte de la diversité des besoins locaux ». « Cette approche permettrait une utilisation plus judicieuse des ressources, une meilleure adéquation des logements avec les besoins réels des citoyens et contribuerait à une politique du logement plus inclusive et efficace », affirment les députés.

Parmi les multiples propositions concernant les collectivités, ils suggèrent de revoir le calcul des dotations tenant « mieux compte »  du « surcroît de charges occasionnées pour les communes et les EPCI conduisant des politiques de logement et de rénovation énergétique volontaristes », et de rétablir le versement d’une « aide forfaitaire »  pour aider les maires bâtisseurs. Si le ministre n’a pas fermé la porte sur ce dernier point, il a récemment renvoyé ce sujet aux discussions qui se tiendront lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025. 

Ils souhaitent également voir pris en compte « les difficultés particulières »  des territoires ultramarins et que soient expérimentées « des versions régionalisées »  de dispositifs nationaux d’incitation à la construction de logements (comme le « Pinel breton » ). Ils appellent, par ailleurs, à « confier davantage de responsabilités aux intercommunalités », au travers du statut d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH).

Bailleurs sociaux : supprimer la RLS

Afin de relancer la construction et créer un « choc d’offre », les auteurs du rapport plaident pour des mesures de soutien aux bailleurs sociaux.

Mesure réclamée par le monde HLM, les deux rapporteurs enjoignent le gouvernement à « revenir sur les effets de la réduction de loyer de solidarité »  (RLS) imposée aux bailleurs en 2018 afin de compenser la baisse des APL versées aux locataires. Ce qui permettrait de restituer « de l’ordre de 1,3 milliard d'euros »  par an aux organismes HLM, leur donnant ainsi une capacité d’investissement supplémentaire annuelle.

Ils proposent également d’étendre le taux de TVA de 5,5 % à l’ensemble de la production de logements sociaux et conventionnés ainsi qu’une augmentation des contributions de l’État au fonds national d’aide à la pierre (Fnap).

Afin « d’optimiser l’utilisation du parc social », ils recommandent d'inciter « les locataires en situation de sous-occupation à accepter un logement plus petit en échange d'une contrepartie financière ». Ils relatent ainsi que «  20 % des logements sociaux »  seraient, par exemple, actuellement sous-occupés à l’échelle de la métropole du Grand Paris.

Généraliser la taxe sur les logements vacants

Dernier volet, le rapport propose de réformer la fiscalité immobilière pour la rendre « plus juste et plus efficace »  et en allégeant « massivement »  la fiscalité pour les primo-accédants. L’outil fiscal « doit frapper plus lourdement les comportements qui détournent les logements d’une occupation en tant que résidence principale », a ainsi jugé Mickaël Cosson.

La mesure est réclamée de toute part et a déjà été inscrite dans la loi de finances pour 2024 (avant que le gouvernement ne la suspende), mais les deux rapporteurs souhaitent eux aussi mettre fin à l'avantage fiscal dont bénéficient les locations meublés touristiques de courte durée, la fameuse niche fiscale dite « Airbnb ». Les plateformes étant régulièrement accusés de participer à la pénurie de logements pour les habitants locaux.

Le Sénat, qui était déjà à l’origine de l’adoption de cette mesure – suspendue depuis donc - dans le budget 2024, va examiner à nouveau cette disposition dès la semaine prochaine avec l’arrivée à la chambre haute de la proposition de loi transpartisane visant à « remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue », adoptée fin janvier par l’Assemblée nationale.

Dans ce cadre, les auteurs du rapport souhaitent également instaurer « un régime fiscal plus favorable aux revenus fonciers sous condition de durée de location, de niveau de loyer et de performance énergétique »  et engager « une réflexion sur les conditions de suppression progressive de la distinction fiscale entre location meublée et location non meublée ».

Pour faciliter l’achat d'une résidence principale pour les primo-accédants, les deux députés souhaitent, en outre, que les marges de manœuvre réalisées par le gouvernement avec la suppression du dispositif Pinel et le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) permettent notamment d’abaisser à 5,5 % la TVA dans le neuf (au lieu de 20 %), de mettre en place des DMTO « à taux favorables »  ou encore d'exonérer « temporairement »  l'acquéreur de taxe foncière. 

Ils prônent, par ailleurs, la généralisation de la taxe sur les logements vacants (TLV) et la majoration de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) à « l’ensemble du territoire, en en excluant seulement les territoires en déprise ». Tout en augmentant le taux de la TLV et le plafond de majoration de la THRS (fixé à 60 %). L’objectif est, là aussi, de remettre des logements sur le marché.

Enfin, ils suggèrent de faire bénéficier les collectivités d’un « choc de trésorerie ». Pour cela, ils recommandent de taxer les plus-values foncières résultant du ZAN en « fusionnant les deux taxes existantes applicables aux plus-values de cession de terrain rendu constructible, en accroissant leurs assiettes et leurs taux, et en attribuant le rendement principal au bloc communal pour des dépenses d’aménagement et d’aide à la construction de logement ».

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