Maire-info
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Édition du mercredi 1er octobre 2025
Transition énergétique

Un député propose de transférer MaPrimeRénov' aux intercommunalités et aux départements

Alors que le guichet MaPrimeRénov' a rouvert hier, sous une forme très resserrée, le député LR de la Saône-et-Loire Sébastien Martin, président d'Intercommunalités de France, propose le transfert de cette compétence aux intercommunalités et aux départements. Explications. 

Par Franck Lemarc

Début juin, Bercy annonçait la « suspension provisoire »  de MaPrimeRénov’, expliquant cette décision par le succès même du dispositif, qui a provoqué un « encombrement » , et par « un excès de fraudes ». Cette annonce, qui avait alors surpris la ministre du Logement elle-même, faisait suite à une série de coups de rabots sur le budget de ce dispositif, tombé cette année à 2,1 milliards d’euros – moitié mois que ce qu’il était en 2023. 

Un dispositif fortement resserré 

Le guichet a finalement rouvert comme prévu hier, le 30 septembre, mais avec des conditions drastiquement revues à la baisse. Trois décrets, publiés le 9 septembre dernier, fixent les nouvelles conditions d’accès au dispositif, qui ne sera ouvert qu’à 13 000 dossiers maximum d’ici la fin de l’année – ce qui est extrêmement peu, quand on se rappelle que la France s’est fixée un objectif de 200 000 rénovations par an, voire 900 000 par an à partir de 2030.

Le dispositif n’est désormais plus accessible qu’aux ménages « très modestes », et limités, pour les rénovations d’ampleur, aux seuls logements classés E, F ou G – et plus aux logements classés D, qui représentent pourtant un tiers du parc immobilier. Les montants des aides sont fortement revus à la baisse : alors que certains ménages pouvaient toucher jusqu’à 70 000 euros d’aide, le plafond est abaissé à 30 000 euros. Le bonus de 10 % accordé lorsque les travaux permettent de sortir de la catégorie E, F ou G est supprimé. 

Enfin, certaines aides pour des travaux dits « monogestes »  (non une rénovation d’ampleur mais une intervention sur un point précis) sont supprimées. C’est le cas notamment pour l’une des catégories les plus demandées : l’isolation thermique des murs. 

Ce resserrement des conditions financières du dispositif, qui répond évidemment à des objectifs comptables pour Bercy, est non seulement fort dommageable pour la transition énergétique, alors que la France est déjà très en retard sur ses objectifs, mais également très mal vu par les entreprises concernées. Alors que la filière est en train de se structurer, depuis un an, beaucoup de petites entreprises et d’artisans craignent de lourdes conséquences économiques après ce nouveau coup de rabot. Dans un communiqué publié au moment de la parution des décrets, début septembre, la Fédération française du bâtiment dénonçait d’ailleurs une décision qui risque de « casser définitivement le marché de la rénovation énergétique, déjà à la peine. »  Pour la FFB, « la politique énergétique de la France est sacrifiée sur l’autel de Bercy ». 

Atermoiements

C’est dans ce contexte que le député LR de la Saône-et-Loire Sébastien Martin a déposé, hier, une proposition de loi « visant à expérimenter la décentralisation de la compétence ‘’rénovation énergétique des logements’’ aux intercommunalités et aux départements ». 

Selon le député, la fermeture provisoire du dispositif en juin dernier et « les multiples modifications et atermoiements »  qu’il a subis depuis démontrent « les dysfonctionnements du dispositif » . Pour lui, ce sont essentiellement « les incertitudes liées au budget d’une année sur l’autre »  qui expliquent la situation, plongeant « les ménages et les acteurs économiques dans l’incertitude ». 

Le député propose donc une expérimentation de deux ans permettant « aux intercommunalités et départements volontaires »  de récupérer la compétence de rénovation énergétique des logements « en lieu et place de l’État » , avec, naturellement, les transferts financiers afférents. Une telle décentralisation aurait, selon Sébastien Martin, de multiples avantages, dont « le renforcement de l’efficacité des politiques de rénovation au plus près des réalités des habitants et en lien avec les autres politiques publiques locales, la simplification des parcours », un meilleur pilotage de la gestion des aides, le recours aux entreprises locales « pour limiter la fraude » … 

Il est proposé, dans cette proposition de loi « travaillée avec Intercommunalités de France », que les EPCI et départements volontaires récupèrent « les crédits actuellement alloués au versement des aides, à l’instruction des dossiers, à l’information et à l’accompagnement des ménages, ainsi qu’au contrôle de l’utilisation des crédits » . Les volontaires signeraient « une convention d’objectifs »  avec l’Anah « pour permettre une gestion décentralisée de MaPrimeRénov’ et des autres crédits affectés à la rénovation énergétique des logements » . L’objectif étant, si l’expérimentation donne des résultats positifs, de généraliser le dispositif. 

Cadeau empoisonné ?

Cette proposition soulève plusieurs questions. D’une part, elle ne résoud pas le problème posé par le député lui-même, à savoir « les incertitudes liées au budget d’une année sur l’autre »  : puisque les EPCI et départements volontaires récupéreraient les crédits actuellement affectés par l’État, ils seraient tout autant tributaires de ces incertitudes que dans le dispositif actuel. Sauf à penser que les EPCI volontaires rajouteraient au pot pour pallier les éventuelles baisses de crédit, ce qui pose d’autres problèmes. 

Par ailleurs, une telle décentralisation présenterait l’inconvénient de transférer aussi aux intercommunalités et départements volontaires la gestion des mécontentements – tant des ménages que des entreprises – en cas de diminution des crédits, ce qui pourrait s’apparenter à un cadeau empoisonné. 

Enfin, ce dispositif risque bien d’être fort compliqué à gérer d’un point de vue comptable, puisqu’il supposerait une sorte de double comptabilité sur les budgets de la rénovation énergétique – une part restant entre les mains de l’État, une autre part étant allouée aux collectivités volontaires. Sans compter que la proposition de loi prévoit, dans le cas où un département prend la compétence, que cette compétence ne s’exerce pas dans les EPCI du département qui auraient, eux aussi, demandé à prendre la compétence. Pas sûr que la « simplification »  annoncée par le député soit, en l’occurrence, au rendez-vous. 

Alors que les travaux du Parlement n’ont toujours pas repris – même si la session ordinaire ouvre aujourd’hui –, nul ne sait quand cette proposition de loi sera débattue, ni même si elle le sera. La question essentielle, pour l’instant, dans ce dossier, est de savoir quel budget sera alloué à la rénovation énergétique des bâtiments dans le projet de loi de finances pour 2026… dont on ne connait pas, à cette heure, le premier mot. 

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