Un an après le Ségur de la Santé, les maires veulent être « une partie de la solution »
Par Franck Lemarc
« Cent réunions au ministère, près de 200 contributions écrites, plus de 118 000 réponses de professionnels de santé, plus de 200 réunions organisées… ». Le ministre de la Santé et des Solidarités, Olivier Véran, a rappelé le travail considérable qui a présidé, l’an dernier, à l’organisation du Ségur de la Santé, « événement qui a changé la donne au cœur de la tempête », selon lui.
Outre les crédits dégagés pour la revalorisation des salaires des soignants (9 milliards d’euros) et les investissements de modernisation (19 milliards d’euros), le Ségur est aussi, pour le ministre, « un changement de méthode et de regard sur notre société : co-construire, décloisonner, privilégier le travail collectif et la proximité territoriale ».
Les premières réalisations du Ségur
Dans un dossier de presse très étoffé, le gouvernement fait un point d’étape sur les mesures réalisées à ce jour, affirmant que « 75 % » de celles-ci sont devenues réalité (« réalisées ou en cours de déploiement » ). « Cinq ordonnances, 17 décrets et 36 arrêtés » ont été pris pour concrétiser ces décisions.
En matière de revalorisation des salaires, le gouvernement annonce qu’une revalorisation nette de 160 à 183 euros a été effectuée pour les personnels non-médicaux, et de 183 à 578 euros net par mois pour les personnels infirmiers. Des augmentations dont les syndicats contestent toutefois la réalité, la CGT estimant par exemple qu’il s’agit d’une « tromperie médiatique » et que « nombreux sont ceux qui n’en ont jamais vu la couleur ».
Sur le terrain des investissements, les 19 milliards d’euros débloqués à l’occasion du Ségur se répartissent en trois enveloppes (15,5 milliards pour le volet sanitaire, 2,1 milliards pour le médico-social et 1,4 milliard pour le numérique). Une circulaire de cadrage sur ces investissements (lire Maire info du 18 mars) a été publiée depuis.
Sur ce terrain de la gouvernance, le gouvernement se félicite là encore des réalisations : publication de l’ordonnance relative aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l'hôpital (mars 2021), suppression du très décrié Copermo (Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers), remplacé par le Cnis (Conseil national de l’investissement en santé), qui associe des représentants des élus locaux (AMF, ADF et Régions de France).
Parmi les autres mesures engagées, on peut citer la réduction de la part de la T2A (tarification à l’activité) : un nouveau mode de financement, appuyé non plus seulement sur l’activité des services mais également sur un critère populationnel, va être mis en place. Il l’a déjà été, depuis le mois de janvier, pour les services d’urgences.
Pour l’année à venir, les ministres ont notamment annoncé que les objectifs prioritaires seraient « la concrétisation des engagements du Ségur dans les territoires, le renforcement de la coopération ville-hôpital et le recrutement de 15 000 professionnels dans les établissements de santé ».
Les maires, « ensembliers et facilitateurs »
Lors du comité de suivi de mardi, les représentants des élus locaux ont pu s’exprimer, et sans remettre en cause les avancées du Ségur de la Santé, ils ont dressé un tableau moins optimiste de la situation dans les hôpitaux. Frédéric Chéreau, maire de Douai et co-président de la commission santé de l’AMF, a notamment pointé « l’épuisement » des soignants et le nombre important des démissions, en particulier dans les services d’urgence. Il s’en explique ce matin pour Maire info : « Avec le Ségur, il y a des choses qui ont été faites, c’est indiscutable. Mais la situation reste très tendue, avec un épuisement et une perte de motivation de certaines équipes qui rendent la situation plus difficile qu’avant la crise. »
Frédéric Chéreau a également insisté sur les conséquences de l’épidémie de covid-19 en matière de répartition des charges entre hôpital public et privé : les établissements publics ayant été presque totalement accaparés cette année par les conséquences de la crise sanitaire, une partie de leurs activités se sont reportées sur le privé avec, à la clé, un important déséquilibre entre la situation financière des deux secteurs aujourd’hui. « Dans les Hauts-de-France, note ce matin le maire de Douai, tous les hôpitaux publics sont en déficit. Comment vont-ils faire pour boucler leur budget ? Reprendre l’activité à marche forcée, en cherchant à faire de l‘activité à tout prix pour faire rentrer un peu d’argent ? C’est ce que j’appelle ‘’l’effet Knock’’, et ce n’est évidemment pas souhaitable. Nous n’avons pas besoin que les hôpitaux fassent de l’activité pour l’activité : ce qu’il faut au contraire, c’est faire en sorte que les patients aient de moins en moins besoin d’aller à l’hôpital ! »
D’où la nécessité, défendue par Frédéric Chéreau et l’AMF, de créer de nouvelles « passerelles » entre la médecine de ville et l’hôpital. « Il faut des hôpitaux experts, et une médecine de ville capable de prendre en charge ceux qui doivent l’être, explique le maire de Douai. Il faut donc plus de collaboration entre les deux secteurs, il faut qu’ils se parlent, qu’ils travaillent ensemble, alors que du côté de l’État, on a tout fait pour séparer les deux. Il y a d’un côté les ARS qui s’occupent des hôpitaux, de l’autre la Cnam qui gère les médecins de ville. Nous militons pour qu’il existe des lieux où puisse se faire la synthèse entre les deux. Et les maires sont capables de faire cela, ce sont des ensembliers, ils peuvent être facilitateurs de ce dialogue entre la ville et l’hôpital, en intégrant y compris le médico-social et les acteurs essentiels que sont les associations, qui sont au plus près des habitants. Nous sommes, nous les maires, une partie de la solution ! »
Et le maire de Douai de conclure : « On accuse souvent les maires d’être des demandeurs d’argent. Bien sûr, nous réclamons des moyens ! Mais là, ce que nous proposons, c’est de travailler plus intelligemment, de réfléchir à une organisation locale et intégrée de la médecine, de mettre l’accent sur la prévention pour que demain, les gens aient moins besoin d’aller à l’hôpital. Et cela, demain, ça coûtera moins cher. »
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