Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 30 mars 2023
Mobilité durable

Trottinettes : un « plan de régulation » qui allie sanctions et prévention

Le ministre chargé des Transports, Clément Beaune, a présenté hier son plan de régulation de l'usage des trottinettes électriques. Si la réglementation va être durcie, le ministre mise également sur le respect de « bonnes pratiques » tant chez les opérateurs que chez les collectivités. 

Par Franck Lemarc

Un développement rapide et « parfois chaotique ». C’est ainsi que Clément Beaune qualifie l’essor des trottinettes électriques, qui comptent aujourd’hui en France quelque 2,5 millions d’utilisateurs. Parce qu’il « refuse de baisser les bras »  face « à la régulation insuffisante, aux incivilités et aux accidents », le ministre a lancé hier « un plan national de régulation et d’encadrement des trottinettes électriques ». La présentation de ce plan intervient, ce qui ne doit sans doute rien au hasard, à quelques jours du référendum à Paris sur le maintien ou non du service de trottinettes en libre-service, qui se tiendra dimanche. 

Hausse des accidents

Les chiffres sont impressionnants. Quelques années après leur arrivée sur le marché, les trottinettes électriques se sont imposées comme un nouveau mode de transport du quotidien, dans les villes. Un tiers des Français disent « utiliser ou avoir utilisé »  un de ces engins « de façon ponctuelle ou quotidienne », notamment dans le cadre des déplacements domicile-travail. Plus de 200 villes disposent d’un service de trottinettes en libre-service.

Revers de la médaille : le nombre d’accidents graves d’utilisateurs d’EDPM (engins de déplacements personnels motorisés, catégorie qui inclut les trottinettes, les overboards et autres gyropodes), a crû de 38 % entre 2021 et 2022. D’où, a expliqué le ministre hier, le besoin d’une meilleure « régulation ». 

Se pose également la question du partage de la voirie et de l’espace public. Dans certaines villes – dont Paris – la mise en place de services de trottinettes électriques en libre accès a conduit à de tels problèmes d’occupation anarchique de la voirie que la mairie envisage d’y mettre fin. 

Marges de manœuvre pour les maires

Les premières réglementations de l’usage des EDPM sont apparues dans la LOM (loi d’orientation des mobilités) de 2019. Rappelons qu’aujourd’hui, un certain nombre de règles s’appliquent déjà : interdiction d’utiliser sur la voie publique des engins circulant à plus de 25 km/h, interdiction de circuler à plusieurs sur le même engin, interdiction de circuler sur les trottoirs. 

« En agglomération, (les trottinettes) ont obligation de circuler sur les pistes et bandes cyclables lorsqu’il y en a. À défaut, (elles) peuvent circuler sur les routes dont la vitesse maximale autorisée est inférieure ou égale à 50 km/h », rappelle le ministère. Mais il faut rappeler que depuis le décret du 23 octobre 2019,  les maires peuvent déroger à cette règle générale (lire Maire info du 25 octobre 2019). Ils peuvent par exemple autoriser par arrêté la circulation sur les trottoirs, ou au contraire interdire la circulation sur certaines voies. Ces règles sont conformes aux souhaits émis à l’époque par l’AMF, qui demandait que toute latitude soit donnée aux maires pour décider de la réglementation en fonction des conditions locales. 

Trois nouvelles règles dans le Code de la route

Néanmoins, pour garantir la sécurité des utilisateurs et un meilleur partage de la voirie, le gouvernement a décidé de durcir la réglementation. Trois mesures nouvelles vont être mises en œuvre par décret, a annoncé hier Clément Beaune. 

Premièrement, l’âge minimum pour la conduite des EDPM va être relevé de 12 à 14 ans, « en cohérence avec les autres véhicules de catégorie 2 », comme les cyclomoteurs. Les collectivités pourraient être autorisées à relever, localement, cet âge minimum.

Deuxièmement, les sanctions en cas d’infraction vont être relevées : la circulation à deux sur un EDMP ou la circulation sur des voies interdites sera désormais sanctionnée d’une amende de 135 euros au lieu de 35. L’usage d’un engin débridé sera également sanctionné de 135 euros d’amende, et celui d’un engin pouvant dépasser les 25 km/h, de 1 500 euros d’amende.

Enfin, le décret va rendre obligatoire les feux stop et les clignotants sur les EDMP. Cette mesure va avoir une portée nettement plus importante, puisqu’elle va obliger les opérateurs à renouveler la totalité de leur flotte. On peut donc imaginer que la mesure va être d’application progressive.

Au-delà des sanctions, le gouvernement mise sur « la formation et la sensibilisation »  – des campagnes vont être lancées en ce sens. Un « Observatoire national de la micromobilité »  va être créé, avec pour objectif de « produire des connaissances sur l’usage des trottinettes électriques en France, leur accidentologie et leur impact environnemental ». Les collectivités locales y seront « associées ». 

Engagements et bonnes pratiques

Enfin, le gouvernement propose aux collectivités qui mettent en place une offre de trottinettes en libre-service de signer « une charte d’engagements »  avec les opérateurs. Il s’agit d’un dispositif à double sens : les opérateurs s’engagent à respecter un certain nombre d’engagements, et les collectivités à respecter des « bonnes pratiques ». 

La charte d’engagements, réalisée en coopération avec les opérateurs, est publiée dans le dossier de presse du ministère. Les opérateurs s’engagent par exemple à se donner les moyens de vérifier l’âge des conducteurs, à inciter au port du casque, à respecter les équipements obligatoires. Ils devront munir leurs engins de systèmes permettant d’être repérés lorsqu’ils stationnent en dehors des emplacements dédiés, et de « doubles béquilles »  pour garantir une meilleure stabilité en stationnement. 

Côté collectivités, les bonnes pratiques qui doivent être adoptées visent à améliorer la régulation, par exemple en « autorisant le déploiement d’un volume de flotte équilibré, assurant la fiabilité et la disponibilité de l’offre tout en préservant l’occupation de l’espace public et en tenant compte des configurations territoriales »  ; ou en « délivrant des permis d’occupation du domaine public d’une durée suffisamment longue pour permettre aux habitants de se familiariser avec l’offre et aux opérateurs d’investir sur le territoire (2 ou 3 ans avec une capacité de dénonciation en cas de manquement avéré) ». 

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