Transports : les sénateurs veulent restreindre le droit de grève sur certaines périodes
Par A.W.
Les sénateurs ont adopté, hier, en première lecture, une proposition de loi visant à restreindre le droit de grève dans les transports durant certaines périodes jugées sensibles, telles que les vacances scolaires, les jours fériés ou lors des élections.
Porté par le chef de file des sénateurs centristes Hervé Marseille, ce texte particulièrement clivant a été soutenu par la droite et le centre, mais vilipendé par la gauche, alors que le camp présidentiel s’est abstenu.
« Atteinte directe » au droit de grève
Face à ce qu’il considère comme des « excès », Hervé Marseille a estimé qu’il fallait « rétablir un équilibre entre droit de grève et continuité du service ». Une réponse aux dernières mobilisations des contrôleurs de la SNCF qui avaient perturbé le départ en vacances de milliers d’usagers, en décembre 2022 et en février dernier.
« Paralyser tout un pays pour défendre des privilèges catégoriels n’est pas une situation équilibrée », a critiqué Hervé Marseille assurant, selon lui, que « nos concitoyens n'en peuvent plus ».
Déplorant le fait que « notre pays totalise le plus de jours de grève dans le monde », le rapporteur Philippe Tabarot (LR) a, toutefois, tenu à préciser que ce texte n’a pas vocation à « remettre en cause » ce droit constitutionnel. « Nous disons oui au droit de grève mais non au blocage absolu de tout un pays. Nous disons oui au droit de grève, mais avec des limites proportionnées », a-t-il expliqué.
S’il a dit « entendre l’exaspération de nos compatriotes », le ministre des Transports, Patrice Vergriete, s'est opposé à la proposition de loi, estimant qu’elle « soulève des interrogations lourdes sur le terrain du droit et de l’opportunité », celui-ci ne souhaitant pas « monter les Français les uns contre les autres ».
« La majorité sénatoriale tente de se réapproprier le droit aux vacances au nom de l'intérêt général », a fustigé le sénateur socialiste Olivier Jacquin jugeant ce texte « inconstitutionnel », quand le député écologiste Guillaume Gontard a dénoncé, à son tour, « l’inconstitutionnalité » d’un texte qui est « une atteinte directe au droit de grève », « un droit qui a façonné l’histoire de notre pays ».
Suspension jusqu’à 30 jours par an
S’inspirant d’un mécanisme qui existe en Italie depuis une trentaine d’années, le texte adopté prévoit ainsi des périodes de suspension du droit de grève dans le secteur des transports afin de « concilier les aléas consécutifs à son exercice et le bon déroulement des périodes de grands départs ».
Les sénateurs ont donc autorisé le gouvernement a privé, après une concertation d’au moins 30 jours avec les organisations syndicales représentatives, de droit de grève les « personnels des services publics de transport […] indispensable » jusqu’à 30 jours par an et durant des périodes de sept jours d’affilée maximum.
Contrairement à ce que les sénateurs avaient prévu initialement, cette suspension du droit de grève ne pourra se faire sur des journées entières, mais uniquement aux heures de pointe : « Entre 6 h 30 et 9 h 30 et entre 17 heures et 20 heures ».
Seuls les transports terrestres et maritimes (pour « la desserte des îles françaises » ) sont concernés, à « l’exception des services de transport international de voyageurs ». Le secteur aérien a, lui, été sorti du dispositif, lors de l'examen en commission.
Si les périodes de suspension du droit de grève devraient être fixées, chaque année par décret, au moins 90 jours avant que la première période concernée ne débute, les sénateurs ont limité cette possibilité « qu’à certains moments de l’année ». Dans le détail, celles-ci iraient « de la veille et jusqu’au lendemain des jours fériés » et « des jours des élections nationales et locales », durant « les vacances scolaires » et « pendant les événements d’importance majeure sur le territoire français ».
Une exception notable a, toutefois, été introduite : pendant la période des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, le décret pourra être publié « au moins 30 jours avant le début de la première période de suspension » et la durée de la période de concertation préalable pourra être réduite à 15 jours.
Réquisitions et fin des « grèves de 59 minutes »
Largement amendé en commission, le texte prévoit dorénavant d'allonger le délai de déclaration des grévistes de 48 à 72 heures (et leur décision de renoncer à participer à la grève de 24 à 48 heures) et de garantir un « niveau minimal de service » aux heures de pointe avec réquisitions après « trois jours de suite » de perturbations.
En outre, un dispositif de « caducité » de certains préavis est mis en place afin de lutter contre les « préavis dormants » qui ont été déposés plusieurs mois plus tôt.
Une mesure permettrait également aux entreprises de transports d’imposer aux salariés indispensables de faire grève « exclusivement au début de l’une de leurs prises de service et jusqu’au terme dudit service ». L’objectif est ainsi de lutter contre les « grèves de 59 minutes » qui seraient grandement désorganisatrices.
Enfin, un dispositif permettrait d’assurer « l’effectivité du service minimal défini par l’AOM, et ce notamment aux heures de pointe, afin de soutenir les mobilités du quotidien ».
La proposition de loi doit, désormais, être mise à l'ordre du jour de l'Assemblée.
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