Édition du vendredi 18 décembre 2015
Sécurité dans les transports : les réseaux « obligés » de se doter de services de sécurité
Avant de se séparer pour la trève des fêtes de fin d’année, les députés ont adopté hier, en première lecture, la proposition de loi Savary sur la sécurité dans les transports collectifs (lire Maire info de mercredi).
Ce texte, comme l’a expliqué son auteur, vient d’une situation particulière : une première version est née « d’une demande de la SNCF et de la RATP pour endiguer la fraude dans les transports publics » ; puis s’est « téléscopée » là-dessus « l’actualité tragique des attentats ». Le texte adopté par les députés mélange donc des mesures contre la fraude et des mesures contre le terrorisme – dans des transports qui, l’attentat d’Atocha en Espagne ou la tentative dans le Thalys, au moins d’août, l’ont montré, sont vulnérables.
Le gouvernement, représenté par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a exprimé son « total soutien » à ce texte. L’ensemble des groupes représentés à l’Assemblée nationale a également soutenu ce texte, et l’a voté, malgré quelques réserves exprimées sur certains points précis.
Le texte a été assez largement amendé en séance. Sur un point au moins, ces amendements introduisent des dispositions contraignantes pour les collectivités locales : elles devront, d’une façon ou d’une autre, assurer localement la sécurité dans leurs réseaux de transport.
Les députés ont, en effet, tenu à ce que les dispositions adoptées ne soient pas valables uniquement – comme c’était le cas pour le texte initial – pour la SNCF et le réseau francilien de la RATP. Ces deux réseaux sont les seuls, à ce jour, qui ont le droit d’avoir un service de sécurité interne (la Suge pour la SNCF et le GPSR pour la RATP). Le texte prévoit de renforcer les prérogatives de ces deux services de sécurité. Mais, a rappelé le ministre de l’Intérieur, « cette proposition de loi ne regarde pas seulement les Franciliens, mais bien tous nos concitoyens, où qu’ils vivent sur notre territoire ». Des mesures ont donc été ajoutées au texte, par amendement, pour contraindre les réseaux de province de se doter de services de sécurité ou de bénéficier des services des polices municipales, quand elles existent.
« Les exploitants sont tenus d’assurer la sûreté des personnes transportées », dit le nouveau texte. Il s’agira donc bien d’une obligation. Trois possibilités seraient offertes : « Recourir à des sociétés de sécurité privées adhérant au Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) ; se doter d’un service de sécurité « interne » ; ou enfin recourir aux polices municipales ».
Ces deux derniers points sont une absolue nouveauté dans le droit français. L’article 6 ter du texte adopté dispose que désormais, « les autorités organisatrices de transports et les exploitants peuvent se doter de services de sécurité internes qui sont soumis au livre VI du Code de la sécurité intérieure ». Ces services, a tout de même précisé le rapporteur du texte, ne seraient pas dotés des mêmes prérogatives que la Suge ou le GPSR, « qui ne sont pas reproductibles ». On verra quel sera l’avenir de cette disposition : on sait en tout cas que les transporteurs sont aujourd’hui extrêmement réticents à l’idée de se doter de services de sécurités internes, estimant, comme l’a récemment exprimé l’UTP (Union du transport public) que ce n’est pas leur métier.
Plus loin, à l’article 12, deuxième possibilité : les polices municipales pourraient intervenir et dresser des procès-verbaux dans les réseaux, non seulement sur leur commune mais également sur le territoire des autres communes desservies par le réseau, à condition que celles-ci soient « d’un seul tenant », c’est-à-dire « contiguës ». Il faudrait alors que les communes concernées « concluent entre elles une convention locale de sûreté des transports collectifs » sous l’autorité du préfet.
Plus généralement, quelle que soit la solution choisie, les autorités organisatrices devront conclure avec les préfets « un contrat d’objectif départemental de sûreté dans les transports », dans le but de « déterminer les objectifs de sûreté des différents réseaux et services de transport ainsi que les moyens mis en œuvre pour les atteindre ». L’auteur du texte, Gilles Savary, a expliqué dans l’hémicycle que le but de ces contrats est de faire en sorte que tout « ne soit pas laissé au bon vouloir de chaque élu local », les uns « souhaitant mettre (ces mesures) en œuvre, les autres s’y refusant ». Alain Vidalies, secrétaire d’État aux Transports, a enfoncé le clou sur le sujet : mettre en place ces mesures sera « une obligation », qui devra « s’appliquer sur l’ensemble du territoire ».
Alors que le texte doit maintenant être discuté au Sénat, plusieurs questions se posent : l’une a été posée par le député de l'Oise Patrice Carvalho qui s’est interrogé sur une forme de transfert de compétences régaliennes – les tâches de police – vers des sociétés privées. « Déléguer une partie de l’exercice de compétences régaliennes n’est pas un acte anodin. (…) Le glissement, qui semble s’opérer (…) vers un régime de prestation marchande (…) soulève de sérieuses interrogations sur la garantie des libertés publiques et la responsabilité de l’État dans l’exercice de ses pouvoirs régaliens. »
Reste enfin la question financière : si les autorités organisatrices doivent se doter de services de sécurité, ou si les exploitants de leurs réseaux le font, cela aura forcément un coût. Lequel ? Impossible de le savoir pour l’instant. Ces dispositions, introduites par amendement en séance publique, n’ont pas fait l’objet d’une étude d’impact.
Télécharger le texte adopté.
Ce texte, comme l’a expliqué son auteur, vient d’une situation particulière : une première version est née « d’une demande de la SNCF et de la RATP pour endiguer la fraude dans les transports publics » ; puis s’est « téléscopée » là-dessus « l’actualité tragique des attentats ». Le texte adopté par les députés mélange donc des mesures contre la fraude et des mesures contre le terrorisme – dans des transports qui, l’attentat d’Atocha en Espagne ou la tentative dans le Thalys, au moins d’août, l’ont montré, sont vulnérables.
Le gouvernement, représenté par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a exprimé son « total soutien » à ce texte. L’ensemble des groupes représentés à l’Assemblée nationale a également soutenu ce texte, et l’a voté, malgré quelques réserves exprimées sur certains points précis.
Le texte a été assez largement amendé en séance. Sur un point au moins, ces amendements introduisent des dispositions contraignantes pour les collectivités locales : elles devront, d’une façon ou d’une autre, assurer localement la sécurité dans leurs réseaux de transport.
Les députés ont, en effet, tenu à ce que les dispositions adoptées ne soient pas valables uniquement – comme c’était le cas pour le texte initial – pour la SNCF et le réseau francilien de la RATP. Ces deux réseaux sont les seuls, à ce jour, qui ont le droit d’avoir un service de sécurité interne (la Suge pour la SNCF et le GPSR pour la RATP). Le texte prévoit de renforcer les prérogatives de ces deux services de sécurité. Mais, a rappelé le ministre de l’Intérieur, « cette proposition de loi ne regarde pas seulement les Franciliens, mais bien tous nos concitoyens, où qu’ils vivent sur notre territoire ». Des mesures ont donc été ajoutées au texte, par amendement, pour contraindre les réseaux de province de se doter de services de sécurité ou de bénéficier des services des polices municipales, quand elles existent.
« Les exploitants sont tenus d’assurer la sûreté des personnes transportées », dit le nouveau texte. Il s’agira donc bien d’une obligation. Trois possibilités seraient offertes : « Recourir à des sociétés de sécurité privées adhérant au Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) ; se doter d’un service de sécurité « interne » ; ou enfin recourir aux polices municipales ».
Ces deux derniers points sont une absolue nouveauté dans le droit français. L’article 6 ter du texte adopté dispose que désormais, « les autorités organisatrices de transports et les exploitants peuvent se doter de services de sécurité internes qui sont soumis au livre VI du Code de la sécurité intérieure ». Ces services, a tout de même précisé le rapporteur du texte, ne seraient pas dotés des mêmes prérogatives que la Suge ou le GPSR, « qui ne sont pas reproductibles ». On verra quel sera l’avenir de cette disposition : on sait en tout cas que les transporteurs sont aujourd’hui extrêmement réticents à l’idée de se doter de services de sécurités internes, estimant, comme l’a récemment exprimé l’UTP (Union du transport public) que ce n’est pas leur métier.
Plus loin, à l’article 12, deuxième possibilité : les polices municipales pourraient intervenir et dresser des procès-verbaux dans les réseaux, non seulement sur leur commune mais également sur le territoire des autres communes desservies par le réseau, à condition que celles-ci soient « d’un seul tenant », c’est-à-dire « contiguës ». Il faudrait alors que les communes concernées « concluent entre elles une convention locale de sûreté des transports collectifs » sous l’autorité du préfet.
Plus généralement, quelle que soit la solution choisie, les autorités organisatrices devront conclure avec les préfets « un contrat d’objectif départemental de sûreté dans les transports », dans le but de « déterminer les objectifs de sûreté des différents réseaux et services de transport ainsi que les moyens mis en œuvre pour les atteindre ». L’auteur du texte, Gilles Savary, a expliqué dans l’hémicycle que le but de ces contrats est de faire en sorte que tout « ne soit pas laissé au bon vouloir de chaque élu local », les uns « souhaitant mettre (ces mesures) en œuvre, les autres s’y refusant ». Alain Vidalies, secrétaire d’État aux Transports, a enfoncé le clou sur le sujet : mettre en place ces mesures sera « une obligation », qui devra « s’appliquer sur l’ensemble du territoire ».
Alors que le texte doit maintenant être discuté au Sénat, plusieurs questions se posent : l’une a été posée par le député de l'Oise Patrice Carvalho qui s’est interrogé sur une forme de transfert de compétences régaliennes – les tâches de police – vers des sociétés privées. « Déléguer une partie de l’exercice de compétences régaliennes n’est pas un acte anodin. (…) Le glissement, qui semble s’opérer (…) vers un régime de prestation marchande (…) soulève de sérieuses interrogations sur la garantie des libertés publiques et la responsabilité de l’État dans l’exercice de ses pouvoirs régaliens. »
Reste enfin la question financière : si les autorités organisatrices doivent se doter de services de sécurité, ou si les exploitants de leurs réseaux le font, cela aura forcément un coût. Lequel ? Impossible de le savoir pour l’instant. Ces dispositions, introduites par amendement en séance publique, n’ont pas fait l’objet d’une étude d’impact.
Franck Lemarc
Télécharger le texte adopté.
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