Pollution sonore liée aux transports : le Sénat appelle à enfin régler les perturbations locales
Par Lucile Bonnin
Le bruit est en tête des préoccupations de 27 % des Français, devant d’autres perturbations quotidiennes comme les déchets dans l’espace public, les pollutions de l’air, des sols et des eaux, selon un sondage réalisé par la Commission de l’aménagement du Sénat.
45 % des Français se considèrent exposés au bruit des transports à leur domicile ou sur leur lieu de travail, notamment en milieu urbain mais aussi à la campagne, qu'il s'agisse de nuisances sonores routières (39 %), aériennes (14 %) ou encore ferroviaires (13 %).
Selon l’OMS, le bruit causé par les transports peut avoir des conséquences graves sur la santé et provoquer des perturbations du sommeil, des troubles de l’apprentissage chez l’enfant, de l’hypertension artérielle ou encore de la dépression ou l’anxiété.
« Le bilan des politiques publiques de lutte contre le bruit des transports fait apparaître que les moyens juridiques et humains déployés pour répondre à cette problématique de santé publique ne sont pas à la mesure des enjeux », indiquent les rapporteurs Guillaume Chevrollier et Gilbert-Luc Devinaz dans le rapport qu’ils ont dédié à ce sujet et présenté hier. Pour pallier ce manquement, une vingtaine de propositions ont été formulées dont plusieurs concernent directement les maires.
« Superposition de normes » et « pilotage à vue »
Pour lutter contre ces nuisances, les sénateurs préconisent de suivre un mot d’ordre : la rationalisation.
D’abord, « la réglementation de la lutte contre les pollutions sonores s’est forgée par strates successives, sans approche globale » avec notamment les plans d’exposition au bruit (PEB), les plans de gêne sonore (PGS), les cartes de bruit stratégiques (CBS) et plans de prévention des bruits dans l’environnement » (PPBE)… Les sénateurs appellent à rationaliser ces normes afin pour faire un « véritable outil stratégique de réduction du bruit ». Ils proposent de confier à Santé publique France la définition des indicateurs de mesure des impacts sanitaires du bruit et la surveillance de leur évolution.
Il apparaît également essentiel aux sénateurs de redéployer des moyens pour renforcer l’efficacité le pilotage de la politique de lutte contre le bruit, fustigeant au passage le « pilotage à vue » mené actuellement. Les sénateurs proposent de « regrouper à l’échelle régionale les moyens humains et techniques de lutte contre le bruit et généraliser la mise en place d’observatoires régionaux du bruit afin de renforcer et mutualiser les compétences territoriales ». Ce type d’outil n’existe actuellement que dans deux régions : en Île-de-France, avec BruitParif, et en région Auvergne-Rhône-Alpes avec Acoucité.
Solutions locales
Dans les agglomérations mais aussi dans les plus petites communes, de plus en plus de collectifs de citoyens se forment pour dénoncer les nuisances sonores dues aux transports. Au-delà de la nécessité de « lancer un plan de résorption des points noirs de bruit (PNB), à partir d’une cartographie préalable des zones concernées, par redéploiement de financements budgétaires, et d’une meilleure prise en charge des travaux d’insonorisation », les sénateurs appellent à « intensifier la riposte » localement.
De nouveaux dispositifs innovants de contrôle automatique des niveaux d’émissions sonores des véhicules, dits « radars sonores », sont expérimentés en France depuis le début de l’année 2022 dans sept collectivités. Pour les sénateurs, le déploiement de ces radars dans l’ensemble du territoire paraît opportun. De même, le Sénat est favorable à ce que les autorités chargées de la voirie puissent abaisser les vitesses de circulation la nuit pour protéger le sommeil et la santé des populations.
Une autre recommandation porte sur la possibilité de prendre en compte le bruit émis par les transports terrestres dans les documents d’urbanisme au même titre que le bruit aérien. En effet, le Plan d'exposition au bruit (PEB) est un document d'urbanisme opposable qui s'impose au Plan local d'urbanisme (PLU) des communes ; ce PEB ne prend pas en compte les voitures ou les trains.
Aviation de loisir et de formation
Nombreuses sont les crispations dans les territoires autour des bruits aériens, qu'il s'agisse du trafic aérien commercial (plutôt situé dans des zones densément peuplées) ou du trafic aérien de loisir ou de formation qui passe au-dessus des habitations.
On compte environ 500 aérodromes en France et seuls « quatre aérodromes sont soumis à des restrictions d’exploitation, peut-on lire dans le rapport. Or 5 % des Français sont gênés sur leur lieu de vie ou au travail par les nuisances sonores qu’ils émettent. Les communes de petite taille comptent parmi les plus pénalisées par ces nuisances. »
En la matière, les sénateurs recommandent de mieux encadrer l’aviation de loisir et de formation en plaçant le maire au cœur de la décision et notamment en lui donnant la faculté de définir des niveaux sonores maximaux pour les aéronefs utilisés et des plages horaires de restriction d’exploitation des plateformes. C’est aujourd’hui au ministre chargé de l'aviation civile qu'il revient de réglementer la circulation des aéronefs.
Si le pouvoir des maires évolue en la matière, la question du vol des drones se posera également. Depuis plusieurs années en effet, de nombreux maires déplorent de ne pouvoir directement intervenir lorsqu'un survol de drone a lieu dans leur commune, comme l’indique le sénateur Michel Canévet à l’occasion d’une question écrite. « Le pouvoir de police spéciale du ministre exclut en effet la faculté pour le maire de faire usage de ses pouvoirs de police spéciale. De nombreux maires s'inquiètent que des drones puissent survoler leur commune, la nuit, sans qu'ils en aient été préalablement informés et sans pouvoir directement intervenir », alertait-il.
Consulter l'Essentiel du rapport.
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