Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 17 octobre 2024
Transports

L'usage des caméras piétons dans les réseaux de transport temporairement interdit

Une fois encore, un manque d'anticipation conduit à devoir stopper, momentanément du moins, une expérimentation pourtant plébiscitée par les principaux concernés : l'usage des caméras piétons par les contrôleurs des transports collectifs. 

Par Franck Lemarc

Il semble que l’État n’apprend pas toujours de ses erreurs. Alors qu’une situation exactement similaire s’était déjà produite en 2018, à propos des caméras piétons des policiers municipaux, les contrôleurs des services de transport n’ont plus le droit, depuis le 1er juillet, d’utiliser les leurs. 

Le précédent des policiers municipaux

Revenons un peu en arrière. En 2016, la loi sur la lutte contre le crime organisé autorisait à titre expérimental les policiers municipaux à être dotés de caméras piétons pour « procéder à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions ». La durée de l’expérimentation était fixée à deux ans et devait s’arrêter au 3 juin 2018. Or les règles régissant les expérimentations sont claires : à l’issue d’une expérimentation, le dispositif expérimenté peut être soit généralisé, soit abandonné – et pour qu’il soit généralisé, il faut qu’une loi soit votée par le Parlement. 

En 2018, alors que plus de 300 communes s’étaient lancées dans l’expérimentation, aucune loi n’avait été prévue pour la généraliser. Aussi, le 3 juin 2018, le ministère de l’Intérieur indiquait par voie de communiqué que désormais, « les enregistrements des interventions ne sera plus autorisé par la loi ». Les communes qui avaient investi dans des caméras piétons pour les agents de police municipale n’avaient donc plus qu’à remiser celles-ci au placard, sous peine d’être hors la loi – ce qui avait plus qu’agacé un certain nombre de maires, certains allant même jusqu’à passer outre, ce qui leur avait valu un signalement du préfet auprès de procureur de la République. 

Il avait alors fallu attendre qu’une proposition de loi soit examinée de toute urgence par le Parlement, et finalement adoptée en plein été (loi du 3 août 2018 relative à l'harmonisation de l'utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique) pour que les caméras piétons puissent être ressorties des cartons. 

Occasion manquée

On prend les mêmes, et on recommence ! La situation se reproduit pour les caméras piétons des agents de contrôle des réseaux de transport. Cette fois, c’est la LOM (loi d’orientation des mobilités) du 24 décembre 2019 qui a autorisé, à l’article 113,  une expérimentation de ces caméras pour « les agents assermentés »  des réseaux de transports collectifs. Un décret du 30 avril 2021 est venu compléter cette loi et fixer les règles de l’expérimentation. Celle-ci a débuté le 1er juillet 2020, pour quatre ans. Le décret mentionne noir sur blanc qu’elle devait donc prendre fin le 1er juillet 2024. 

On aurait pu espérer que, forts de l’expérience de 2018, les pouvoirs publics allaient prendre leurs dispositions pour ne pas réitérer la situation subie par les polices municipales. Mais non. Certes, à la décharge de l’État, la dissolution n’a pas facilité les choses – mais ce n’est pas vraiment une excuse, comme on va le voir. 

Le Sénat avait en effet pris les devants, cette fois, en adoptant, le 13 février dernier, une proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, dont l’article 8 pérennise l’usage des caméras piétons pour les agents de contrôle des services de transport. Le texte a été transmis dès le lendemain à l’Assemblée nationale… sans être inscrit à l’ordre du jour. Pour qu’il puisse être adopté à temps, c’est-à-dire avant le 1er juillet, il aurait fallu qu’il soit inscrit dès le printemps, ce qui était largement possible. La dissolution, début juin, n’explique donc pas tout. 

Dispositif plébiscité

Quoi qu’il en soit, le résultat est là : depuis le 1er juillet, les contrôleurs de la SCNF, de la RATP et des 23 agglomérations qui étaient rentrées dans l’expérimentation sont censés avoir à leur tour remisé les caméras piétons. Pourtant, le dispositif a été littéralement plébiscité par les agents. Selon une enquête interne menée par la SNCF et remise au gouvernement, 96 % des agents concernés souhaitent la pérennisation du dispositif et 95 % des déclenchements ont permis « de contenir des situations conflictuelles ». Une autre enquête, menée sur le réseau de transports de Lyon, indique que la mise en place des caméras a fait diminuer d’un tiers les accidents du travail chez les contrôleurs, du fait d’une diminution des agressions. 

Mais désormais, l’utilisation de ces caméras est interdite, et le restera tant que la loi adoptée par le Sénat en février dernier soit adoptée par l’Assemblée nationale. Hier, lors de la séance de questions au gouvernement, le sénateur du Tarn-et-Garonne François Bonhomme a interpellé à ce sujet la ministre du Partenariat avec les territoires, Catherine Vautrin. Il lui a demandé si « le Parlement pourra légiférer rapidement pour rendre l’usage (des caméras) à nouveau possible ». 

La ministre a répondu positivement : « La volonté du gouvernement est bien que ce texte soit rapidement examiné à l'Assemblée nationale. »  Catherine Vautrin a indiqué qu’elle avait demandé à la ministre chargée des Relations avec le Parlement d’inscrire ce texte dans une « semaine du gouvernement ». Rappelons que la « semaine du gouvernement »  permet à celui-ci d’imposer l’examen d’un texte transmis par l’autre assemblée depuis au moins six semaines. 

Reste à savoir quand. La prochaine « semaine du gouvernement »  débute le 4 novembre, mais avec le débat sur le projet de loi de finances et sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, il est bien peu probable que ce texte puisse être discuté à cette occasion. Il faudra donc attendre a minima plusieurs semaines pour que les agents des réseaux de transport puissent à nouveau avoir le droit d’utiliser leurs caméras. 

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