Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 10 janvier 2025
Transports

Deux-roues motorisés : la circulation inter-files entre (sans prévenir) dans le Code de la route

De façon assez surprenante, le gouvernement a publié ce matin un décret intégrant la circulation inter-files (CIF) dans le Code de la route, mettant fin à l'expérimentation relancée pourtant tout récemment. 

Par Franck Lemarc

C’est une bonne surprise pour tous les motards et autres usagers de deux-roues motorisés, mais ce n’en est pas moins baroque : alors qu’il y a 15 jours à peine, le gouvernement prolongeait pour 6 mois l’expérimentation de la circulation inter-files, et alors que les résultats de cette expérimentation ne sont pas établis, il vient de changer brusquement de pied, mettant fin à l’expérimentation et pérennisant cette pratique. 

Expérimentations à rallonge

La circulation inter-files ou CIF consiste, pour les motards ou conducteurs de scooters à deux ou trois roues, à circuler entre les deux files les plus à gauche d’une route à trois voies. Pendant des années, elle s’est effectuée hors de toute réglementation, puisque cette pratique ne figure pas dans le Code de la route, et a fait l’objet d’une tolérance de la part des autorités. Sauf lorsque les forces de l’ordre en décidaient autrement – il est arrivé à de nombreux motards d’être verbalisés pour avoir circulé en inter-files, au titre du dépassement par la droite et du non-respect des distances de sécurité. 

Il y avait donc un grand flou juridique – et un certain arbitraire – sur cette pratique, que les associations d’usagers demandaient à combler depuis longtemps. 

C’est pourquoi les gouvernements successifs ont lancé une série d’expérimentations. D’abord en 2016, dans tous les départements franciliens, ainsi que dans les Bouches-du-Rhône, la Gironde et le Rhône. Constatant, cinq ans plus tard, que cette expérimentation n’avait « pas permis de conclure à la généralisation ou à l'abandon du dispositif », le ministère de l’Intérieur décidait de la poursuivre pour une nouvelle période de trois ans, en l’étendant à une dizaine de départements supplémentaires. Fin de l’expérimentation prévue cette fois le 1er août 2024. D’arrêté en arrêté, l’expérimentation a été prolongée d’abord jusqu’au 15 septembre 2024, puis jusqu’au 31 décembre de la même année. 

Tout le monde s’attendait donc à ce la CIF soit interdite à compter du 1er janvier 2025… mais un nouvel arrêté, publié in extremis le 27 décembre dernier, prolongeait encore l’expérimentation de 6 mois, jusqu’au 31 décembre 2025. 

On en était là – et à attendre les résultats de l’expérimentation, notamment en matière d’accidentologie – quand, surprise, un décret est paru au Journal officiel de ce matin. Ce décret met de facto fin à l’expérimentation et autorise définitivement la pratique de la CIF, en modifiant le Code de la route.

Les nouvelles règles

Le décret crée un nouvel article R412-11-13 au Code de la route, que doivent donc connaître notamment les agents des forces de l’ordre et des polices municipales. Cet article dispose que la CIF est autorisée « sur les autoroutes et les routes à deux chaussées séparées par un terre-plein central et dotées d’au moins deux voies chacune ». La pratique n’est autorisée que sur les routes où la vitesse maximale autorisée est supérieure à 70 km/h, sauf si cette vitesse a été « abaissée localement par décision de l'autorité de police locale de la circulation ». Ce dernier détail semble tout spécialement écrit pour les usagers du périphérique parisien, où la vitesse a été récemment abaissée à 50 km/h. 

La circulation inter-files doit obéir à des règles strictes. Elle ne peut être pratiquée que si la circulation des voitures « s’établit en file ininterrompue sur toutes les voies », et uniquement entre les feux files les plus à gauche de la circulation. Il est interdit de circuler en inter-files à plus de 50 km/h, voire 30 km/h si « l’une des files est à l’arrêt ». La pratique est interdite en cas de neige ou de verglas et, enfin, « le conducteur en inter-files doit reprendre sa place dans le courant normal de la circulation (…) lorsque les véhicules, sur au moins une des deux files, circulent à une vitesse supérieure à la sienne ».

Avis aux motards : le non-respect de ces conditions coûte très cher. L’amende prévue est de 135 euros et le retrait de trois points, voire à un retrait de permis pouvant aller jusqu’à trois ans. 

Il reste à comprendre pourquoi le gouvernement a changé de pied et décidé, d’un coup, d’autoriser une pratique jusque-là interdite – sans la moindre consultation avec l’AMF et sans que ce décret soit soumis à l’avis des élus au Conseil national d’évaluation des normes. Une évaluation de l’expérimentation a-t-elle finalement été établie par le Cerema, et pas encore publiée ? Ou le gouvernement a-t-il décidé, au nom du principe de réalité, de légaliser une pratique qui était, de toute façon, expérimentation ou pas, universellement adoptée par tous les usagers de deux-roues motorisées ? On l’ignore à cette heure. 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2