Transports publics urbains : la Cour des comptes plaide pour une hausse des tarifs
Par Franck Lemarc
La contribution des usagers au financement des transports collectifs a « significativement diminué » ces dernières années, constate la Cour des comptes dans l’enquête qu’elle vient de publier sur ce sujet. En cause : une politique généralisée de « modération tarifaire » de la part des autorités organisatrices et « une multiplication des tarifs réduits ». Logiquement, cette politique a pour conséquence une érosion des recettes, compensée pour partie par une augmentation, du versement mobilité (VM) demandé aux entreprises, puis lorsque le plafond de celui-ci est atteint, par « les subventions directes des collectivités locales, financées par les contribuables » . La Cour des comptes estime que cette situation n’est pas tenable à terme.
Des recettes en baisse
En 2019 (dernière année lors de laquelle ce ratio a été calculé), les recettes tarifaires « ne couvraient que 41 % des dépenses de fonctionnement des réseaux », à l’échelle de tout le pays. Ce ratio R/D (recettes sur dépenses) est évidemment extrêmement variable d’une collectivité à l’autre. S’il atteint 61 % dans la métropole de Lyon, il tombe sous les 20 % dans une trentaine de réseau, voire sous les 10 % dans cinq autres. Sans parler, évidemment, des réseaux entièrement gratuits, où les recettes issues de la tarification sont, par définition, nulles.
En 2019, le total des recettes tarifaires des réseaux de transport urbains se sont élevées à 5,7 milliards d’euros, pour des dépenses de fonctionnement de presque 14 milliards. Et les choses sont évidemment plus défavorables si l’on inclut les dépenses d’investissement (20,2 milliards en 2019).
Tous réseaux confondus, la Cour des comptes a calculé qu’un déplacement en transport collectif coûte en moyenne 3,50 euros, sur lesquels l’usager paye 0,76 euro, tandis que le VM représente 1,64 euro. Les collectivités complètent à hauteur de 0,97 euro.
Cette situation est le résultat d’une politique des AO résolument tournée vers la modération des tarifs – ce qui, quoi qu’en pense la Cour des comptes, relève de la libre administration des collectivités territoriales. De nombreuses autorités organisatrices ont fait le choix de ne pas augmenter le tarif des transports autant que l’inflation, de proposer des abonnements à des prix modiques, voire de « dézoner », c’est-à-dire de proposer un tarif unique quel que soit la distance parcourue. Cette politique relève à la fois d’un choix politique et social, et environnemental – les collectivités étant soucieuses de tout faire pour privilégier l’usage des transports collectifs par rapport à ce lui de la voiture, comme l’État les y encourage énergiquement.
Cela a, en revanche, des conséquences financières – dont les collectivités concernées avaient évidemment conscience, n’en déplaise à la Cour des comptes qui affirme, avec assez peu de confiance vis-à-vis des exécutifs locaux, que ces choix ont été peu, mal ou pas réfléchis (« ces décisions de politique tarifaire ont souvent été prises sans étude préalable de leurs conséquences sur les finances », écrivent par exemple les magistrats financiers).
La Cour critique également le recours jugé trop fréquent à une tarification sociale qui, selon elle, manque trop souvent sa cible : « Ces réductions se fondent souvent sur une logique de statut (tarification dite sociale) plus que sur une logique de niveau de ressources (tarification solidaire). »
Pour les magistrats financiers, cette politique a évidemment un aspect vertueux (la fréquentation augmente de façon significative), mais également un inconvénient : les réseaux « à bas prix » sont en quelque sorte victime de leur succès, deviennent saturés, et les collectivités, qui participent directement à leur fonctionnement, n’ont plus les moyens d’investir pour les développer – ce qui est, en effet, un véritable problème, mais qui a peut-être plus à voir avec la diminution des ressources des collectivités locales qu’avec leur politique de tarification.
Pour un politique tarifaire « dynamique »
Face à cette situation, la Cour des comptes plaide donc, au moins dans les réseaux de taille importante, pour une « évolution tarifaire dynamique » – autrement dit, pour une augmentation importante des prix.
Dans les plus petits réseaux, où les transports collectifs « manquent d’attractivité » , la Cour admet qu’une politique de prix bas, voire de gratuité, peut être un levier utile pour développer la fréquentation. Idem dans les réseaux « de taille intermédiaire », à court terme du moins.
Dans les plus grands réseaux, la Cour estime qu’une stratégie « robuste et efficace » passerait par « un développement de l’offre accompagné d’une hausse des tarifs pour en assurer le financement ». Une telle hausse des tarifs serait acceptable pour les usagers, selon elle, dès lors que l’offre et le service s’en trouveraient significativement améliorés.
Par ailleurs, la Cour recommande de repenser la tarification sociale pour cibler davantage les plus défavorisés : typiquement, elle estime qu’offrir un tarif réduit « sénior » sans se demander si la personne a de faibles ou de hauts revenus, est contreproductif. Les magistrats demandent également que soit établi un bilan du dézonage, qui a pour effet de « déconnecter de façon très significative le coût de l’usage » , afin « d’en apprécier les conséquences sur les comportements de mobilité ».
La Cour des comptes, jamais avare de solutions radicales, recommande enfin à l’État de « moduler » les aides qu’il apporte aux autorités organisatrices en fonction de la contribution des usagers au financement des transports collectifs, afin « d’éviter que l’État finance des mesures de baisse des tarifs ou de gratuité » . Autrement dit, elle demande que l’État soutienne les réseaux les plus chers – ce qui semble une idée, pour le moins, contre-intuitive.
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