Une « foire aux questions » indispensable pour comprendre les nouvelles règles en matière de conflit d'intérêts
Par Franck Lemarc
Étrangement, la Direction générale des collectivités territoriales n’a pas choisi de mettre ce document à la Une du portail des collectivités locales, collectivites.gouv.fr, pas plus qu’elle n’a communiqué sur sa parution. Il faut chercher un peu pour trouver la foire aux questions (FAQ), tout au fond de la rubrique « Institutions/Élus locaux » .
Mais l’essentiel est que ce vademecum de 13 pages, plutôt pédagogique, soit enfin disponible. Le document, qui a été élaboré par la DGCL et la DACG (Direction des affaires criminelles et des grâces, au ministère de la Justice) avec les associations d’élus, vise à clarifier les nouvelles dispositions issues de la loi 3DS du 21 février 2022 en matière de prévention des conflits d’intérêt. En particulier, l’objectif est de clarifier le principe « selon lequel le seul fait qu’un élu soit désigné, en application de la loi, pour représenter la collectivité ou le groupement de collectivités au sein de l’organe décisionnel d’une autre personne morale ne permet pas de le considérer comme intéressé à l’affaire lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur une affaire intéressant cette personne morale ».
Règles de déport
Cette disposition a déjà fait l’objet d’une clarification utile de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), comme Maire info le relatait le 12 mai dernier. La HATVP s’attardait en particulier sur les règles de déport, c’est-à-dire les situations où un élu ne doit pas prendre à part à une délibération et doit même quitter la salle, du fait de la possibilité d’un conflit d’intérêt.
Ces dispositions sont issues de l’article 217 de la loi 3DS, qui a été rédigé, rappelle la DGCL, dans l’objectif « d’assurer un équilibre entre les attentes citoyennes de probité et d’impartialité des élus locaux et l’exercice opérationnel des responsabilités politiques qui leur incombent ».
Le point essentiel de ces dispositions est que si un élu, « en application de la loi », participe à l’organe décisionnel d’une autre structure (office HLM, hôpital, etc.), et que sa collectivité délibère à propos de cet organisme, l’élu n’est a priori pas considéré comme étant en situation de conflit d’intérêt. La loi fixe un certain nombre d’exceptions à cette règle, détaillées dans la FAQ, mais le principe général est bien celui-ci.
D’autres règles ont été fixées par la loi 3DS, en particulier celle-ci : si un élu se déporte, il n’est pas comptabilisé parmi les membres du conseil municipal pour le calcul du quorum. Cette règle, valable aussi pour les EPCI et les syndicats mixtes fermés, ne l’est pas, en revanche, pour les départements et les régions.
« En application de la loi »
L’une des difficultés d’interprétation de ce texte était de comprendre ce que signifie l’expression « en application de la loi ». Dans quel cas un élu participe aux organes décisionnels « d’une autre personne morale en application de la loi » ? La FAQ répond précisément à la question, et rappelle que le législateur a préféré cette formulation, qui peut paraître vague, plutôt qu’une liste « qui poserait des difficultés d’exhaustivité, de mise à jour et de lecture » . La FAQ donne néanmoins un certain nombre d’exemples d’organismes à la direction desquels l’élu doit participer « en application de la loi » et entrent donc dans le champ de ces dispositions : les régies dotées de l’autonomie financière et de la personnalité morale, les établissements publics locaux (EPL) d’enseignement, les établissements publics de santé, les missions locales, les agences d’urbanisme, les MDPH… et la liste est encore longue.
Rappelons que ces règles ne s’appliquent pas si l’élu dispose d’un « intérêt personnel » dans l’organisme considéré – par exemple s’il y travaille, tout simplement. Dans ce cas, il doit obligatoirement se déporter lors des délibérations de sa commune sur cet organisme. Pour résumer : si un maire siège au conseil d’administration d’un hôpital et que la commune délibère à propos de cet hôpital, le maire n’est pas en situation de conflit d’intérêt et peut participer aux délibérations. Mais s’il est de surcroît médecin au sein de cet hôpital, il ne peut participer aux délibérations et doit se déporter.
Exceptions et cas pratiques
Autre exception prévue par la loi 3DS : le déport reste obligatoire, même quand l’élu participe à l’organe décisionnel d’une structure « en application de la loi », quand la délibération porte sur « un contrat de la commande publique, une garantie d’emprunt » ou un certain nombre d’aides. La loi ne précisant pas clairement de quel type d’aides il s’agit, la FAQ le fait : l’élu doit se déporter lorsque sa collectivité délibère sur des prestations de service, des subventions, des bonifications d’intérêt, des rabais sur le prix de vente, de location et de location-vente de terrain ou de bâtiments…
Ces dernières règles de déport ne s’appliquent pas, toutefois, aux caisses des écoles, aux CCAS et aux CIAS : « Le législateur a considéré que la convergence des intérêts entre ces entités [et la collectivité] justifiait un assouplissement des règles de déport ».
La FAQ rappelle également les modalités du déport : faut-il ou non obligatoirement quitter la salle ? comment s’organise le déport lorsqu’une réunion a lieu en visioconférence ? Comment se pose la question du quorum ?
Enfin, la FAQ revient sur les dispositions de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire concernant la prise illégale d’intérêt. Cette loi a précisé « qu’est sanctionnée, au titre de la prise illégale d’intérêt, non plus la prise d’un ‘’intérêt quelconque’’ mais la prise d’un intérêt ‘’de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité’’ de la personne ».
Les dernières pages de la FAQ présentent un certain nombre de cas pratiques qui permettent de compléter utilement ces explications, le tout faisant de ce document un outil indispensable pour comprendre ces dispositions assez complexes, mais finalement protectrices pour les élus.
Il faut tout de même souligner que la densité de cette FAQ est à l'image de la complexité de la loi 3DS du 21 février 2022, a souvent été qualifiée d'"usine à gaz". Si le document n'en reste pas moins utile pour les élus, on est encore loin d'atteindre l'engagement pris par le gouvernement pour la simplification des normes applicables aux collectivités locales.
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