Zones à faibles émissions : un rapport vante leur succès en Europe
Par Lucile Bonnin
En mai dernier, les résultats de la consultation du Sénat lancée sur les ZFE (Zones à faibles émissions) montraient l’avis négatif des citoyens français concernant la mise en place de ce dispositif. En effet, 86 % des particuliers répondants se disent opposés à la mise en place des ZFE ainsi que 79 % des professionnels répondants (lire Maire info du 26 mai).
Chargée d'une mission de plus de six mois par le gouvernement sur la mise en place de ces zones à faibles émissions, la députée Barbara Pompili, ex-ministre de la Transition écologique, vient de rendre au gouvernement les conclusions de son rapport qui prend le contrepied de ce « ressenti nettement négatif sur la mise en œuvre des ZFE » . Selon son rapport, les ZFE sont un succès en Europe. Cependant, certains ajustements sont à faire en France en faveur de l'acceptabilité. Le rapport s’intéresse donc également aux conditions pour favoriser l’acceptabilité des ZFE en France, dans la continuité des 25 propositions formulées en juillet par le groupe de travail piloté par France urbaine pour les rendre « socialement acceptables » (lire Maire info du 11 juillet).
Expériences européennes
Le but de ce rapport, comme l’explique Barbara Pompili au micro de RMC, est avant tout de « lever la tête afin de regarder ce qui se passe autour de nous ». « Ailleurs cela a été mis en place quasiment partout tranquillement. Simplement, il y a eu de l’anticipation. »
Cette limitation du trafic routier a donc été étudié dans six pays européens : le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.
En Italie, plus particulièrement à Milan, les ZFE sont un succès notamment parce qu'elles ont été introduites progressivement. En 2018, la ville a d’abord adopté un plan pour la mobilité durable puis la mise en place d’une ZFE sur un périmètre étendu est intervenue dès 2019. « À Milan, l’évolution du dispositif est annoncée jusqu’à 2030, date d’interdiction des véhicules diesel légers dans la zone B, peut-on lire dans le rapport. Le niveau d’exigence est déjà élevé : Euro 6 pour les véhicules légers diesel. Le maire, que la mission a rencontré, réfléchit à de nouvelles évolutions ».
Du côté des Pays-Bas, un niveau supérieur a même été franchi. Les 28 villes les plus importantes des Pays-Bas se sont engagées dans une démarche de « zones zéro émissions » (ZEZ), visant à la sortie du diesel en 2030 pour les poids lourds et véhicules utilitaires légers.
La mission rappelle d’ailleurs que dans ces pays, l’acceptabilité n’allait pas non plus de soi. À Londres par exemple, plusieurs dispositifs ont été mis en place comme un péage urbain en 2003, une Low émission zone en 2008 ou encore une Ultra low émission zone en 2019. Ces décisions ont pu provoqué de « vives réactions » mais sont tout de même entrées en vigueur. Et le résultat est là : « Les évaluations présentées par la mairie de Londres en 2023, font apparaître un bilan positif de la mise en place de l’ULEZ avec une baisse des concentrations de dioxyde d’azote entre 2019 et 2022 de 23 %, et de 7 % pour les particules fines. Par ailleurs, des études menées sur la santé, notamment celle des enfants, ont confirmé la corrélation entre la qualité de l’air et la santé, mais n’ont pas encore permis d’observer une diminution des effets négatifs de la pollution de l’air. » Le rapport ne dit rien, néanmoins, de l'impact social de ces mesures sur les foyers modestes.
L’Espagne est aussi, selon Barbara Pompili, une preuve de la réussite du dispositif. En effet, comme le pointe l'ancienne députée, avec ZBE (« zonas de bajas emisiones » ) madrilènes, « les concentrations en NO2 [ont] baissé de 3 % à 22 % par rapport à une situation de référence de 2010 ».
Les ZFE peuvent donc être efficaces, et « quand elles sont mises en place elles permettent de baisser la pollution et donc de baisser les atteintes à la santé des Français, donc rien que ça, c'est, en soit, un succès » , selon l’ancienne ministre. Ces exemples européens participent aussi à prouver la faisabilité des ZFE.
Acceptabilité
« Ces pays délivrent ensemble un message : les ZFE, c’est possible ! » Voilà comment le rapport peut être résumé en quelques mots. Des recommandations ont été formulées par la députée afin de relever deux défis qui inquiètent beaucoup en France pour la mise en place de ces zones : l’acceptabilité et le risque de fracture sociale.
D’abord, « pour être bien acceptée, une ZFE doit tout d’abord être perçue comme utile » , ainsi « l’information du public joue un rôle essentiel, et notamment les messages sur les enjeux de la qualité de l’air en matière de santé » . Barbara Pompili met aussi en avant le besoin de privilégier davantage la concertation prenant l’exemple de Bruxelles, où, « la concertation initiale a permis de définir les sujets à approfondir ».
Autre point important soulevé dans le rapport : « Les ménages et les entreprises ne doivent pas se sentir entravés dans leur mobilité. À cet effet, la ZFE doit s’inscrire dans une démarche globale incluant le développement des transports publics, du vélo et des services de mobilité. Il convient de rechercher le bon point d’équilibre entre efficacité et souplesse de mise en œuvre pour que les ménages et les entreprises ne se sentent pas piégés. Des dérogations temporaires peuvent y contribuer. »
L'auteure du rapport recommande également de « créer au bénéfice des ménages renonçant à remplacer leur véhicule une aide financière pour l’achat d’un abonnement aux transports » . D'ailleurs, hier, le conseil municipal de Maromme (Seine-Maritime) s'est prononcé à l'unanimité contre l'intégration de la commune à la zone à faible émission de l'agglomération rouennaise. Selon les informations de France bleu Normandie, le maire estime, « au vu de l'inflation sur l'énergie et du pouvoir d'achat en baisse », « inconcevable de rajouter à cette situation anxiogène le fait d'imposer aux gens de changer de véhicule pour se déplacer ».
Ces recommandations, sans le dire directement, montrent que tel qu’elles sont organisées et prévues, les mises en service des ZFE dans les villes concernées ne pourront être un succès qu’avec davantage de souplesse, de concertation et de pédagogie.
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