« Zones de protection forte » : un décret vite fait, mal fait selon les associations d'élus
Par Franck Lemarc
Le sommet mondial sur l’océan (One ocean summit) débute aujourd’hui à Brest, avec pour objectif de « prendre des mesures concrètes pour préserver et soutenir un océan sain et durable ». Il semble que le gouvernement s’est donné pour objectif de publier à tout prix pendant ce sommet le décret d’application prévu par l’article 227 de la loi Climat et résilience, définissant les contours des nouvelles « zones de protection forte » (ZPF) écologiques. Et ce en passant, s’il le faut, par-dessus la concertation avec les instances consultatives.
Extrême urgence
L’article 227 de la loi Climat et résilience, qui est depuis devenu l’article L110-4 du Code de l’environnement, avait déjà été adopté sans concertation préalable avec les associations d’élus. Il est consacré à « la stratégie nationale des aires protégées », et dispose que « au moins 30 % de l'ensemble du territoire national et des espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française » doivent être couverts par « un réseau cohérent d’aires protégées ». Il est créé dans cet article une nouvelle strate de protection : les « zones de protection forte », qui devraient à terme (la loi ne précise pas quand) couvrir « 10 % de l'ensemble du territoire national et des espaces maritimes sous souveraineté ou sous juridiction française ». L’article de la loi renvoie à un décret pour définir ces zones de protection forte.
C’est ce décret qui a été sorti du chapeau pour un examen en extrême urgence par le Conseil national d’évaluation des normes (où siègent les représentants des élus) et par le Conseil national de la mer et des littoraux – sommés de prendre position sous 48 heures. L’objectif du gouvernement étant, apparemment, de se montrer bon élève pendant le One Ocean summit, qui se déroule en pleine présidence française de l’Union européenne.
Qu’est-ce qu’une ZPF ?
Le décret définit une ZPF comme « une zone géographique dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques de cet espace sont évitées, supprimées ou significativement limitées, et ce de manière pérenne, grâce à la mise en œuvre d’une protection foncière ou d'une réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif des activités concernées. » Les articles 2 et 3 du projet de décret précisent que ces zones sont, d'une part, « les cœurs de parcs nationaux, les réserves naturelles, les réserves biologiques », les zones concernées par un arrêté de protection ; ainsi que, « sur la base d’une analyse au cas par cas », des espaces situés dans les zones humides, certains cours d’eau, sites classés, réserves nationales de chasse et de faune sauvage, espaces remarquables, etc.
Pour les zones définies cas par cas, le texte prévoit que les propositions de classement en ZPF seront assurées par les préfets de région ou les préfets maritimes ou les représentants de l’État, outre-mer. Ces propositions sont « soumises pour avis » aux communes concernées, avec la règle « silence vaut accord » sous deux mois.
L’étude d’impact – extrêmement sommaire – fournie au Cnen indique que les impacts financiers de cette réforme, pour les collectivités locales, seront « nuls ».
Délais trop courts
Cette nouvelle strate vient donc s’ajouter aux innombrables niveaux de protection déjà existants, des zones Natura 2000 aux Znieff en passant par les réserves naturelles, les parcs naturels, les réserves biologiques, les arrêtés de protection, les aires marines protégées, et l’on en passe. Dans un communiqué publié aujourd’hui, plusieurs associations d’élus (AMF, Régions de France, l’ADF et l'Association nationale des élus du littoral), dénoncent « une nouvelle couche administrative, proposée sans évaluation de ce qui existe déjà, (qui) coûtera en temps et en argent », et regrettent que l'énergie des collectivités soit « mobilisée en procédures diverses plutôt qu’en moyens de gestion pour renforcer l’efficacité des zones de protection déjà existantes ».
Les associations fustigent « la désinvolture croissante » du gouvernement en matière de politique environnementale vis-à-vis des collectivités locales, soumises « à des injonctions d’extrême urgence pour se prononcer, sans diagnostic, sans étude d’impact et sans garantie financière ».
Plusieurs points de ce décret auraient mérité, pourtant, d’écouter l’avis des collectivités. Notamment, le délai de deux mois seulement qui est donné à celles-ci pour se prononcer sur le ZPF, délai jugé « bien trop court » en particulier pour les communes rurales – qui seront majoritairement concernées. Les associations auraient souhaité que ce délai soit porté à quatre mois. Par ailleurs, le décret ne prévoit ni de consultation des départements (« pourtant compétents au titre des espaces naturels sensibles » ) ni des EPCI, qui ont la compétence Gemapi. Le texte ne donne, par ailleurs, « aucune précision sur les moyens qui seront consacrés à la gestion de ces zones ni sur l’impact de cette nouvelle couche de réglementation sur les projets de développement des collectivités et des acteurs économiques », déplorent les associations.
« La transition écologique ne se fera pas sur la base de lourdeurs bureaucratiques imposées, mais en bonne concertation avec les collectivités locales et leurs élus », concluent les associations, qui s’opposent à la volonté du gouvernement « d’aller trop vite, mal et seul » sur ces sujets.
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