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Édition du mercredi 8 février 2023
Transition écologique

Véhicules électriques : les sénateurs débattent de leurs conséquences économiques, écologiques et sociales

Le Sénat a organisé, hier, un débat en séance publique sur l'électrification du parc automobile. Ce débat a fait apparaître les nombreux doutes qui se font jour sur la possibilité d'atteindre l'objectif du « tout électrique » en 2035. Les collectivités locales sont loin d'être absentes de ce débat. 

Par Franck Lemarc

Ce sont les sénateurs LR qui ont souhaité débattre de ce thème avec la ministre chargée des Petites et moyennes entreprises, Olivia Grégoire. Le fonds du débat portait sur la possibilité, ou non, pour la France, d’être au rendez-vous de l’interdiction de la vente de véhicules thermiques en 2035 désormais prévue par la loi. 

« Gigantesque plan social » 

Les sénateurs à l’initiative de ce débat ont insisté sur les conséquences « industrielles et sociales »  de cette évolution, qui va porter un coup majeur à la filière automobile en France : les effectifs nécessaires à la production de véhicules électriques sont bien moins importants que pour celle de véhicules thermiques, et des filières entières – dont le décolletage, la forge, la fonte, autant d’éléments nécessaires  à la fabrication de moteurs thermiques – vont payer le prix fort. Le « tout électrique »  va probablement signer, à terme, l’arrêt de mort des usines de plusieurs milliers de salariés qui existent encore à Sochaux, Poissy, Mulhouse, Sandouville ou Douai… « Un gigantesque plan social se prépare » , s’est alarmé le sénateur du Cantal Stéphane Sautarel.

La ministre Olivia Grégoire s’est voulue rassurante sur ce point, assurant que l’État va « accompagner les acteurs industriels dans leurs projets de diversification ou de reconversion », et que « 100 millions d’euros »  seront consacrés, via le programme Territoires d’industrie, à « garantir à chaque salarié des perspectives d'emploi sur son territoire ». 

Par ailleurs, le développement de la voiture électrique devrait avoir a contrario, des répercussions industrielles positives dans d’autres secteurs. Le sénateur du Nord Frédéric Marchand a souligné que trois usines de batteries ont ouvert ou vont ouvrir dans sa région (à Douai, Douvrin et Dunkerque). Ces déclarations sont toutefois à nuancer : l’usine de Douvrin va remplacer celle de PSA-Stellantis qui fabriquait des moteurs thermiques, avec à la clé une division par trois des effectifs au bas mot. La « bouffée d’air »  saluée par le sénateur est donc toute relative. 

Bornes de recharge

Les sénateurs ont également abordé les questions de souveraineté (avec le poids considérable de la Chine dans la production des éléments nécessaires à la fabrication des moteurs électriques et de leurs matières premières), et celui du véritable bilan écologique de la voiture électrique : si celle-ci ne produit pas de gaz à effet de serre à l’utilisation, il n’en va pas de même lorsque l’on prend en compte sa production – notamment très consommatrice de métaux rares, dont la production elle-même est extrêmement néfaste à l’environnement. Reste que le bilan carbone de la voiture électrique est indubitablement meilleur, à long terme, que celui des véhicules thermiques, comme l'a établi l'Ademe dans une étude récemment publiée

Se pose également la question de la production d’électricité : si l’ensemble du parc automobile passe, à  terme, à l’électrique, cela nécessitera une très forte augmentation de la consommation d’électricité, et certains sénateurs doutent de la capacité du pays à la produire, eu égard à l’état de la filière nucléaire et à la lenteur du développement des énergies renouvelables. 

Reste enfin la question cruciale des bornes de rechargement. Plusieurs sénateurs, issus en particulier des territoires ruraux, ont fustigé la lenteur du développement du réseau de bornes électriques, ce qui est un frein majeur à celui des voitures électriques. « Le développement des bornes de recharge est laborieux dans les zones rurales » , a noté Véronique Del Fabro (Meurthe-et-Moselle). « Un plan spécifique est-il prévu pour les zones rurales ? » , a questionné Joël Bigot (Maine-et-Loire). 

La ministre a reconnu que l’implantation des bornes prend du retard et est en-deçà des objectifs, mais a affirmé que le cap des 100 000 bornes sera atteint d’ici la fin de l’année. Mais – alors que c’est clairement l’État qui est en carence sur ce sujet – elle a renvoyé la balle aux collectivités locales : « Il est indispensable que les collectivités territoriales jouent leur rôle de planification territoriale » . Elle a cependant émis une idée intéressante : que le Fonds vert puisse servir au renforcement du développement des bornes. La ministre propose « d’en parler »  avec le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. 

Enfin, plusieurs sénateurs ont dénoncé le « manque de transparence »  sur les prix pratiqués pour la recharge des véhicules et le caractère encore très « peu pratique »  que revêt cette opération. Véronique Del Fabro a indiqué que pour recharger son véhicule dans sa propre communauté de communes, elle doit utiliser plusieurs cartes d’abonnement différentes, et que « les tarifs vont de 35 centimes à 15 euros pour une recharge » . « La France des 35 000 communes ne doit pas devenir celle des 35 000 abonnements nécessaires pour recharger son véhicule ! »  La ministre a promis de transmettre la question à sa collègue Agnès Pannier-Runacher, ce manque de transparence n’étant « pas acceptable ».  

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