Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 10 avril 2025
Transition écologique

ZAN : des députées proposent une réforme de la fiscalité locale pour « mieux inciter à la sobriété foncière »

Après que le Sénat a adopté un texte assouplissant grandement le « Zéro artificialisation nette des sols », les députées Sandrine Le Feur et Constance de Pélichy défendent la « consolidation des ambitions initiales » de sobriété foncière et proposent de nouveaux outils fiscaux « Ã  la main des élus ».

Par A.W.

Face à l’offensive en cours des sénateurs qui veulent très largement assouplir le « Zéro artificialisation nette des sols »  (Zan), deux députées viennent d’y répondre dans un rapport visant à « stopper le détricotage »  en cours et à plutôt « consolider les ambitions initiales du Zan ».

Via une trentaine de propositions, les députées Sandrine Le Feur (Renaissance) et Constance de Pélichy (Liot) souhaitent ainsi inciter les élus locaux – mais aussi les particuliers et les entreprises - à mieux préserver les espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) en mettant en place « une réforme ambitieuse »  de la fiscalité locale, dont elles espèrent voir les mesures intégrées dans le prochain projet de loi de finances.

Maintien de l’objectif intermédiaire

Cette contre-offensive fait suite à l’adoption, il y a un mois, par le Sénat de la proposition de loi « Trace »  qui vise à revoir de fond en comble un Zan suscitant beaucoup d’inquiétudes, notamment chez les élus locaux. Alors que les sénateurs ont supprimé l'objectif intermédiaire de sobriété foncière et multiplié les exemptions, certains députés avaient annoncé qu'ils ne « laisseraient pas faire »  ce « détricotage inadmissible du Zan »  lors du passage du texte à l'Assemblée.

À l'opposé de leurs collègues du palais du Luxembourg, les deux rapporteures défendent ainsi le maintien d'un objectif intermédiaire qui prévoit de réduire de moitié l'artificialisation des sols, bien qu’elles divergent sur les échéances. D’un côté, Sandrine Le Feur préconise de le conserver en 2031 comme la loi l’exige, tandis que Constance de Pélichy s’aligne sur la volonté du gouvernement de décaler ce point d’étape en 2034.

Conscientes que « le Zan ne peut pas être une norme imposée d’en haut »  et que sa mise en œuvre nécessite « une adhésion claire et active des élus locaux », les deux rapporteures assurent que la sobriété foncière « doit devenir un levier de développement durable, pensé et porté par les territoires eux-mêmes ».

Nouveaux outils fiscaux « à la main des élus » 

Afin de faciliter la transition vers la neutralité foncière en 2050, les deux députées prônent donc la mise en place de « nouveaux leviers fiscaux et budgétaires à la main des élus locaux »  afin d’inciter ces derniers et les porteurs de projet à s’orienter vers « un aménagement urbain sobre en foncier ».

Jugeant que « le système fiscal actuel favorise encore trop souvent l’artificialisation », elles proposent de supprimer l’exonération temporaire de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les constructions nouvelles et les exonérations de taxe d’aménagement bénéficiant aux entrepôts, hangars ou parkings couverts.

Les entrepôts logistiques et les aires de stationnement des grandes surfaces commerciales devraient être également intégrés dans l’assiette de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) tandis que cette dernière devrait être fortement augmentée pour les établissements « les plus consommateurs d’espace », assurent les deux rapporteures qui jugent que la Tascom représente « un levier fiscal important pour orienter l’aménagement commercial dans une logique de sobriété foncière ». 

En outre, les élues suggèrent d'augmenter la taxe sur « les aménagements consommateurs d'espaces », telle que les piscines, les stationnements ou encore les terrasses, tout en généralisant la taxe sur les friches commerciales sur l’ensemble du territoire et en l’étendant aux friches industrielles - à condition qu’il n’y ait pas une « opposition explicite de la commune ».

Création d’une dotation spécifique

À l’inverse et pour encourager la préservation des espaces naturels, les députées proposent de consolider les exonérations de taxe foncière sur « l’ensemble de [ces] terres naturelles ». Dans le but d’éviter la spéculation, elles plaident pour un renforcement des taxes sur les plus-values des terrains devenus constructibles.  

Ces nouveaux outils fiscaux doivent aussi permettre de financer une dotation aux collectivités de préservation des Enaf. Le rapport propose ainsi la création d’une dotation spécifique au sein de la DGF qui « récompens[erait] les communes exemplaires »  en la matière, ainsi qu’une « bonification explicite »  des dotations d’investissement pour les projets sobres en foncier. 

Pour elles, « les outils budgétaires existants comme la dotation globale de fonctionnement et les dotations d’investissement local (Fonds vert, DETR, Dsil) doivent être mieux orientés vers la sobriété foncière ». 

Friches et logements vacants

Sur le logement, Sandrine Le Feur et Constance de Pélichy souhaitent aussi instaurer une « majoration progressive »  sur la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et la taxe d’habitation sur les logements vacants, qui ciblerait « particulièrement les multipropriétaires », tout en favorisant la rénovation de ces derniers logements grâce à un crédit d'impôt de 25% sur les dépenses engagées. 

Face au manque de lisibilité, les rapporteures proposent, en outre, de fusionner la taxe sur les logements vacants et la taxe d’habitation sur les logements vacants en « une taxe locale facultative de lutte contre les logements vacants », en permettant aux collectivités locales de « disposer directement des recettes ainsi générées ». 

Pour lutter contre la spéculation et « accélérer le recyclage urbain », le rapport préconise la création d'un droit de préemption des mairies sur les espaces non artificialisés, mais aussi de généraliser et prolonger le droit de sursis à statuer.

Enfin, il y est défendu une série de mesures pour accélérer les successions bloquées et assouplir certaines règles d'urbanisme. Le rapport préconise ainsi d’autoriser « explicitement »  les collectivités à « fixer des densités minimales, d’étendre les possibilités de dérogation aux règles d’urbanisme (hauteur, gabarit, emprise au sol) pour favoriser la reconversion des friches et dans les cœurs de ville ruraux ».

Une dernière proposition qui fait écho à la proposition de loi de simplification des procédures d’urbanisme qui sera examinée le 15 mai à l’Assemblée et dont le but est de relancer la production de logements. Ce texte prévoit ainsi d'étendre les dérogations et diminuer les recours afin de faciliter l'accueil des travailleurs et la reconversion des friches.

Consulter le rapport.


 

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