Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 2 octobre 2023
Transition écologique

Budget : 10 milliards d'euros en plus pour la transition écologique

Le budget de la transition écologique est augmenté de 10 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2024. On connaît à présent dans le détail la répartition de ces crédits nouveaux… et les choix faits pour la refonte des redevances sur l'eau.

Par Franck Lemarc

« Un effort sans précédent de l’État ». C’est ainsi que le ministère de la Cohésion des territoires et de la Transition écologique qualifie le projet de budget pour 2024. L’engagement est autant financier, avec  10 milliards d’euros de crédits supplémentaires, qu’humain, avec « 770 postes supplémentaires dédiés à la transition »  – la plus importante augmentation d’effectifs de ce ministère depuis « vingt ans ». 

Logement

Trois secteurs mobilisent à eux seuls la moitié de ces crédits supplémentaires : les transports (+ 1,6 milliard), l’énergie et la rénovation énergétique (+ 1,8 milliard chacun).

Au-delà de ces hausses, c’est toujours le secteur du logement qui mobilise les crédits les plus importants des crédits du ministère, avec 23,2 milliards d’euros au total – dont 5 milliards pour la rénovation énergétique. Les crédits alloués au dispositif MaPrimeRénov sont en forte hausse, avec l’objectif d’atteindre les 200 000 rénovations de logements particuliers en 2024, notamment par « la poursuite du déploiement du réseau France Rénov avec les collectivités territoriales ». L’éco-PTZ (prêt à taux zéro pour la rénovation énergétique) va être prolongé jusqu’en 2027, et « recentré pour soutenir en priorité l’accession à la propriété dans l’habitat collectif neuf dans les zones les plus tendues et dans le parc ancien à rénover sur le reste du territoire ». 

Énergie

Le Fonds chaleur va être renforcé pour être porté à 800 millions d’euros, ce qui représente un quadruplement par rapport à 2027. Les énergies renouvelables seront à nouveau fortement soutenue, notamment les grands projets tels que les parcs d’éoliennes en mer : le ministère annonce que l’État financera entièrement les dépenses permettant la mise en service des trois parcs de Courseulles-sur-Mer, Dieppe-Le Tréport et Yeu-Noirmoutier, pour une production totale de 1,4 GW. Dès cet automne, le gouvernement va par ailleurs lancer un débat public sur « chaque façade »  maritime afin d’identifier les futures zones prioritaires de développement de l’éolien en mer. 

Parallèlement, le gouvernement entend amplifier le soutien au nucléaire (+ 1,5 milliard d’euros en 2024). 

Transports

Les crédits dédiés à l’Afit (Agence de financement des infrastructures de transport) augmenteront cette année de quelque 800 millions d’euros, pour atteindre 4,6 milliards (+ 20 %). Ces crédits iront « aux transports ferroviaires et collectifs », et viendront en complément des Contrats de plan État-région, dont le volet transports attendra 8,6 milliards d’euros. Le gouvernement confirme qu’il va débloquer une enveloppe de « 700 à 800 millions d’euros »  pour les RER métropolitains. 500 millions d’euros iront au fret ferroviaire. Seront également lancés, dès cette année, les projets importants que sont « le développement du titre unique et le Pass rail ». 

Ces mesures vont être en partie financées par une recette nouvelle, issue d’une « taxe sur les gestionnaires d’infrastructures de transport », qui sera affectée à l’Afit. Cette nouvelle taxe figure bien dans le PLF, à l’article 15 : il s’agit bien, même si le gouvernement ne prononce pas les mots de « taxe sur les super-profits », d’un dispositif appuyé sur un critère de rentabilité. Les entreprises exploitant « des infrastructures de transport de longue distance »  seront soumises à cette taxe si leurs revenus d’exploitation sont supérieurs à 120 millions d’euros par an et leur rentabilité (rapport entre le résultat net et le chiffre d’affaires) supérieure à 10 % en moyenne sur 7 ans. Le taux de cette taxe devrait être fixé à 4,6 %, et elle ne s’appliquera qu’à la fraction de revenus excédant les 120 millions d’euros. Le gouvernement attend un rendement d’environ 600 millions d’euros par an pour cette taxe, qui touchera essentiellement les gestionnaires d’autoroutes et les grands aéroports. 

À noter également que le gouvernement prévoit d’augmenter de 200 millions d’euros l’an prochain le soutien à l’installation des bornes électriques de recharge. 

Eau : une nouvelle redevance payée par les communes

En dehors d’autres dispositions déjà connues (lire Maire info de vendredi), il faut retenir de ce budget des dispositions importantes concernant la politique de l’eau : 500 millions d’euros supplémentaires vont être alloués aux Agences de l’eau. 

Le gouvernement annonce en passant que le plafonnement des dépenses des Agences de l’eau (actuellement fixé à 12,6 milliards d’euros) va être supprimé, non pas en 2024 mais en 2025. En revanche, il n’évoque hélas pas la suppression du plafonnement des recettes des celles-ci, puisqu’on rappelle qu’au-delà d’un certain seuil, les recettes des Agences sont reversées au budget général de l’État – ce qui reste une entorse importante au principe de « l’eau paye l’eau ». 

Le gouvernement entend, dans le budget pour 2023, « renforcer le principe de pollueur-payeur et de préleveur-payeur ». Une refonte complète du système des redevances est prévue dans le PLF, de façon à « rééquilibrer »  le système – l'idée étant notamment de faire davantage participer les agriculteurs, les producteurs d'énergie et les industriels. Pour ce qui concerne les communes et les EPCI, la redevance pour pollution domestique est supprimée, et remplacée par deux nouvelles redevances, sur la performance des réseaux d’eau potable et sur celle des systèmes d’assainissement collectif. 

Les modalités de cette nouvelle redevance sont détaillées à l’article 16 du PLF et sont, à première vue, d’une extrême complication. Il faut retenir qu’il va être calculé, pour chaque réseau, un « coefficient de performance », « déterminé en fonction de la somme des pertes par fuites et des volumes d’eau consommés sur le réseau de distribution qui ne font pas l’objet d’un comptage rapportés, le cas échéant, à la longueur du réseau de distribution et à la densité d’abonnés »  ; ainsi qu’un « coefficient de gestion patrimoniale », « déterminé en fonction du niveau de connaissance du réseau d’eau potable et de la programmation d’actions visant à améliorer et pérenniser ses performances ». Le montant de la redevance serait calculé en fonction de ces deux coefficients. Il s’agit donc, comme l’avait annoncé le ministre Christophe Béchu, d’une redevance à visée « incitative », puisque plus les réseaux sont en mauvais état, plus les communes payeront. Ceci dit, le ministère a indiqué à l'AMF que l'enveloppe serait « équilibrée »  et que globalement, les communes et EPCI ne payeraient pas plus qu'auparavant. 

Ce point reste évidemment à vérifier. Le dispositif prévu à l'article 16 est d'une telle complexité qu'il est impossible, pour l'heure, de savoir avec précision qui va payer quoi. Ce système ne résout pas, de surcroît, la question cruciale des moyens dont disposent les communes et EPCI pour rénover leur réseau d’eau, ce qui semble donc faire de ce dispositif un système essentiellement punitif. 

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