Assouplissement du Zan : les sénateurs tentent de trouver un compromis avec le gouvernement sur un point d'étape en 2034
Par Aurélien Wälti
« On fait un pas énorme, on espère que le gouvernement fera aussi un pas vers nous. » Les rapporteurs de la proposition de loi « Trace » - dont le but est d’assouplir les contraintes du « Zéro artificialisation nette » (Zan) – ont annoncé, hier, lors d’une conférence de presse, qu’ils souhaitent réintroduire, par amendement, un point d’étape dans la trajectoire de sobriété foncière prévue par la loi. Par souci de « compromis » avec l’exécutif.
Alors que ce texte porté par les sénateurs de la majorité Jean-Baptiste Blanc (LR, Vaucluse) et Guislain Cambier (centriste, Nord) prévoyait initialement d’abroger ce jalon fixé en 2031, les rapporteurs se sont dit « d’accord » pour s’aligner sur la date privilégiée par le gouvernement : 2034. À un détail près, ils refusent toujours d’y adjoindre un quelconque objectif de baisse d’artificialisation.
Un objectif « crédible » fixé par chaque région
C’est l’un des enjeux majeurs des débats qui se sont ouverts, hier soir, à l’entame de l’examen en séance de ce texte qui vise à instaurer une « trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux ». Plutôt qu’un Zan « repoussoir » qui fait peser des contraintes jugées trop importantes sur les élus locaux, les sénateurs de la majorité souhaitent donc lui préférer cette « Trace » conçue pour être plus flexible.
Au lieu d’une réduction de 50 % pour tous d’ici à 2031, l’amendement déposé par la commission des affaires économiques prévoit ainsi de laisser aux collectivités le soin de fixer le rythme d'artificialisation.
« Il faut assouplir, donner de la respiration et surtout donner la main aux territoires pour qu'ils décident eux-mêmes de leur propre trajectoire », a ainsi défendu la rapporteure centriste Amel Gacquerre. « Les régions fixeront elles-mêmes leur objectif », celui-ci devant toutefois être « crédible ».
Car si le but est bien de laisser « une marge de discussion et d’appréciation aux élus », il ne sera pas possible de « poser n’importe quel chiffre, il y a quand même des gages », a assuré la sénatrice du Pas-de-Calais qui regrette que le gouvernement ne propose pour l’heure qu'un « simple décalage » de l’objectif intermédiaire, et « pas un changement d’état d’esprit ».
« Ce qui nous importe, nous, c’est la différenciation territoriale. On ne peut pas fixer un même objectif a tous les territoires alors que les dynamiques y sont différentes », a-t-elle expliqué, se félicitant que le ministre de l'Aménagement du territoire, François Rebsamen, soit « très à l’écoute » et « ne semble pas figé sur un cadre super-normatif ».
Le ministre de l'Aménagement du territoire a d’ailleurs réaffirmé, hier soir, devant l’hémicycle, sa « confiance aux élus locaux » qu’il souhaite lui aussi « remettre au cœur du dispositif » en assouplissant ce dernier « autant que cela est possible ».
Bien que le gouvernement ait accepté d’engager la procédure accélérée sur le texte, François Rebsamen a néanmoins rappelé qu’il n’était « pas favorable à la suppression d’un jalon intermédiaire » permettant de « maintenir une évaluation sur l’atteinte des objectifs ». Une mesure « indispensable » à ses yeux. L’ancien maire de Dijon a d'ailleurs fait part de son opposition à certains objectifs du Sénat, craignant qu'ils soient « contreproductifs » et qu’ils ne « vident de leur substance les engagements auxquels nous sommes attachés ».
Un amendement gouvernemental propose ainsi de rétablir l'objectif intermédiaire d'une artificialisation réduite de moitié, mais en le repoussant de trois années, à 2034.
Spécificités des territoires
Plus globalement, le but est de « voir cette question du Zan […] avec pragmatisme pour accompagner les élus ». « On a besoin de prendre en compte les spécificités des territoires, en adéquation avec la trajectoire de sobriété foncière et les projets des collectivités », a souligné la présidente de la commission des affaires économiques, Dominique Estrosi Sassone.
Si la proposition de loi ne prévoit pas de remettre en cause l'objectif final de 2050 (qui doit mettre un terme à l’étalement urbain), elle imposerait toute une série d’assouplissements. Parmi ceux-ci, il est prévu le report des délais fixés de mise à jour des documents d'urbanisme (le gouvernement s’y oppose, redoutant notamment une certaine « insécurité juridique pour de nombreuses collectivités » ), le renforcement du rôle de la conférence régionale ou encore la possibilité pour le maire de mutualiser la surface minimale dont sa commune dispose au niveau des Scot et de la région, et pas seulement à l’échelle des EPCI.
Dans ce cadre, la majorité sénatoriale propose aussi d’exclure du décompte de l’artificialisation des sols, jusqu'en 2036, les implantations industrielles, les infrastructures de production d'énergie renouvelable et les constructions de logements sociaux dans les communes qui en sont déficitaires.
À noter que le gouvernement souhaite créer une réserve nationale de 10 000 hectares dans le cadre de la réindustrialisation « en plus des projets d’envergure nationale et européenne d’intérêt majeur, les Pene ». La commission y est défavorable car « il ne s’agit pas d’une proposition d’exemption d’une enveloppe de 10 000 hectares, mais plutôt de mutualisation. Au même titre que les Pene, le poids serait ainsi porté par toutes les régions [et] l’effort qui leur serait demandé passerait à 59 % ». Elle propose donc plutôt la mise en place d'une exemption.
Les débats s'annoncent, en tout cas, assez animés à la chambre haute. À gauche, le groupe écologiste du Sénat a déjà accusé, sur Bluesky, la droite sénatoriale de « s’attaquer au monde agricole et aux élus locaux ». « Cette loi Zan 3 », comme il la nomme, permettrait surtout de « détricoter » la législation actuelle « sous prétexte de simplification », estiment les écologistes.
Ils accusent ainsi la majorité sénatoriale de « signer un blanc-seing et un permis de bétonniser » qui « va pénaliser les élus locaux sérieux qui font des efforts pour tenir les objectifs ».
Les débats en séance doivent continuer aujourd’hui et se prolonger jusqu'au vote solennel prévu mardi.
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