« Transition(s) 2050 » : ce que l'Ademe imagine pour atteindre la neutralité carbone
Par Lucile Bonnin
Des pistes pour un futur meilleur. « 4 scénarios ont été imaginés par l’Ademe, déclare Arnaud Leroy, président-directeur général de l’agence lors de la présentation de l’étude. Ces perspectives qui sont des pistes de réflexion doivent permettre à la France d'atteindre la neutralité carbone d'ici trente ans. »
Ce travail est le résultat de plus de deux ans de recherches mobilisant plus d’une centaine d’experts de l’Ademe ainsi que des partenaires extérieurs de différents milieux professionnels et académiques, mais également un comité scientifique, constitué de membres du conseil scientifique de l’Agence et complété de personnalités qualifiées.
« Génération frugale », « Coopérations territoriales », « Technologies vertes », « Pari réparateur » : des chemins prônant d’un côté une sobriété totale et de l’autre une technologie à la pointe pour changer les modes de vie ou encore réparer le mal fait à l’environnement… Voilà ce que propose cette étude perspective inédite en la matière.
« Ce sont des chemins pour atteindre la neutralité carbone en 2050, qui, au-delà du slogan, doit être mise en œuvre », continue le président-directeur général. Il rappelle au passage que l’ambition de la Stratégie Nationale Bas-Carbone qui définit la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre jusqu'à la neutralité carbone à l'horizon 2050, va être révisée prochainement. « Cette étude pourra être utilisée dans ce cadre » , ajoute-t-il.
Deux scénarios de gouvernance locale
« Moins ça suffit et c’est bien ! » Voilà le slogan du premier scénario, où la sobriété est reine. Intitulé Génération frugale (S1), il décrit une société en recherche de sens, qui agit sur ses modes de vie et consommations pour atteindre la neutralité carbone. Tout est repensé : la consommation de viande diminue, l’alimentation est plus locale, les Français mangent bio à 70%... Et surtout l’habitat est tourné vers la proximité, c’est-à-dire qu’il y a une véritable optimisation du bâti existant avec l’utilisation des logements vacants et résidences secondaires.
Dans cette hypothèse, les collectivités territoriales ont une place de choix : « Ce renversement des valeurs s’est construit sur la durée, sous l’impulsion des collectivités territoriales qui, notamment pour des raisons économiques et d’inclusion sociale, ont misé sur la sobriété et sur les solutions d’adaptation fondées sur la nature » , peut-on lire dans la version intégrale du rapport. Bien évidemment, dans ce cas de figure, les collectivités territoriales seraient « légitimées et dotées de nouveaux moyens » .
Elles pourraient, par exemple, mettre en place « des systèmes de covoiturage financés (…) de manière un peu dispersée sur le territoire, soutenus tantôt par les régions, les intercommunalités ou les métropoles. »
Par rapport aux chiffres de 2015, la consommation finale d'énergie passe de 1 772 TWh à 790 TWh, et la demande en électricité s’établit à 400 TWh.
Deuxième scénario où le local est au centre des enjeux : Coopérations territoriales (S2). Ici, « on est dans une gouvernance partagée où les institutions publiques, les ONG, la société civile et le secteur privé réussissent à se concerter pour trouver des solutions, explique Valérie Quiniou, directrice exécutive Prospective & Recherche. La consommation devient plus mesurée, plus responsable et le partage se généralise. » Consommation de viande réduite par deux, circuits de proximité accompagnés par les politiques publiques pour une alimentation locale… L’Ademe met aussi en avant la mutualisation d’équipements comme l’électroménager pour les particuliers.
Les collectivités, dans ce cadre, redéveloppent par exemple des cuisines centrales en régie, un système d’approvisionnement qui se fait de plus en plus rare depuis une quinzaine d’années. Dans ce scénario, la consommation finale d’énergie est là encore divisée par deux par rapport à 2015, passant de 1 772 TWh à 829 TWh, pour une demande en électricité autour de 520 TWh.
Ainsi, S1 et S2 misent sur une grande sobriété pour les individus comme pour les entreprises et les collectivités. Dans ces deux cas, c’est avec « efficacité et sobriété de manière concertée que l’on atteint de manière soutenue la neutralité carbone. »
« Technologies vertes » et « Pari réparateur »
Plutôt que de faire appel à des changements directement visibles sur les territoires ou dans les vies des habitants, le troisième scénario s’appuie sur les technologies. « Technologies vertes » inclut une alimentation modifiée mais surtout des filières agroalimentaires qui sont de plus en plus performantes. Usage de la biomasse très important, usage de la forêt pour les énergies, augmentation des cultures énergétiques pour la méthanisation… Pour l’habitat, « on décide de déconstruire et construire à la façon haussmannienne pour disposer d’une rénovation énergétique forte » . La consommation finale d’énergie est réduite par rapport à 2015, passant de 1 772 TWh à 1,062 TWh.
Ultime scénario : nos modes de vie se poursuivent et ne changent pas « mais le foisonnement de biens fait que l’on doit consommer énormément d’énergie et les impacts sont plus forts, raconte Valérie Quiniou. On commence à avoir des viandes de synthèse ou des insectes, la biomasse est fortement exploitée. On mise aussi sur l’innovation technique dans l’habitat où on industrialise la rénovation. L’usage de la domotique réduit l’impact environnemental. On circule davantage et le numérique nous permet d’optimiser cela avec, par exemple, les voitures connectées. » La consommation finale d’énergie est relativement élevée, à 1 287 TWh ainsi que la demande en électricité (800 TWh) c’est-à-dire environ -23 % par rapport à 2015.
Territorialisation et dialogue
Quels enseignements peut-on tirer de cette étude notamment pour les territoires et collectivités ? Bien que ces prospectives puissent sembler compliquées à suivre la lettre et sans concession, ces différents chemins -qui sont tout de même des récits cohérents et scientifiques- rappellent que la neutralité carbone concerne tous les secteurs : bâtiment, mobilité, transport de marchandises, alimentation, agriculture, industrie, services énergétiques, etc.
Il est souligné aussi dans le rapport que l’étude est avant tout « utile pour nourrir les réflexions et débats collectifs sur le « projet de société » » . Par exemple, la question de « la régionalisation des enjeux de transition, et plus particulièrement de la forte reterritorialisation, doit être approfondie pour permettre un passage à l’action cohérent avec les contraintes inhérentes à chaque territoire. »
En conclusion de ces scénarios détaillés, l’Ademe insiste sur le fait que, sur le sujet de la neutralité carbone, il existe un « véritable enjeu de gouvernance et un besoin de favoriser le dialogue et l’articulation des décisions de tous les acteurs, publics et privés, pour parvenir à réaliser une transition réussie. »
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