Transfert des compétences eau et assainissement : non, le gouvernement n'a pas changé de position
Par Franck Lemarc
« Il nous faut sur ce sujet mettre beaucoup de souplesse et d'apaisement, travailler en commun. Parfois le modèle de l'intercommunalité est le bon dans notre choix. (…) Je souhaite qu'on puisse consolider, partout où c'est accepté, le modèle de l'intercommunalité ». Ces mots du président de la République, jeudi, en présentant le Plan eau, ont provoqué un certain émoi, dans la mesure où ils pouvaient apparaître comme une porte entrouverte et l’amorce d’une inflexion de la position, jusqu’ici très ferme, sur le transfert obligatoire de l’eau et de l’assainissement aux intercommunalités, en 2026. Le chef de l’État a même parlé « d’intercommunalité choisie », peu après, évoquant « un modèle différencié qui repose (…) sur la diversité des territoires ».
Intercommunalités de France monte au créneau
Voilà qui semblait se rapprocher de la position défendue par l’AMF, qui bataille depuis la loi Notre de 2015 contre le transfert obligatoire de ces compétences, considérant que leur périmètre ne correspond pas nécessairement à l’échelle pertinente de mutualisation des services pour organiser efficacement l’exercice de ces compétences en fonction notamment des caractéristiques de la ressource, de la répartition de la population, du périmètre des infrastructures et des contraintes financières. L'AMF a toujours expliqué qu'elle aurait préféré que la loi fixe des objectifs de performance à atteindre plutôt qu’un cadre institutionnel ne tenant que peu compte des bassins versants et de la répartition des nappes.
Les propos du chef de l’État, jeudi, ont été suffisamment ambigus pour provoquer une réaction courroucée d’Intercommunalité de France, dont le président, Sébastien Martin, a déclaré dans un communiqué, publié dans la foulée du discours présidentiel : « L’intercommunalité est l’échelle la plus adaptée (…). Face à l’urgence climatique, il serait totalement irresponsable de continuer la gestion de l’eau à l’échelle communale. Arrêtons de changer le cadre juridique et allons de l’avant. »
« La fin de la commune isolée »
Le lendemain, lors de la conférence de presse qu’il a tenue pour présenter en détail le Plan eau, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a remis les pendules à l’heure et douché les espoirs qu’avaient pu provoquer les propos d’Emmanuel Macron. « Le président, hier, n’a pas annoncé la fin de la loi » sur le transfert obligatoire, a clairement asséné Christophe Béchu. « Il a dit que la mutualisation n’était pas une option ». Et d’insister : « Il n’y a pas de remise en cause de l’intercommunalisation » de l’eau et de l’assainissement, « il n’y aura pas d’alternative à la mutualisation ». « Nous assumons la fin de la commune isolée en gestionnaire. »
Le ministre a d’ailleurs assez longuement détaillé le « problème » que représente, pour lui, l’existence de « 11 000 services d’eau dans ce beau pays » : « Cela reflète le morcellement, l’émiettement de la gestion. Et l’émiettement est porteur de difficultés, parce que ça veut dire que chacun fait les investissements à son échelle, avec un risque de gaspillage. Ça veut dire que les systèmes sont fragiles et peu résilients parce qu’ils ne sont pas interconnectés. » Ce qui selon lui multiplie les risques de fuites et de rupture d’alimentation.
Alors, qu’a voulu dire le chef de l’État ? Christophe Béchu a fait l’explication de texte : « La mutualisation n’est pas une option, elle est le chemin. Mais peut-être que d’autres formes de mutualisation que l’intercommunalité peuvent être étudiées dans certains territoires. Ça n’est pas une remise en cause du caractère souhaitable d’aller vers des modèles intercommunaux… Mais on ne peut que constater qu’entretemps la taille moyenne des intercommunalités a augmenté, (ce qui a) amené d’autres types de difficultés. »
Alors, que va-t-il se passer ? Christophe Béchu a annoncé le lancement d’une « mission parlementaire » pour étudier la manière dont pourrait être mise en place « une mutualisation assouplie pour certains territoires et sous certaines conditions ». Évoquant, par exemple, les territoires de montagne ou « hyper-ruraux » dans lesquels pourrait être étudiée la possibilité d’une coopération à trois ou quatre et pas forcément à l’échelle d’une grande intercommunalité ».
Réaction de l’AMF
Dans son communiqué publié samedi sur le Plan eau, l’AMF n’est pas revenue sur ce débat, sauf en creux, en alertant l’État sur « le risque de plaquer systématiquement un modèle unique que tout le territoire ».
Si l’association se « félicite » de la suppression du plafond des dépenses des Agences de l’eau (lire Maire info de vendredi, elle demande « une actualisation des recettes » de celles-ci, car « le financement de la politique de l’eau ne saurait continuer de reposer entièrement sur les services d’eau et donc les ménages qui contribuent déjà à hauteur de 85 % au budget des agences ». Pour l’AMF, « un rééquilibrage des contributions est nécessaire afin de tendre davantage vers une logique pollueur-payeur permettant de faire face aux enjeux nouveaux qui s’imposent à la gestion de l’eau et en particulier ceux liés à sa rareté et à la multiplication des pollutions diffuses ».
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