Maire-info
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Édition du jeudi 20 juin 2024
Tourisme

Airbnb assigné en justice par des hôteliers : une « première mondiale », selon leur avocat

Alors que 26 hôteliers français attaquent en justice la plateforme pour « concurrence déloyale », la justice a conforté la ville de Paris pour avoir refusé un permis de construire destiné à des meublés touristiques, en raison de « risques de nuisances sonores excessives ».

Par A.W.

Si l’actualité politique accorde une pause législative aux plateformes de tourisme ciblées par une série de textes parlementaires depuis le début de l’année, la justice, elle, continue son travail. 

Après l’Île-d’Oléron qui a fait céder les plateformes devant la justice, c’est au tour de Paris d’obtenir gain de cause dans une affaire de changement d’usage tandis que 26 hôteliers français viennent d’assigner en justice Airbnb pour « concurrence déloyale ».

9,2 millions d’euros réclamés

Soutenu par l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), 26 hôtels français ont annoncé, ce matin lors d’une conférence de presse, avoir assigné, lundi, en justice Airbnb à qui ils réclament 9,2 millions d’euros de dommages devant le tribunal de commerce de Lisieux, en Normandie. 

Ceux-ci dénoncent une « distorsion de concurrence »  et réclament « des réparations individuelles », a expliqué leur avocat, Jonathan Bellaich qui vient de faire lourdement condamner Airbnb à verser près de 1,4 million d'euros à l'Île d'Oléron, la plateforme de location n'ayant pas respecté la collecte et le reversement de la taxe de séjour à la communauté de communes. Une amende qui représente dix fois le montant de la taxe de séjour. 

« C’est une première mondiale. C’est la première fois que des hôteliers attaquent Airbnb pour concurrence déloyale », se félicite l’avocat des 26 hôteliers, de « toutes tailles »  et répartis sur tout le territoire français, comme à « Nice, Strasbourg Cannes, Avignon, Biarritz, Limoges, Mâcon… » 

Mais « il est possible que dans les jours qui viennent des hôteliers nous rejoignent. C’est un point de départ », envisage Jonathan Bellaich qui liste trois griefs reprochés à la plateforme.

Justificatif, numéro d’enregistrement et changement d’usage

Le premier concerne les sous-locations illégales de meublés de tourisme. Les hôteliers estiment que Airbnb manque à son obligation de surveillance qui impose à tout éditeur de contenus de veiller à l’absence de contenu illicite, ceux-ci ayant « demandé des justificatifs de titre de propriété à Airbnb restés sans réponse ». « On ne demande rien d’incroyable, juste un justificatif de droit de louer », déplore-t-il.

Un deuxième motif vise les numéros d’enregistrement des meublés de tourisme pour lesquels l’avocat a fait « constater par huissier »  qu’ils étaient parfois manquants, comme à Cannes et à Kaysersberg (Alsace). Un numéro qui « permet aux collectivités de pouvoir contrôler les loueurs qui détourneraient de leur objet ce pour quoi ils font des meublés de tourisme », rappelle Jonathan Bellaich.

À Nice également, il a été recensé, en 2023, « 3673 annonces louées de plus de 120 jours non autorisées, sans numéro d’enregistrement », selon l’un des intervenants présents à la conférence de presse.

Le troisième motif concerne le changement d’usage. Certains hôteliers qui ont saisi la justice se situent dans des communes où celui-ci est obligatoire, mais où « il y a soustraction à la réglementation par certains hôtes qui s’affranchissent d’une réglementation que les hôteliers respectent ». « C’est le cas à Strasbourg où l’on attaque sur le changement d’usage et où l’on demande un préjudice spécifique pour ces hôteliers-là parce que [les hôtes] ne se sont pas acquittés du tout de la commercialité ».

Au-delà de la concurrence avec les hôteliers, c’est aussi des ressources qui ne rentrent pas dans les caisses de la municipalité à travers la taxe de séjour. À Deauville, par exemple, d’où vient un hôtelier qui a saisi la justice, celle-ci représente « 4,60 euros par jour et par personne », indiquait ce matin Franceinfo. « Selon la mairie de Deauville, les locations sur Airbnb représenteraient 20 % des taxes de séjour collectées chaque année par la ville », précisait le média.

Nuisances sonores : la justice confirme un refus de permis 

Une autre actualité vient conforter les élus locaux dans leur lutte contre la crise du logement et les désagréments liés aux meublés de tourisme de courte durée. 

Dans une décision rendue mardi, la cour administrative d'appel de Paris vient ainsi de donner raison à la mairie qui s’était opposée à la création de trois meublés touristiques de type Airbnb, rue Réaumur, au motif que ceux-ci présentaient des risques « d'augmentation des flux et des nuisances sonores dans la cour de l'immeuble d'habitation »  pour le voisinage.

La commune est bien « en droit de refuser »  un permis de construire pour la création de meublés touristiques « en cas de risques de nuisances sonores excessives, du fait de la situation, des caractéristiques et de l’importance du projet », a ainsi confirmé la justice.

Le projet consistait en la transformation d’un local occupé par un atelier de confection en trois meublés touristiques distincts pouvant accueillir simultanément jusqu’à douze personnes. Un tel changement de destination supposait donc un permis de construire refusé, en février 2020, par la mairie de Paris, sur la base de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme. 

Si la société immobilière à la tête de ce projet avait obtenu du tribunal administratif, en septembre 2022, l'annulation d’une première décision favorable à la mairie, la cour administrative d'appel de Paris a annulé cette décision. Celle-ci a ainsi estimé que « le projet, par sa nature, son importance, et eu égard à la configuration des lieux, présentait ainsi un risque de nuisances, notamment sonores, excédant les désagréments habituels de voisinage inhérents à l’occupation de logements collectifs, et était ainsi de nature à porter atteinte à la salubrité ».

On peut également signaler l'avenir incertain du projet de loi qui venait d'être adopé au Sénat et qui prévoit d’amputer la niche fiscale dite « Airbnb »  et d’accorder certains pouvoirs supplémentaires aux maires.

Très attendu par les élus locaux, ce texte porté à l’origine par la députée Renaissance Annaïg Le Meur (Finistère) et son homologue socialiste Iñaki Echaniz (Pyrénées-Atlantiques) voit son avenir mis en suspens par la décision du chef de l’État de dissoudre l’Assemblée nationale.

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