Tiers-lieux et collectivités : un guide pour collaborer en faveur de l'action publique locale
Par Lucile Bonnin
Alors qu’il y a quelques années la notion de tiers-lieux était encore floue pour un grand nombre d’élus, désormais on en dénombre près de 3 500 partout en France. Parmi ces derniers, 60 % se trouvent en dehors des métropoles, 28 % dans des villes moyennes et un tiers en milieu rural.
Qu'ils prennent la forme de bureaux partagés (55 %), de lieux culturels (31 %), d' « espaces du faire » (28 %), d'ateliers artisanaux partagés (16 %), de laboratoires d’innovation sociale (15 %), de tiers-lieux nourriciers (10 %) ou encore des cuisines partagées (6 %), « les tiers-lieux développent l’économie de demain ».
C’est ce que pointe le GIP France Tiers-Lieux qui publie en partenariat avec l’ANCT un nouveau guide au service des collectivités qui sont les « premiers partenaires des tiers-lieux » . Ce document d’une centaine de pages « se nourrit des échanges et interactions avec plusieurs centaines d’élus locaux et d’agents publics engagés aux côtés des tiers-lieux » et recense de « nombreux retours d’expériences, témoignages et conseils d’élus, agents publics et porteurs de tiers-lieux ».
Développement territorial
Le guide est un plaidoyer pour encourager « les collectivités à poursuivre le soutien qu’elles apportent aux tiers-lieux pour faciliter leur installation et l’émergence d’activités propices au développement territorial, comme l’indique en préambule Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité.
« La fonction principale des tiers-lieux est de stimuler les interactions sociales, de développer rencontres, conversations, échanges et collaborations » , peut-on lire dans le guide. Au sein de ces espaces de travail « se déploie une grande diversité d’activités d’intérêt général sur lesquelles les pouvoirs publics ont tout intérêt à s’appuyer » .
En effet, les tiers-lieux participent tout d’abord à la création d’activités économiques répondant aux besoins d’un territoire. 24 727 emplois directs ont été créés pour gérer ces lieux et 50 000 structures économiques y sont hébergées.
Ce sont aussi des « espaces de socialisation et d’accueil inconditionnel » . 16 % des tiers-lieux hébergent un service public, 51 % développent des activités culturelles et 46 % proposent des espaces de débat citoyen.
Enfin, les tiers-lieux engagent les acteurs du territoire pour la transition écologique : 46 % des tiers-lieux sont engagés dans l’économie circulaire et le réemploi, 40 % ont un atelier de fabrication locale et 10 % agissent pour la transition agroécologique et alimentaire.
59 % des tiers-lieux sont en partenariat avec leur commune
« Renforcer le lien social, construire des réponses adaptées aux besoins du territoire, faire émerger des activités utiles, contribuer au développement territorial » : telles sont les ambitions communes des élus et des tiers-lieux. Ainsi, le guide insiste sur « l’importance des coopérations entre collectivités et tiers-lieux pour accompagner cette nouvelle économie des territoires » .
14 % des projets de tiers-lieux sont à l’initiative de collectivités et 83 % de ces lieux ont des partenariats avec ls acteurs publics, particulièrement les communes (59 %), les intercommunalités (52 %), les régions (45 %) et les départements (42 %). Pour les intercommunalités et les communes, les principales modalités de partenariat sont les subventions, la facilitation et la mise en lien, le soutien en communication et l’appui technique et l’ingénierie.
Plusieurs fiches sont disponibles dans le guide à destination des élus pour d’abord, accompagner l’émergence de tiers-lieux mais aussi répondre aux problématiques d’accès au foncier. La collectivité a également un rôle à jouer dans l’animation du tiers-lieu et elle dispose de différents leviers d’accompagnement et de financement pour le développement du projet.
Des initiatives dans les petites villes
Plusieurs témoignages représentatifs sont à retrouver dans le guide. À Auger-Saint-Vincent (496 habitants, Hauts-de-France), c’est le maire Fabrice Dalongeville qui est à l’origine d’un tiers-lieu répondant notamment au déficit d’hébergement à la campagne. « La commune a acheté un presbytère dans le but de faire une auberge avec un café mis en gérance, raconte le maire. Il se trouve occupé par un gîte communal (très important dans le montage financier) et un café citoyen (sans objectif financier) » .
Dans le tiers-lieu de la commune d’Essay (540 habitants, Orne), « il y a un centre de loisirs, des activités socio-culturelles et sportives, et le conventionnement Espace de vie sociale qui associe la mixité de publics, et a incité à intégrer au lieu différents projets portés par plusieurs associations » , témoigne la maire Pascale Leroy. Dans le cas présent, la contribution de la commune à l’animation passe par la mise à disposition d’un agent communal. Comme l’explique la maire, « la question qui revient le plus souvent c’est : par qui cela doit être porté ? Par la mairie ou par les associations ? Ça se décide au cas par cas selon les propositions de la société civile et au regard de ce qui est le plus cohérent en termes de ressources mobilisables (subventions, cofinancements, revenus propres, bénévolat, etc.) » .
À Saint-Sulpice-la-Forêt (1 339 habitants, Ille-et-Vilaine), la municipalité a racheté les murs du dernier commerce de la ville en 2011 puis a lancé un appel à projets « destiné à des personnes ayant une expérience du commerce en milieu rural et de l’économie sociale et solidaire, permettant de proposer une offre diversifiée (bar, épicerie, restaurant, café culturel) » . Après l’acquisition du local, la mairie a financé les travaux de rénovation. La municipalité apporte aussi une aide dans la recherche de financements. Pour le maire de la commune, Yann Huaumé, cette forte implication était nécessaire : « Si la collectivité attend d’un commerce qu’il remplisse certaines missions qui sont d’intérêt général, elle doit lui apporter un soutien politique ».
Cédric Szabo, directeur de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), explique qu’il faut désormais « attirer dans l’écosystème public le regard de celles et ceux qui sont encore souvent éloignés de ce mouvement : les maires et leurs équipes, mais aussi les équipes des sous-préfectures et des préfectures » . Pour accompagner les collectivités, en complément du guide, François Deluga, président du CNFPT, rappelle que l’organisme dispose d’une « offre de service dédiée sous la forme notamment de stages et d’un MOOC » et que les élus intéressés peuvent se rapprocher de leurs délégations régionales.
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