Éthique et démocratie dans le sport : des propositions pour lutter contre les dérives
Par Lucile Bonnin
Alors que la date de lancement des Jeux olympiques et paralympiques approche à grands pas, le Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport rend ses conclusions après huit mois de travail et d’auditions avec près de 170 personnes.
Ce sont Marie-George Buffet, ex-ministre des Sports et Stéphane Diagana, premier champion du monde d’athlétisme français, qui ont remis un rapport hier à la ministre des sports Amélie-Oudéa-Castéra. Ils ont présenté – en tant que co-présidents du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport – 37 recommandations articulées autour de trois thématiques arrêtées par la lettre de mission de la ministre des Sports : la gouvernance du sport, l’éthique et la protection des pratiquants.
Le contexte sportif de l’année 2023 a été particulièrement tumultueux entre crises de gouvernance au sein des Fédérations, dénonciations de harcèlement et violences sexuelles dans le sport… Il y avait, selon la ministre, une nécessité « d'accompagner des changements concrets et définitifs pour renforcer les institutions du sport français ». Les premières pistes sont dévoilées, et la remise de ce rapport devrait être suivie d’une « grande consultation élargie des acteurs et des élus locaux du sport dès le début de l’année 2024 dans le cadre de la Grande cause nationale », dans le but de « conduire à une initiative législative gouvernementale en héritage des Jeux », comme l’a indiqué la ministre.
Une gouvernance plus équilibrée
Repenser la gouvernance du sport est une première étape indispensable selon le rapport. Ainsi, le Comité propose dans un premier temps que « tous les clubs participent aux élections et aux autres assemblées générales de la fédération avec voix délibérative » et qu’un pouvoir d’initiative en matière de consultation leur soit octroyé.
Au-delà d’une plus grande implication des clubs, le rapport plaide pour « clarifier et harmoniser les règles d’indemnisation des dirigeants bénévoles de fédération ». « Je ne parle pas des quelques grosses fédérations, mais plutôt de la masse des 119 fédérations, avec des bénévoles qui ne bénéficient pas d’emplois salariés et un renouvellement très difficile au niveau des dirigeants bénévoles, précise Marie George Buffet sur France info. Il y a un entre-soi qui se crée et qui fait que ce mouvement sportif a du mal à percevoir que les exigences sociétales et éthiques ont évolué. »
Enfin, le Comité souhaite, « à l’instar de ce qui existe dans d’autres secteurs » , que l’octroi d’aides publiques « soit conditionné au suivi d’une formation sur les enjeux de politique publique (incluant la lutte contre les violences et les discriminations ou les questions de probité) par le président ou la présidente de la structure » . Il est aussi recommandé dans le rapport « que soit appliqué un principe de parité stricte dans tous les organes dirigeants du mouvement sportif (fédérations, ligues professionnelles, organes déconcentrés) et que la transparence financière des fédérations soit renforcée ».
Lutter contre « les dysfonctionnements »
Le rapport plaide pour une « révision générale de l’architecture nationale de la prévention et de la protection de l’éthique du sport français » . Selon le Comité, plusieurs moyens doivent être mis en place notamment « la mise en place d’un comité d’éthique du mouvement sportif français au sein du CNOSF, auquel serait confié une mission de service public en la matière ».
Si cette recommandation a été particulièrement bien accueillie par la ministre, d’autres ont fait l’objet de quelques réserves. Par exemple, le rapport recommande la mise en place d’un mécanisme de suspension conservatoire en cas de condamnation pénale d’un dirigeant ou d’une dirigeante de fédération, à l’issue d’un examen par le comité d’éthique fédéral. La ministre des Sports « estime qu’il n’est pas de leur compétence de prononcer, indépendamment des cas précis qui seraient prévus par la loi, des mesures d’inéligibilité, de suspension conservatoire ou de révocation des fonctions d’une personne mise en cause, ces prérogatives devant relever des instances démocratiquement élues ».
Protéger les sportifs
Ces propositions de réformes liées à un système et une organisation doivent pouvoir bénéficier aux pratiquants. Bizutage, harcèlement, violences sexuelles : « Les cas de dérives signalés se sont multipliés, et laissent souvent les victimes démunies. »
Pour répondre à ces problématiques de premier plan, la ministre souhaite, à partir des recommandations listées dans le rapport, « définir, pour chaque fédération, un plan national d’éducation et de lutte contre les discriminations (…) et en faire l’un des axes obligatoires dans les subventions accordées par l’Agence nationale du sport » . Autre mesure qui va être suivie : « mieux former les dirigeants et encadrants aux enjeux d’éthique, d’intégrité, de lutte contre les violences et les discriminations, au travers d’un institut de formation dédié porté par le mouvement sportif ».
Sur l’aspect de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, le Comité se dit favorable à la création d’un organisme indépendant, extérieur aux fédérations, « parce que quand on fait partie d’une famille, comme une famille sportive depuis des années, c’est difficile de parler » , comme l’explique Marie George Buffet. La ministre n’est en revanche pas favorable à cette mesure souhaitant miser plutôt sur la continuité des mesures déjà engagées comme la création du dispositif Signal-Sports par le ministère.
Enfin, faisant écho à la proposition de loi du sénateur de l’Aude Sébastien Pla, visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport, la ministre a indiqué vouloir étendre le contrôle d’honorabilité à tous les licenciés autres que pratiquants ; rendre obligatoire la licence pour les intervenants réguliers au sein des clubs ; et ouvrir la possibilité d’une suspension automatique de licence en cas de condamnation pénale grave.
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