Après l'attentat d'Arras, le plan Vigipirate relevé à son niveau maximum
Par Franck Lemarc
C’était la crainte majeure du gouvernement depuis la reprise de la guerre au Proche-Orient : « l’exportation » du conflit en France. Sans que l’on sache, à cette heure, les motivations exactes du jeune homme qui s’est introduit au lycée Gambetta d’Arras, vendredi matin, et y a assassiné un enseignant, Dominique Bernard, et blessant grièvement deux autres membres du personnel, il est impossible de ne pas relier cet attentat à la situation dramatique en Israël et dans la bande de Gaza.
Renforcement des enquêtes
Cet attentat a aussitôt relancé le débat sur la politique du gouvernement vis-à-vis des personnes radicalisées, malgré de nombreux appels à ne pas « instrumentaliser » ce drame. Le jeune homme était en effet connu des services de renseignements, fiché S et surveillé de près par la DGSI. Il vient d’une famille originaire du Caucase (l’Ingouchie, en Russie), proche de la Tchétchénie d’où était originaire l’assassine de Samuel Paty.
L’Élysée a donc demandé au ministère de l’Intérieur de mettre « sous surveillance renforcée » les personnes originaires de ces régions et inscrites au FSRPT (fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste). Dans une circulaire qui devrait être envoyée ce matin à tous les préfets, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, va demander aux préfets un recensement immédiat de ces personnes, venues d’un région où, selon l’Élysée, « se pratique un islam très rigoriste » et où s’organisent « des réseaux de plus en plus violents ». L’exécutif souhaite également l’expulsion immédiate vers la Russie des personnes radicalisées issues de ces régions, ce qui pose un certain nombre de problèmes dans le cadre de la guerre actuelle entre la Russie et l’Ukraine.
Temps d’échange et recueillement
Pour ce qui concerne le recueillement et l’échange, le gouvernement a annoncé dès samedi plusieurs mesures. D’une part, les cours ont été annulés pendant deux heures, ce matin, de 8 h à 10 h, dans les collèges et lycées, pour que les enseignants puissent se retrouver et échanger sur ces événements et la manière dont ils vont les aborder avec les élèves. Cette mesure correspond à une demande des syndicats étudiants, qui avaient vivement regretté il y a trois ans, après l’assassinat de Samuel Paty, qu’un tel moment d’échange n’eût pas été organisé.
Le ministère a pris attache avec Régions de France pour faire en sorte que les élèves dont les parents seraient dans l’incapacité de les emmener à l’école à 10 h, ce lundi matin, soient amenés à l’école par les services de cars scolaires à 8 h, et qu’un « accueil temporaire et minimal soit organisé » jusqu’à 10 h.
Puis, une minute de silence sera organisée dans toutes les écoles, collèges et lycées, « à la mémoire des victimes des attentats commis contre l’école », écrit le ministère de l’Éducation nationale. « En primaire, ce temps d’hommage et de recueillement pourra prendre d’autres formes, pour tenir compte de l’âge des élèves. »
Le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, a indiqué hier soir que « aucune contestation, aucune provocation ne sera tolérée » pendant cette minute de silence. Il sera demandé aux enseignements de procéder à un signalement nominatif des élèves fauteurs de trouble, ce qui entraînera « une saisine systématique du procureur de la République ».
Alerte attentats
À la suite de cet attentat, l’alerte terrorisme a été relevée au niveau « Urgence attentat », le niveau le plus élevé du plan Vigipirate. Cela va se traduire par un renforcement du dispositif Sentinelle de « plusieurs milliers d’hommes », a expliqué hier Gérald Darmanin, notamment pour sécuriser « les centres commerciaux ». La sécurité va être renforcée aux abords des écoles, « avec le déploiement de plus de 1000 personnels des équipes mobiles de sécurité », selon le ministre.
Matignon indique ce matin que les mesures particulières suivantes ont été décidées : restreindre, voire interdire, les activités aux abords des établissements scolaires, des établissements d'enseignement supérieur et de recherches et des lieux de cultes ; contrôler, pour ces lieux, les accès des personnes, des véhicules et des objets entrants. La surveillance et le contrôle de tous les rassemblements sera également renforcée.
Les lieux rassemblant du public à l’occasion de la Coupe du monde de rugby (stades et fans zones) vont également faire l’objet d’une surveillance renforcée.
Le gouvernement appelle, de façon générale, le public comme les collectivités locales à faire preuve « de la plus grande vigilance ».
L’AMF appelle à organiser des minutes de silence
Les associations d’élus ont rapidement réagi à ces événements, notamment Intercommunalités de France, dont la fin du congrès, samedi, a été bousculée par cet attentat : la Première ministre, Élisabeth Borne, qui devait prononcer le discours de clôture, a dû annuler sa venue. Sébastien Martin, président de l’association, a pris la parole : « Je ne conclurai pas cette plénière comme je l’avais prévu », a déclaré Sébastien Martin avant de demander aux participants de se lever « pour un moment de recueillement ». Le président de l’association a simplement « adressé tout son soutien aux enseignements une nouvelle fois attaqués ». « Il est de notre rôle à nous, élus, de répéter une fois encore que nous sommes et seront toujours aux côtés des enseignants, des victimes et de la République. »
L’AMF, dans un communiqué publié dès samedi matin, a exprimé « une condamnation absolue » de l’assassinant de Dominique Bernard : « Aucune cause ne peut justifier une telle atrocité ni une telle atteinte au respect de la vie. » Le président de l’AMF, David Lisnard, et les membres du bureau de l’AMF, ont souhaité « rendre hommage au professeur disparu et affirmer leur volonté de voir éradiquer ce fléau du terrorisme islamique ». Ils proposent aux maires qui le souhaitent « d’organiser une minute de silence » ce lundi 16 octobre « et d’inviter la population à y participer ».
Carole Delga et François Bonneau, au nom de Régions de France, au-delà de « l’effroi et de la tristesse » et du « soutien à l’ensemble de la communauté éducative », ont demandé au gouvernement que « la sécurité soit pleinement garantie dans (les) établissements », qui doivent être « protégés de toute forme de violence ».
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