Cohésion des territoires : portraits de « quatre France »
Le clivage entre une France des « métropoles dynamiques » et « des territoires périphériques sacrifiés sur l’autel de la mondialisation » a vécu. Dans son rapport sur la cohésion des territoires – réalisé en partenariat avec plusieurs associations d’élus dont l’AMF et présenté à la Conférence nationale des territoires du 12 juillet - le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) renverse cette « opposition binaire ». Il dresse le portrait de « quatre France », transformées en profondeur sous l’effet de dynamiques territoriales parmi laquelle la « métropolisation accélérée », et pointe « le risque de la dissociation » entre la capitale et le reste du territoire national.
Un grand arc nord-est décroche
Selon le rapport, ce ne sont donc pas deux mais quatre France qui se dessinent. L’arc occidental et méridional est l’un de ceux qui s’en sort le mieux. Il « se distingue par un double dynamisme, démographique et économique, qui bénéficie même aux plus petites villes, écrit le CGET. Les zones productives de l’Ouest (Sablé-sur-Sarthe, Laval, Mayenne, etc.) ont vu leur emploi productif mieux résister (la baisse de ce type d’emploi ayant été limitée à 3 %). »
La région Île-de-France constitue le second ensemble. Le CGET met à la fois en exergue « son attractivité économique » et l’exclusion sociale et résidentielle qu’elle peut causer.
Troisième ensemble, les départements d’outre-mer cumulent, quant à eux,« les vulnérabilités » (chômage, faibles qualifications, faibles revenus).
Le dernier ensemble est situé dans « un grand arc nord-est » de Rouen à Limoges en passant par Troyes. Il « se distingue par des fragilités importantes » : solde migratoire négatif (-0,2% par an sur la période 2009-2014), niveaux d’éducation et de qualification plus faibles, revenus moins importants, couverture numérique insuffisante, mortalité prématurée ou encore accès à l’emploi plus compliqué. Par exemple, les départements de l’Indre, de la Nièvre, de l’Yonne et presque tous ceux de la région Grand Est perdent des emplois au rythme de 1 % par an. Près d’un demandeur d’emploi sur deux était, en 2017, au chômage depuis plus d’un an dans des départements tels que l’Aisne, l’Allier, les Ardennes, les Vosges, la Somme. Selon une source gouvernementale, citée par Le Monde du 12 juillet, Emmanuel Macron souhaiterait « mettre le paquet » sur l’arc nord-est en y consacrant davantage de crédits de l’État.
Des dynamiques territoriales
Ces dix dernières années, des dynamiques territoriales ont été à l'oeuvre dans ces quatre France. Mondialisation oblige, le développement économique s’est limité « à un nombre restreint de grandes villes sous l’effet de la concentration des emplois les plus qualifiés et des secteurs les plus innovants. » Ainsi, entre 2007 et 2012, les créations d’emplois ont progressé de 0,7% dans les très grandes aires urbaines hors Paris (plus de 500 000 habitants), où les populations sont plus diplômées et les étudiants plus nombreux (la moitié d’entre eux se concentrait dans les 15 métropoles au 1er janvier 2017), quand elles reculaient de 0,4% dans les aires urbaines de 15 000 à 25 000 habitants et de 0,2% dans celles de moins de 15 000 habitants.
Pour autant, les métropoles, qui concentrent aussi les écarts de richesse les plus prononcés (quartiers politique de la ville), « ne constituent pas une catégorie homogène ». Si la dynamique des métropoles de Lyon, Nantes et Marseille est partagée avec les territoires régionaux avoisinants, Lille, Toulouse et Montpellier « se développent en relatif isolat ». Les situations sont « inversées » à Grenoble et Strasbourg, « où l’on observe dans les métropoles une croissance de l’emploi plus faible que dans les territoires qui les entourent ». Ces zones périurbaines accueillent, pour la plupart, une population plutôt jeune, de cadres » qui ont des « niveaux de vie plutôt élevés ».
« Les revenus sont bien plus faibles dans les communes les plus rurales », note le CGET. Depuis une décennie, les territoires ruraux connaissent « des trajectoires de plus en plus divergentes ». Certains, situés « autour des villes et près des littoraux océaniques et méditerranéens et des vallées urbaines françaises, connaissent une forte croissance des emplois ». D’autres communes, qui allient orientations agricole et industrielle (9% de la population), se vivent en territoires perdants de la mondialisation. Situées dans un triangle compris entre Poitiers, Montpellier et Châlons-en-Champagne, les campagnes les moins denses (8,5 % de la population) connaissent un vieillissement de population « plus avancé ». Les habitants ont les niveaux de revenus « les plus faibles » et subissent la fracture numérique.
Quant aux villes petites et moyennes, elles continuent globalement « d’assurer le maillage et la cohésion du territoire. » Toutefois, certaines – majoritairement situées sur l’arc qui va « de la Normandie à la Bourgogne-Franche-Comté et jusqu’au sud du Massif central » sont confrontées à une chute démographique et au vieillissement accentué de la population, ainsi qu’à la désertification médicale, à la dévitalisation commerciale et à des pertes d’emplois (secteur industriel).
Télécharger le rapport sur la cohésion des territoires du CGET
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