Maire-info
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Édition du mardi 10 septembre 2024
Transports

TER : une fiabilité qui se dégrade

Dans une étude rendue publique ce matin, l'UFC-Que choisir dénonce d'importants problèmes de fiabilité de l'offre TER et ses « mauvaises performances en comparaison de nos voisins européens ». Une situation due, notamment à sous-investissement chronique de l'État sur le réseau ferroviaire, selon la Fédération nationale des associations d'usagers des transports. 

Par Franck Lemarc

La fiabilité de TER (c’est-à-dire leur capacité à « avoir circulé et être arrivés à l’heure » ) recule. C’est le constat dressé par l’association UFC-Que choisir dans une étude d’une trentaine de pages publiée ce matin, et qui conclut à la nécessité d’un « sursaut ». 

L’association s’est appuyée à la fois sur les données publiées par l’Autorité de régulation des transports (ex-Arafer) et sur les remontées des usagers qu’elle reçoit – « plus de 1100 témoignages reçus »  en un an, qui font état « des rames bondées, de la capacité insuffisante en heures de pointe, (…) de la récurrence des retards ». 

11,2 % de TER annulés ou en retard

Depuis plus de vingt ans que les TER ont été décentralisés et confiés aux régions, en 2002, l’offre a fortement augmenté : les régions ont en effet toutes consenti d’énormes efforts financiers pour investir, notamment dans de nouvelles rames. L’augmentation de l’offre a entraîné une forte hausse de la fréquentation : « les voyageurs sont au rendez-vous lorsque le réseau s’étend, lorsque la fréquence augmente ou lorsque les trains sont modernisés », écrit l’UFC. Mais à l’heure où le changement climatique impose une réduction de la place de la voiture, la fréquentation stagne. Bien qu’il existe des marges de progression importante en matière de remplissage des trains (le taux d’occupation moyen des TER n’est que de 31,5 %), la qualité de service reste « le principal point noir »  qui agit « comme un frein à l’adoption de ce mode de transport », selon l’association de consommateurs. 

Principal problème : le déficit de ponctualité et le nombre d’annulations de trains. « En 2023 en moyenne, 9,6 % des TER ont été déprogrammés ou annulés », la plupart du temps du fait « d’une défaillance de l’entreprise ferroviaire », plus rarement pour des causes externes, météorologiques notamment. 

Quant aux retards, ils restent bien trop nombreux : 11,2 % des TER sont arrivés en retard en 2023 (soit deux points de plus que sur la période 2019-2022). Le retard moyen est de presque 5 minutes, ce qui peut sembler peu sur un trajet longue distance, mais est, en réalité, considérable sur de courts trajets de 15 ou 20 minutes. Le taux de fiabilité des TER (trains ayant circulé et étant arrivés à l’heure) n’a été, en 2023, que de 80,3 % (chiffre en dégradation par rapport aux années précédentes) : « En moyenne, un abonné au TER qui prend le train deux fois par jour en semaine subira près de deux annulations ou retards par semaine, soit près de dix par mois. » 

Disparités régionales

Si ces résultats ne sont pas catastrophiques, ils sont néanmoins inférieurs, voire très inférieurs à ce qui est constaté dans les autres pays européens : il faut comparer les 11,2 % de TER en retard en France aux 4,3 % de l’Autriche ou aux 7 % de la Suisse. Seule la Suède a un taux de retard nettement supérieur à celui de la France, en raison de conditions climatiques beaucoup plus difficiles à gérer. 

Reste néanmoins que les résultats, en France, sont très différents d’une région à l’autre, ce qui donne à penser que le problème n’est pas seulement lié à des déficiences de l’opérateur ferroviaire (la SNCF dans l’écrasante majorité des cas), mais également à des différences de gestion des autorités organisatrices régionales. Alors qu’en Bretagne, le taux de TER arrivés à l’heure approche les 90 % (88, 4%), il tombe autour de 75 % en Occitanie et en Paca, régions dans lesquelles presque un train sur quatre est annulé, déprogrammé ou en retard. 

De plus, l’UFC souligne que le manque de données précises et fiables publiées tant par l’autorité de régulation que par les opérateurs et les régions ne permettent pas d’aller suffisamment loin dans l’analyse. Des taux régionaux de ponctualité qui peuvent s’avérer corrects masquent en réalité des disparités considérables, au sein de la même région. Exemple : en Nouvelle-Aquitaine, la ligne Limoges-Brive ne connaît que 3,3 % d’annulations ou de retards, tandis que la ligne Bayonne-Tarbes grimpe à 23,4 %. 

Quant aux remontées des usagers, elles mettent en lumière, outre les problèmes d’annulation et de retard, un manque d’information aux voyageurs subissant un service perturbé (retards annoncés « très en deçà de la réalité », annulation annoncées « deux minutes avant le départ » …). 

Malus

Comment les régions peuvent-elles agir pour améliorer la situation ? Pour l’UFC, un levier intéressant est à trouver dans les sanctions financières vis-à-vis des opérateurs de transport. Il est en effet possible de moduler la subvention d’exploitation versée aux transporteurs sur des critères de qualité de service (rappelons que ces subventions d’exploitation, versées par les régions, représentent 75 % des coûts d’exploitation des lignes TER). L’UFC estime qu’il faudrait porter la modulation en fonction du service rendu à 3 % de la subvention d’exploitation versée aux transporteurs – et demande même que ce malus soit inscrit dans la loi. 

Il apparaît toutefois que les propres chiffres donnés dans l’étude de l’UFC ne démontrent pas de façon éclatante l’efficacité de cette solution. SI l’on compare les régions Bretagne et Paca, c’est-à-dire la région où les TER sont les plus et les moins fiables, il apparaît que le malus maximal applicable en Bretagne est pourtant bien inférieur à celui pratiqué en Paca (250 000 euros par an contre 900 000). Et la région qui applique la part de malus la plus haute en pourcentage de la subvention régionale (9,3 %) est la Nouvelle-Aquitaine, pourtant dans le peloton de queue en matière de fiabilité. 

Reste qu’on ne peut que partager le jugement de l’UFC qui estime que les régions devraient «  se montrer plus exigeantes en matière de qualité de service ». 

Sous-investissement chronique

Mais le problème fondamental reste le manque d’investissement dans les infrastructures elles-mêmes. Depuis des années, des associations comme la Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports) dénoncent le déséquilibre grandissant entre les investissements consentis par l’État sur le réseau grande vitesse et sur les « petites lignes ». Un avis corroboré par la Cour des comptes, dont les chambres régionales ont maintes fois dénoncé le sous-investissement chronique de l’État dans la maintenance des lignes locales ; ou encore par le Sénat, qui a récemment encore vertement critiqué le manque d’ambition du contrat de performance signé entre SNCF Réseau et l’État. 

Le gouvernement sortant a dit son intention de changer de braquet, l’an dernier, en promettant à partir de 2027 un milliard d’euros de plus pour la régénération des voies et 500 millions de plus pour la signalisation. Ces choix seront-ils confirmés par le prochain gouvernement ? Et, en ces temps de disette budgétaire et d’économies à tous les étages – l’État cherche 100 milliards d’euros à économiser sur trois ans – les promesses seront-elles tenues, ou les TER resteront-ils le parent pauvre du réseau, au risque de rejeter toujours plus d’usagers vers la voiture individuelle ? Réponse, on l’espère, dans le projet débat budgétaire. 

NB : Lors du prochain congrès de l'AMF,  un forum sera organisé autour de ces questions, sur le thème du rétablissement « d'un service ferroviaire pour tous ». Il aura lieu le mercredi 20 novembre à 14 heures; 

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