Édition du jeudi 4 février 2016
État d'urgence : inquiétudes sur les droits de l'Homme
Comme il l’avait laissé entendre depuis plusieurs semaines, le gouvernement va demander au Parlement de prolonger l’état d’urgence de trois mois. Le projet de loi a été présenté hier en Conseil des ministres, au moment où plusieurs voix s’élèvent pour prévenir des risques d’atteintes aux libertés fondamentales.
Le Premier ministre et son ministre de l’Intérieur ont présenté hier leur projet de loi visant à proroger l’état d’urgence sur tout le territoire jusqu’au 26 mai. Cette présentation a été l’occasion de faire un bilan de la première phase de l’état d’urgence (3 289 perquisitions administratives, 560 armes saisies, 407 assignations à résidence). Le Premier ministre a rappelé que « plusieurs projets terroristes en gestation sur le territoire national ont été déjoués ». Mais il apparaît néanmoins nécessaire au gouvernement de « consolider le travail de ciblage et de déstabilisation » entrepris, en maintenant l’état d’urgence pendant trois mois de plus. Parallèlement, les moyens dont disposent les autorités pour lutter contre le terrorisme devraient être renforcés, par le biais d’un autre projet de loi (lire article ci-dessous).
Ce n’est pas un hasard du calendrier si, le même jour, plusieurs voix se sont élevées pour mettre en garde le gouvernement contre une « dérive » en matière de libertés fondamentales et de droits de l’Homme. L’ancien ministre de la Justice et actuel Défenseur des droits, Jacques Toubon, dont l’institution publie aujourd’hui son rapport annuel, s’inquiète du « glissement » vers « un régime d’exception durable ». S’il ne remet pas en cause l’état d’urgence et sa nécessité, il s’inquiète du fait que sans véritable débat, le gouvernement procède à un « abaissement de notre État de droit ». Ce sont notamment les notions nouvelles de « suspicion de comportement dangereux », présentes à la fois dans la loi sur l’état d’urgence et dans le projet de loi de réforme de la procédure pénale, qui inquiètent le Défenseur des droits, dans la mesure où cette simple suspicion peut aujourd’hui conduire à des mesures aussi graves que l’assignation à résidence. Garder une personne assignée à résidence sur la base d’une supputation est « totalement contraire à nos principes », s’indigne dans Le Monde l’ancien garde des Sceaux, qui craint que l’on entre dans « l’ère des suspects ».
L’organisation de défense des droits de l’Homme Amnesty international a pour sa part appelé hier le gouvernement à « renoncer » à la prolongation de l’état d’urgence, état qu’elle estime « lourd de conséquences pour les droits humains ». Si Amnesty international ne remet pas non plus en cause la nécessité de « prendre des mesures exceptionnelles », elle dénonce des mesures « disproportionnées » et estime que les mesures d’urgence sont « formulées de manière trop vague », ce qui ouvre la porte à des mesures « arbitraires », souvent effectuées « sur des bases discriminatoires ».
Amnesty publie ce matin, dans un rapport, des dizaines de témoignages de personnes visées à tort notamment par des perquisitions administratives : personnes perquisitionnées de nuit sans suite et sans que les autorités s’expliquent, cas d’un homme de 80 ans perquisitionné et menotté en pleine nuit, dégâts dans les habitations (portes défoncées), et surtout nombreux cas de perquisitions, voire d’assignations à résidence, sur de simples présomptions, finalement non fondées.
Signalons enfin que, même si c’est sur un mode nettement plus policé, le secrétaire général du Conseil de l’Europe a adressé, le 22 janvier, un courrier au président Hollande sur le même sujet. Après avoir exprimé tout son soutien à l’État et au peuple français après les attentats, Thorbjorn Jagland exprime quelques réserves sur la prolongation envisagée de l’état d’urgence : « Je souhaite appeler votre attention sur les risques pouvant résulter des prérogatives conférées à l’exécutif », en particulier sur « les perquisitions administratives et les assignations à résidence ». Le secrétaire général du Conseil de l’Europe propose à l’État français « l’assistance » du Conseil « pour que les réformes à venir s’inscrivent dans le respect des normes européennes relatives aux droits de l’Homme ».
Télécharger le courrier du Conseil de l’Europe.
Le Premier ministre et son ministre de l’Intérieur ont présenté hier leur projet de loi visant à proroger l’état d’urgence sur tout le territoire jusqu’au 26 mai. Cette présentation a été l’occasion de faire un bilan de la première phase de l’état d’urgence (3 289 perquisitions administratives, 560 armes saisies, 407 assignations à résidence). Le Premier ministre a rappelé que « plusieurs projets terroristes en gestation sur le territoire national ont été déjoués ». Mais il apparaît néanmoins nécessaire au gouvernement de « consolider le travail de ciblage et de déstabilisation » entrepris, en maintenant l’état d’urgence pendant trois mois de plus. Parallèlement, les moyens dont disposent les autorités pour lutter contre le terrorisme devraient être renforcés, par le biais d’un autre projet de loi (lire article ci-dessous).
Ce n’est pas un hasard du calendrier si, le même jour, plusieurs voix se sont élevées pour mettre en garde le gouvernement contre une « dérive » en matière de libertés fondamentales et de droits de l’Homme. L’ancien ministre de la Justice et actuel Défenseur des droits, Jacques Toubon, dont l’institution publie aujourd’hui son rapport annuel, s’inquiète du « glissement » vers « un régime d’exception durable ». S’il ne remet pas en cause l’état d’urgence et sa nécessité, il s’inquiète du fait que sans véritable débat, le gouvernement procède à un « abaissement de notre État de droit ». Ce sont notamment les notions nouvelles de « suspicion de comportement dangereux », présentes à la fois dans la loi sur l’état d’urgence et dans le projet de loi de réforme de la procédure pénale, qui inquiètent le Défenseur des droits, dans la mesure où cette simple suspicion peut aujourd’hui conduire à des mesures aussi graves que l’assignation à résidence. Garder une personne assignée à résidence sur la base d’une supputation est « totalement contraire à nos principes », s’indigne dans Le Monde l’ancien garde des Sceaux, qui craint que l’on entre dans « l’ère des suspects ».
L’organisation de défense des droits de l’Homme Amnesty international a pour sa part appelé hier le gouvernement à « renoncer » à la prolongation de l’état d’urgence, état qu’elle estime « lourd de conséquences pour les droits humains ». Si Amnesty international ne remet pas non plus en cause la nécessité de « prendre des mesures exceptionnelles », elle dénonce des mesures « disproportionnées » et estime que les mesures d’urgence sont « formulées de manière trop vague », ce qui ouvre la porte à des mesures « arbitraires », souvent effectuées « sur des bases discriminatoires ».
Amnesty publie ce matin, dans un rapport, des dizaines de témoignages de personnes visées à tort notamment par des perquisitions administratives : personnes perquisitionnées de nuit sans suite et sans que les autorités s’expliquent, cas d’un homme de 80 ans perquisitionné et menotté en pleine nuit, dégâts dans les habitations (portes défoncées), et surtout nombreux cas de perquisitions, voire d’assignations à résidence, sur de simples présomptions, finalement non fondées.
Signalons enfin que, même si c’est sur un mode nettement plus policé, le secrétaire général du Conseil de l’Europe a adressé, le 22 janvier, un courrier au président Hollande sur le même sujet. Après avoir exprimé tout son soutien à l’État et au peuple français après les attentats, Thorbjorn Jagland exprime quelques réserves sur la prolongation envisagée de l’état d’urgence : « Je souhaite appeler votre attention sur les risques pouvant résulter des prérogatives conférées à l’exécutif », en particulier sur « les perquisitions administratives et les assignations à résidence ». Le secrétaire général du Conseil de l’Europe propose à l’État français « l’assistance » du Conseil « pour que les réformes à venir s’inscrivent dans le respect des normes européennes relatives aux droits de l’Homme ».
F.L.
Accéder au rapport d’Amnesty internationalTélécharger le courrier du Conseil de l’Europe.
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