Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 14 octobre 2016
Télécommunications

Téléphonie en zone de montagne : députés et gouvernement veulent mettre la pression sur les opérateurs

Le projet de loi Montagne a été adopté par les députés dans la nuit de mercredi à jeudi, après trois jours de débat. Le vote solennel sur ce texte aura lieu mardi prochain. Parmi les sujets les plus débattus dans l’hémicycle, la question de l’accès à la téléphonie mobile et à internet en zone de montagne, au moment où, parallèlement aux débats à l’Assemblée, le gouvernement annonçait la création de la plate-forme France mobile (lire Maire info d’hier).
C’est le chapitre 1er du titre III du projet de loi qui est consacré à ce sujet (« Favoriser le déploiement du numérique et de la téléphonie mobile » ). Le texte proposé par le gouvernement et les commissions de l’Assemblée a finalement été adopté sans profondes modifications (lire Maire info du 15 septembre). La plus significative est sans doute le nouvel alinéa ajouté à l’article 9, qui dispose que dans le cadre de la couverture des zones blanches de téléphonie mobile, les zones de montagne devront être considérées comme « prioritaires »  par l’État et les collectivités territoriales.
Mais un débat assez vif a opposé les députés sur d’éventuelles obligations à imposer aux opérateurs. Certes, un nouvel article a été ajouté au texte, sur proposition des rapporteures Annie Genevard et Bernadette Laclais, imposant aux opérateurs de « faire droit »  aux « demandes raisonnables d’accès à leurs infrastructures passives ». Mais plusieurs députés, emmenés par le président de l’Association nationale des élus de la montagne, Laurent Vauquiez, ou encore par l’élu de Haute-Savoie Martial Saddier, souhaitaient aller bien plus loin : par amendement, ils proposaient que l’Arcep (l’autorité de régulation), « lorsque cela est nécessaire », puisse imposer aux opérateurs de mutualiser leurs infrastructures. Constatant que « la concurrence entre opérateurs (…) ne permet pas toujours de répondre aux besoins des territoires les plus ruraux », les députés prévoyaient donc « d’enjoindre les opérateurs à négocier des accords de mutualisation ».
Cet amendement a finalement été rejeté par l’Assemblée, mais non sans un long débat, personne n’étant réellement fermé à cette idée, mais beaucoup – dont le ministre Jean-Michel Baylet – souhaitant laisser encore un peu de temps aux opérateurs pour s’engager.
Principal argument contre cet amendement : veiller à ce que « le remède ne soit pas pire que le mal », selon l’expression du ministre. Annie Genevard, co-rapporteure du texte, s’est montrée du même avis : « Comment amener les opérateurs à investir si, dès lors qu’ils investissent, on les oblige à partager leurs investissements avec leurs concurrents ? »  En nuançant aussitôt : « Mais comment comprendre que dès lors qu’il existe un équipement, il ne soit pas mutualisé pour un meilleur service à la population ? ». Jean-Michel Baylet, dans un langage plus direct que celui normalement en usage à l’Assemblée nationale, a reconnu sans ambages que « les opérateurs vont là où ils peuvent faire du fric », et de ce fait « négligent la ruralité et les zones de montagne ». Il a avoué lui-même « réfléchir à un dispositif de mutualisation forcée », qui pourrait être « une solution de bon sens ». Mais outre le risque de les voir, dans ce cas, « geler »  leurs investissements, le ministre craint des « contentieux », voire que les opérateurs « réclament à l’État le remboursement d’une partie des sommes déboursées pour acquérir les licences ». C’est pourquoi, pour lui, « s’engager dans la voie de la contrainte ne serait pas une bonne idée ».
Plusieurs députés, comme Laurent Wauquiez ou Arnaud Viala, se sont livrés à une charge en règle contre les opérateurs, jugeant que « cela fait vingt-cinq ans que les opérateurs nous bercent de promesses »  (Arnaud Viala), voire : « J’ai tendance à penser que pour négocier avec ces braves gens qui, en réalité, jouent la montre en attendant que le ministre change dans six ou huit mois, mieux vaut poser le pistolet sur la table et dire : La plaisanterie a assez duré ! »  (Laurent Wauquiez).
Marie-Noëlle Battistel, la secrétaire générale de l’Anem, a fait montre d’une position plus mesurée, tout en déclarant fermement que « les habitants de la montagne en ont assez des promesses et (…) veulent savoir quand ils seront raccordés ». Elle s’est toutefois rangée, tout comme les deux rapporteures du texte, à la position défendue par Jean-Michel Baylet : donner aux opérateurs un ou deux mois, jusqu’à la discussion du texte au Sénat, pour s’engager clairement. « Si je ne constate pas (d’ici là) d’évolution, de véritable volonté, de bonne foi de la part des opérateurs, a affirmé Jean-Michel Baylet, je suis prêt à aller plus loin au Sénat. »  Même position de Marie-Noëlle Battistel : si d’ici la discussion au Sénat « aucune solution n’est trouvée, aucune assurance n’est donnée, l’amendement en faveur de la mutualisation sera proposé et vraisemblablement adopté ».
Les opérateurs sont prévenus : si le « pistolet »  n’est pas encore sur la table, il y a bien de la part des parlementaires comme du gouvernement, une volonté de leur mettre la pression et d’obtenir, au plus vite, de réels engagements.
F.L.

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