Sécurité et prévention de la délinquance : huit associations d'élus s'unissent pour « parler haut et fort »
Par Bénédicte Rallu
Les émeutes de l’été dernier, le renforcement du dispositif « Alerte attentat », la sécurisation des établissements scolaires... Les événements des dernières semaines démontrent que le sujet de la sécurité et de la prévention de la délinquance ne peut être un domaine exclusif de l’Etat. « Nous vivons une période plus que troublée pour parler des événements que nous avons tous et toutes connus dans un certain nombre de villes. Et puis nous vivons aussi des événements extérieurs qui ont des impacts importants aujourd'hui sur la tranquillité publique », a expliqué Jean-Paul Jeandon, maire de Cergy-Pontoise, co-président de la commission sécurité et prévention de la délinquance à l’AMF, mercredi, lors de la conférence de presse de lancement du Collectif de sécurité réunissant huit associations d’élus*.
Avoir une vraie réunion avec le ministre de l’Intérieur
« Lors du Beauvau de la sécurité [concertation de sept mois avec tous les acteurs de la sécurité qui a eu lieu en 2021, NDLR], les associations d’élus étaient présentes, elles ont fait des propositions. Et elles n'ont pas le sentiment d'avoir été écoutées, a argumenté le maire de Cergy. Nous sommes 50 000 collectivités locales et avons plus de 25 000 policiers municipaux. Nous sommes la troisième force de sécurité intérieure du pays. »
Aujourd’hui, les collectivités locales participent de fait au continuum de sécurité sans y être réellement associées, ni écoutées. Le maire de Saint-Raphaël, Frédéric Masquelier, également co-président de la commission sécurité et prévention de la délinquance à l’AMF entérine : « Nous nous sommes sentis plus dehors que dedans avec ce continuum. Or les policiers municipaux sont souvent les premiers sur le terrain [des événements] et à y être confrontés. Ce fut le cas par exemple lors de l’attentat de Nice. Les informations doivent remonter [du terrain et des maires] mais aussi redescendre vers les maires. Cela ne peut pas dépendre de relations interpersonnelles entre la police, la gendarmerie et les élus. Nous voulons davantage d’informations ». Avec un bémol : le cas des fichés S. « Il y a débat entre les maires, admet Frédéric Masquelier, car avoir des informations sensibles engage la responsabilité des maires ».
Sur ces points, les élus locaux attendent toujours des efforts de la part des services de l’Etat. « Pour parler haut et fort, il fallait se rassembler », indique Jean-Paul Jeandon. L’objectif : « Avoir une vraie réunion avec le ministre de l'Intérieur pour parler du rôle des collectivités locales dans ce continuum ».
Pas seulement dans les moments de crise
« Nous ne devons pas être associées seulement dans les moments de crise, a appuyé Sarah Misslin, adjointe au maire d’Ivry-sur-Seine, membre du bureau du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU), seule association d’élus spécialisée dans le domaine de la sécurité. Le tout nouveau Collectif inter associations d’élus pour la sécurité et la prévention (CIAESP) se mobilisera « sur tous les sujets de tranquillité, de sécurité, de prévention », a-t-elle annoncé.
Frédérique Macarez, maire de Saint-Quentin, vice-présidente de Villes de France souhaite, elle, un « travail efficace avec le ministère de l’Intérieur et plus largement avec l’Etat. Nous sommes les yeux, les oreilles, les bouches de nos populations. Si nous ne travaillons pas en commun, il y aura beaucoup de pertes de chances », sous-entendu, pour élucider un certain nombre d’affaires. Il s’agit pour l’élue de l’Aisne de lutter contre le sentiment d’impunité des mineurs, de partager les informations issues de la vidéoprotection mise en place par les communes, d’avoir davantage d’informations sur les individus qui sont sur son territoire ou encore de reconstruire le lien police/population.
De son côté France urbaine, qui a déjà consacré une conférence au sujet de la sécurité (une seconde est en préparation) et fait une quarantaine de propositions, espère, par la voix du maire du Creusot David Marti, être enfin entendue sur ce sujet. Ces travaux n’ont pour l’instant pas eu d’échos au sein de l’Etat. Intercommunalités de France estime que le sujet de la sécurité est un véritable sujet du bloc local et que le Collectif sera opportun pour cela. « Nous avons intérêt à traiter les enjeux de sécurité et de prévention à l’échelle des bassins de vie, donc nous avons intérêt à faire bloc », a indiqué Anne Terlez, vice-président de l’association et vice-présidente de Seine Eure Agglo.
Ne pas laisser la sécurité au seul ministère de l’Intérieur
Ce nouveau Collectif intègre également les départements car concernés par les problématiques de sécurité des collèges, mais aussi via les subventions d’équipements pour les polices municipales, leur travail de soutien aux associations de victimes, etc. « Il s’agit, pour nous de faire de la sécurité une véritable politique publique, a expliqué le vice-président du conseil départemental de l’Essonne, Alexandre Touzet, pour les Départements de France. C'est ce que nous avions porté dans le cadre du Beauvau de la sécurité, tout en reconnaissant bien sûr la place essentielle de l'État puisque nous sommes dans une compétence régalienne. Nous pensons que cette compétence régalienne peut être davantage partagée dans les objectifs et dans les moyens ».
Pour Départements de France, il est important d'avoir trois niveaux de discussions : national avec les associations par exemple sur une stratégie nationale des préventions ; départemental en renforçant le conseil départemental de prévention de la délinquance et en l’ouvrant aux collectivités locales. Le troisième niveau serait celui du bloc local, le niveau pour les opérationnels. Alexandre Touzet résume l’objectif en paraphrasant Clémenceau : « La sécurité est une chose trop grave pour la confier au seul ministère de l’Intérieur ».
L’Outre-mer représenté
L’Outre-mer confronté à de gros problèmes de sécurité est aussi représenté dans le Collectif via l’Association des communes et collectivités d’Outre-mer. Pour le maire de M’Tsamboro à Mayotte, Laithidine Ben Said, trésorier de l’ACCD’OM, faire partie de ce Collectif était « très important ». Les élus et les populations d’Outre-mer subissent l’éloignement et le coût de la vie. A Mayotte, la délinquance juvénile est très répandue et « met parfois à mal la politique des communes. Il nous faut ramener la sécurité dans ce territoire car les populations en pâtissent ». Il y a un an, les élus d’Outre-mer avaient lancé l’alerte, sans que le problème soit encore réglé. « Parler haut et fort », d’une seule voix fera peut-être changer la situation.
Consulter la charte du Collectif.
*L’Association des communes et collectivités d’Outre-mer, l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité, l’Association des maires Ville et banlieue de France, Départements de France, Intercommunalités de France, le Forum français pour la Sécurité urbaine, France urbaine et Villes de France.
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