Dérives sectaires : la Miviludes appelle les maires à la rescousse
Par Bénédicte Rallu
[Article initialement publié sur le site Maires de France]
« L’heure est grave car les tendances sont inquiétantes » , alerte François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l’Intérieur. La présentation du rapport d’activité 2022-2024 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), mardi 8 avril au minsitère de l'Intérieur, a été une nouvelle fois l’occasion de rappeler le danger toujours plus grand de ces phénomènes tentaculaires.
Effet crise sanitaire
Les chiffres confirment une explosion des signalements à la Miviludes. En dix ans, ceux-ci ont plus que doublé, « passant de 2 160 en 2015 à 4 571 en 2024 » (+ 110%), mais avec une croissance qui s'est acccélérée depuis 2020 ! Il y a clairement un effet « confinement et crise sanitaire covid-19 » , estime le ministre. « Il ne s’agit pas de remettre en cause les confinements successifs. Ils étaient nécessaires et ont permis de sauver beaucoup de vies. Néanmoins, il s’agit de reconnaître qu’il existe aujourd’hui des effets secondaires plusieurs années après cette crise sanitaire qui mettent en danger de nouvelles vies » .
Les signalements portent dorénavant majoritairement sur la santé (37 % des signalements contre 25 % dans le précédent rapport de la Miviludes de 2021). « C’est plus que pour le domaine des cultes et différentes spiritualités, traditionnellement plus perméables aux dérives sectaires (35 % des signalements) », souligne le ministre. Le dernier tiers des signalements porte sur les formations, coaching, éducation, développement personnel (13 %), le complotisme, le séparatisme et autres formes d’engagement radical (6 %).
Vigilance pour les patients atteints de cancer
Dans le domaine de la santé, les pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) requièrent la plus grande vigilance car ils constituent une porte d’entrée vers des patients fragilisés. Une pratique de soins non conventionnelle peut conduire à une dérive thérapeutique mettant en danger les patients, « parce qu’elle n’est pas validée scientifiquement et/ou qu’elle est proposée en remplacement de la médecine conventionnelle » , estime le Conseil national de l’Ordre des médecins cité dans le rapport.
Or les chiffres présentés par la Miviludes montrent que « la majorité des signalements dans le domaine de la santé concerne la prise en charge des malades du cancer », révèle Donatien Le Vaillant, chef de la Miviludes. La santé mentale devient également un sujet de préoccupation croissante.
Partenariats avec le secteur médical
La conférence de presse du 8 avril a été l’occasion de renouveler la convention de partenariat entre la Miviludes et la Ligue nationale contre le cancer, le but étant pour la mission interministérielle de s’appuyer sur les 103 comités territoriaux de l’association pour informer et sensibiliser les patients atteints de cancer sur les risques existants pendant les « soins supports » , soins qui entourent le traitement lui-même (soutien psychologique, aide à l’entourage, etc). Selon le président de la Ligue, le docteur Philippe Bergerot, quatre Français sur dix auraient recours à des médecines alternatives et les patients atteints de cancer sont fragiles en particulier lors de trois étapes de leur maladie : « Lors de l’annonce de la maladie, lors de la rechute, et lorsqu’il y a échec thérapeutique. Il peut y avoir perte de confiance en la médecine et il est facile pour certaines personnes de convaincre les malades [de se tourner vers d’autres pistes]. Cette convention est un message fort envoyé aux personnes malades pour les orienter vers les endroits où ils peuvent bénéficier de soins supports dans des conditions tout à fait sereines. »
Plus généralement, depuis les Assises de lutte contre les dérives sectaires de mars 2023 et la loi du 10 mai 2024 qui a renforcé l’arsenal juridique, la Miviludes a signé sept conventions avec les ordres des professionnels de santé pour échanger les informations, mais aussi traiter des plaintes à l’encontre de véritables professionnels de santé. Les psychologues (29 %), les médecins généralistes (20 %), les psychothérapeutes (14 %) et les ostéopathes (12 %) représentent les principales professions de santé dans les signalements et demandes d’informations visant des professionnels nommément visés, selon le rapport.
Inquiétude sur la jeunesse
L’une des plus grandes inquiétudes de l’État concerne toutefois les jeunes, et en particulier les mineurs qui représentent 19 % des signalements et des demandes d’information. « Je suis atterré de voir que la jeunesse est profondément touchée. Ce téléphone portable qui est un progrès constitue aussi une arme terrible pour tous ceux qui profitent de la fragilité, de la faiblesse des uns et des autres. C’est intolérable. Nous allons continuer de travailler », assure François-Noël Buffet.
Le gouvernement maintient la pression dans la lutte contre les dérives sectaires. Il poursuit la mise en œuvre de la Stratégie nationale 2024-2027 pour renforcer la sensibilisation et la formation. Entre 2022 et 2024, 14000 personnes (professionnels, agents publics, élus locaux…) ont été sensibilisées ou formées. La circulaire aux préfets et aux procureurs de la République du 5 août 2024 accompagne la mise en place de conseils départementaux spécifiquement dédiés à la prévention et à lutte contre les dérives sectaires.
Un guide en préparation pour les maires
Le ministre souhaite agir plus précisément auprès des maires car « en tant que maire, nous n’avons pas systématiquement le réflexe » de penser à d’éventuelles dérives sectaires. Or les élus peuvent détecter certains comportements et sont des « relais pour leur population » . La Miviludes a annoncé travailler à un guide pédagogique (sous forme de fiches techniques) à destination des collectivités locales pour les informer, les sensibiliser, notamment lors de l’installation de pseudo-thérapeutes dans les centres de santé ou pour leur éviter tout risque de promotion, sans le savoir, de mouvements sectaires, par exemple lors de salons locaux de bien-être.
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