Conclusions du Beauvau de la sécurité : les propositions des associations d'élus aux oubliettes
Par Franck Lemarc
« Je tiens à saluer les contributions de l’AMF et des associations d’élus. Nos élus sont en première ligne. » Fermez le ban : ce sont à peu près les seuls mots que le président de la République, dans un discours de plus d’une heure, aura consacré, hier, aux élus locaux. En dehors de la demande de présence accrue des policiers et gendarmes sur la voie publique, les nombreuses propositions concrètes des associations d’élus (lire Maire info du 10 septembre) n’ont donc pas, semble-t-il, retenu l’attention de l’exécutif.
Doubler la présence des forces de l’ordre sur le terrain
Le discours d’Emmanuel Macron, pour clore cette série de tables rondes sur la sécurité engagée le 1er février, était surtout destiné à montrer aux policiers et aux gendarmes la volonté du gouvernement de les défendre et de leur donner les moyens d'exercer leurs missions. « La sécurité est le devoir, la cause même de notre nation qui doit faire bloc », a déclaré en introduction le chef de l’État, qui a dénoncé « l’intolérable combat que certains ont décidé de mener contre les forces de l’ordre ». Dans une allusion à peine voilée à la polémique née des slogans « Tout le monde déteste la police » scandés pendant un concert, ce week-end, à la Fête de L’Humanité, Emmanuel Macron a déclaré : « N’écoutez jamais les cris de haine, ils sont indignes. Les Français vous aiment. La nation vous aime. »
Le chef de l’État a ensuite déroulé un certain nombre d’engagements, dont le plus marquant est l’annonce du « doublement sous dix ans de la présence des policiers et des gendarmes sur la voie publique », sans en préciser la clé de répartition. Ce qui ne signifie pas, Emmanuel Macron l’a bien précisé, un doublement des embauches : « Il faudra peut-être créer des postes ici ou là », mais l’essentiel devrait se faire par réorganisation, en « dégageant les policiers des tâches administratives ». Reste que dans certaines communes, le doublement de la présence des forces de sécurité, déjà très réduite, risque de ne pas apporter de résultats significatifs.
Par ailleurs, l’exécutif veut revoir le système actuel de « mouvements de nomination » : « On ne peut plus faire venir 100 personnels en renfort pendant une année, et l'année suivante, les laisser partir. (…) Les nominations doivent s’inscrire dans la durée, les mutations doivent se faire en fonction des besoins du terrain. »
1,5 milliard pour le ministère de l’Intérieur
Parmi les autres annonces, on retiendra bien sûr l’augmentation de 1,5 milliard d’euros du budget du ministère de l’Intérieur en 2022, « dont 500 millions pour la mise en œuvre des premières mesures du Beauvau ». Cet argent ira en grande partie dans « le matériel et les conditions de travail, (…) les voitures, les bâtiments ». Parmi ces investissements, les caméras mobiles – il y en aura d’abord « une par patrouille » dorénavant, ce que le chef de l’État a qualifié de « véritable révolution ». Les caméras insatisfaisantes utilisées au début de l’expérimentation seront mises au rebut (« le contrat passé a été cassé » ). Mais surtout, dès la fin 2022, le président de la République souhaite que « chaque fonctionnaire sur le terrain soit doté d’une caméra individuelle ».
Le renforcement de la formation a également été annoncé : la formation initiale sera augmentée de quatre mois pour les gardiens de la paix et la durée de formation continue pour les policiers et les gendarmes sera « haussée de 50 % ».
Sur le contrôle des forces de l’ordre, enfin, le chef de l’État a tranché en refusant de couper le cordon ombilical entre les forces de l’ordre et les inspections générales (IGPN et IGGN). Depuis longtemps, le débat existe sur le fait que ce sont des policiers qui contrôlent la police, et des voix s’élèvent pour une réforme qui conduirait – comme cela existe en Grande-Bretagne par exemple – à ce que l’instance chargée d’enquêter sur d’éventuelles fautes de policiers ou de gendarmes soit composée de personnes indépendantes, n’ayant de liens ni avec les uns ni avec les autres.
Emmanuel Macron ne le souhaite pas : « Une inspection générale n’est pas une autorité administrative indépendante. » Seules concessions du chef de l’État : mettre en œuvre plus de « transparence » (les rapports de l’IGPN et de l’IGGN seront désormais rendus publics) ; et la mise en place d’un contrôle parlementaire, sous la forme d’une « délégation parlementaire ».
Élus et polices municipales oubliés
En dehors de cela, aucune réponse n’a été donnée aux 18 propositions émanant des associations d’élus à la suite du Beauvau. Le sujet de la police municipale n’a absolument pas été abordé, sinon dans une phrase aux allures de simple déclaration d’intention (il faut « renforcer la coopération entre nos polices municipales, la police nationale et la gendarmerie nationale » ). On doit noter aussi que sur la question de la répartition des forces de sécurité sur le territoire, le chef de l’État a assuré que la réflexion devait se faire « en lien avec les élus ».
Quant aux autres demandes concrètes des associations d’élus (associer les maires à la définition de la stratégie nationale de sécurité, réflexion sur le secret partagé et le droit à l’information des maires, réflexion sur le statut et le recrutement des polices municipales, nomination de « référents communes » dans les tribunaux judiciaires, et l’on en passe), elles n’ont même pas été évoquées par le chef de l’État. Au point qu’on est en droit de se demander, à l’issue de cette grande « concertation » de presque huit mois, pourquoi les élus ont été invités à y participer.
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