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Édition du jeudi 18 décembre 2025
Sécurité

Adoption au Sénat d'une proposition de loi étendant l'usage de la lecture automatisée des plaques d'immatriculation

Les sénateurs ont largement adopté, en première lecture, hier, une proposition de loi qui étend le nombre d'infractions permettant d'accéder aux données « Lapi » pendant l'enquête. Le texte initial visait à imposer des contraintes aux collectivités, ce qui a été refusé par le Sénat. 

Par Franck Lemarc

Les dispositifs dits « Lapi »  (lecture automatisée des plaques d’immatriculation) se développent de plus en plus. Il s’agit d’algorithmes qui peuvent être intégrés, ou pas, à un système de caméras de vidéoprotection ou à des caméras embarquées, comme celles qui, dans les grandes villes, gèrent à présent les amendes de stationnement (vidéoverbalisation). 

Extension des infractions

Ces dispositifs sont également utilisés par les forces de l’ordre dans le cas de certaines infractions : terrorisme, infractions liées à la criminalité organisée, vol et recel de véhicules volés, contrebande. 

L’objet essentiel de la proposition de loi déposée en octobre dernier par le sénateur Pierre Jean Rochette est « d’élargir les finalités permettant la mise en œuvre de dispositifs Lapi ». Plutôt qu’une liste d’infractions permettant d’y avoir recours, le sénateur propose que l’usage du Lapi soit ouvert pour tous « les crimes ou les délits punis par le Code pénal ou le Code des douanes d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans ». Ce seuil permet, explique le sénateur, d’exclure l’usage du Lapi pour de petites infractions. 

Cette vision des choses n’a pas été partagée par la commission des lois du Sénat, qui a estimé que l’éventail des infractions comprises dans le champ prévu par le sénateur était excessif (2 500 infractions environ). La commission a jugé que des délits comme le harcèlement scolaire ou le recel de faux en écriture, qui sont bien punis de cinq ans d’emprisonnement, ne justifiaient pas l’usage de la Lapi lors de l’enquête. Un tel élargissement pourrait également « entraîner une atteinte excessive à la vie privée », selon la commission, qui a donc choisi de simplement élargir la liste des infractions concernées. Elle a ainsi ajouté aux infractions déjà prévues : le vol aggravé et le recel, les infractions d’évasion et celles touchant à l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers d’étrangers. En séance, il a été ajouté à cette liste les délits d’escroquerie et de soustraction de mineur.

Libre administration

Le texte prévoit également l’allongement de la durée de conservation des données issues de la Lapi, actuellement de 15 jours à un mois, selon les cas. Le texte initialement prévoyait de doubler cette durée mais en séance, des délais beaucoup plus longs ont été adoptés : les données pourraient être conservées jusqu’à 12 mois, à l’instar de ce qui se fait en Belgique. 

Mais c’est l’article 3 du texte initial qui était le plus problématique, du point de vue des collectivités locales. Cet article prévoyait en effet une obligation d’intégrer la Lapi aux systèmes de vidéosurveillance de la voie publique, « en tous points appropriés du territoire ». En d’autres termes, toute commune ayant installé un système de caméras sur la voirie aurait eu l’obligation d’y intégrer un logiciel de Lapi.

Dès la lecture en commission des lois, cette disposition a été bloquée. Les sénateurs ont, d’abord, estimé qu’elle aurait un coût trop important pour les collectivités et, d’autre part, qu’elle portait atteinte au principe de libre administration. 

La commission a donc proposé, à la place, un dispositif de « conventionnement facultatif »  entre les forces de sécurité intérieures et les collectivités. « Cette convention organise les modalités d’accès des services de police et de gendarmerie nationales et des douanes aux données collectées et identifie les systèmes de vidéoprotection supplémentaires devant être équipés desdits dispositifs. Elle précise également les modalités de financement desdits dispositifs supplémentaires. Elle établit que l’exploitation des données collectées est du ressort exclusif des services de police et de gendarmerie nationales et des douanes »  – rappelons en effet que les polices municipales n’ont pas le droit d’accéder aux données Lapi. À ce sujet, la commission transports de l'AMF demande d'ailleurs que la loi évolue, estimant qu'au vu des coûts d'investissement et de fonctionnement de ces systèmes pour les communes, il serait justifié que les données puissent servir à la police municipale autant qu'aux forces de l'ordre nationales.

Le texte, ainsi amendé, a été largement adopté par le Sénat (à l’exception des voix des écologistes et des communistes). Pour le gouvernement, Marie-Pierre Vedrenne, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, s’en est félicitée et a apporté son plein soutien à un texte « équilibré ». Elle a salué le fait que le texte permet d’éviter « toute surveillance abusive du grand public » . « Les données seront toujours exploitées sous le contrôle de l'autorité judiciaire. En outre, la Cnil sera impliquée. (…) De plus, un décret en Conseil d'État encadrera les conventions passées entre collectivités et forces de l'ordre et définira une convention-type ».

Le texte a été transmis à l’Assemblée nationale.

Accéder au texte adopté.

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