Pyrénées-Orientales : des mesures de restriction d'eau jamais vues
Par Franck Lemarc
Alors que la majeure partie du pays connaît en ce moment le début mai le plus pluvieux qu’on ait vu depuis longtemps, les Pyrénées-Orientales s’enfoncent dans la sécheresse. Cette sécheresse, a déclaré la préfecture hier, est « d’une intensité et d’une durée qui n’ont pas d’équivalent depuis les début des relevés météorologiques en 1959, et probablement bien au-delà ».
Le déficit pluviométrique sur les douze derniers mois est de 60 à 65 %, « et les niveaux constatés dans les cours d’eaux, dans les barrages et dans les nappes souterraines restent particulièrement problématiques ».
Les bassins versants et nappes de l’Agly et de la Têt, ainsi que les nappes des Aspres et la zone côtière « connaissent une situation d’insuffisance marquée et durable de la ressource en eau ne permettant pas de faire face jusqu’à la fin de l’été à l’ensemble des usages ». Le préfet a donc décidé de procéder à une réduction drastique des prélèvements, en essayant « d’atteindre un maximum d’économies d’eau avec un minimum d’impact économique, social et environnemental ».
Ces mesures de crise préfigurent peut-être ce qui sera connu dans d’autres départements, dans les semaines à venir, la situation de sécheresse ne touchant pas que les Pyrénées-Orientales.
Usages agricoles très restreints
La mesure la plus spectaculaire concerne les agriculteurs. Dans les 152 communes en situation de « crise », « les prélèvements agricoles » sont tout simplement interdits. Reste toutefois possible l’abreuvement des animaux. L’arrosage des cultures maraîchères en plein champ reste possible en réduisant de 40 à 80 % pour les prélèvements, selon le système adopté. L’arrosage des arbres, arbustes et vignes plantés depuis moins de trois ans est possible, « en réduisant les prélèvements de 50 % ». Si ces plantations ont plus de trois ans, les prélèvements doivent être réduits de 80 %.
Dans l’ensemble du département, les arrosages hors irrigation agricoles sont interdits, « qu’ils soient publics ou privés » : jardins, parcs, ronds-points, « qu’ils soient gérés par des collectivités territoriales, des entreprises, des associations ou des particuliers » ne peuvent plus être arrosés. Seule exception : les communes « mettant en œuvre un plan d’action fondé sur la charte d’engagement élaborée conjointement entre l’État et l’Association départementale des maires » peuvent autoriser certains arrosages, en soirée – par exemple celui des potagers à usage vivrier. Dans ce cas, l’autorisation est délivrée par arrêté du maire et l’arrosage ne peut avoir lieu que deux fois par semaine, entre 20 h et 2 h.
L’arrosage des espaces sportifs est interdit, sauf exceptions : certaines installations peuvent être arrosées en soirée mais uniquement « si l’eau est intégralement issue d’un processus de réutilisation ».
Sont également interdits le lavage et le nettoyage des terrasses, façades, toitures, voiries, véhicules. Pour les véhicules, seul est autorisé le lavage dans des stations professionnelles équipées d’un système permettant le recyclage de 70 % de l’eau au minimum. Le nettoyage des voiries reste possible « en cas d’impératif sanitaire ».
Piscines
Il est interdit de remplir et même de mettre à niveau l’ensemble des piscines à usage privé, qu’elles soient hors sol ou enterrées. Interdiction également d’utiliser « les jacuzzis et spas », sauf s’ils disposent d’un système de récupération totale des eaux. La vente et la pose de piscines pour les particuliers est « suspendue ».
Pour les piscines à usage collectif (municipales, hôtels, campings, etc.), le remplissage est autorisé dans la stricte limite des normes imposées par les ARS.
Les douches de plage sont interdites. Les fontaines publiques, « y compris en circuit fermé », doivent être arrêtées.
Il est également demandé de reporter tout test des poteaux incendie. Même les interventions « indispensables » sur les stations d’épuration doivent être « soumises à l’autorisation préalable du service en charge de la police de l’eau ».
Cours d’eau
Enfin, tout prélèvement à usage domestique sur les cours d’eau sont interdits (sauf pour l’abreuvement des animaux). Sont également interdits « l’éclusage ou la manœuvre des vannes d’ouvrages hydrauliques, tels que moulins, étangs, micro-centrales, biefs, mares et retenues au fil de l’eau, dans la mesure où celles-ci aggraveraient le niveau de prélèvement sur les cours d’eau. Des dérogations à cette interdiction pourront être délivrées sur demande dûment motivée et si elles sont rendues nécessaires pour le non-dépassement de la cote légale de la retenue, la protection contre les inondations des terrains riverains amont ou la restitution à l’aval du débit entrant à l’amont ».
Toutes ces mesures, particulièrement drastiques, sont en vigueur dans le département jusqu’au 13 juin au moins.
Une pluie qui ne résout pas les problèmes
En dehors du pourtour méditerranéen, les pluies importantes qui tombent depuis une quinzaine de jours – certaines zones, en Île-de-France par exemple, ont reçu en une semaine l’équivalent d’un mois de précipitations – donnent un peu d’espoir aux agriculteurs. Ces pluies permettent en effet d’améliorer l’humidité des sols en surface, qui redevient désormais satisfaisante sur la majeure partie du pays. Mais elles ne résolvent absolument pas la question des nappes phréatiques, la période de recharge de celles-ci étant terminée : une fois le printemps arrivé, c’est la végétation qui « consomme » l’eau de pluie sans laisser à celle-ci la possibilité de pénétrer les sols en profondeurs pour atteindre les nappes. La plupart des nappes phréatiques du pays, en dehors de la Bretagne, sont à niveau faible à très faible.
Le pourtour méditerranéen – tout comme l’Espagne qui vit une situation catastrophique – n’est, lui, quasiment pas concerné par ces pluies. À Marseille (Bouches-du-Rhône), il est tombé 25,9 mm de pluie depuis le 1er janvier, soit un déficit de… 87 %.
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