Les sénateurs ouvrent la voie à la création d'un « véritable » statut de l'élu localÂ
Par A.W.
Une meilleure indemnisation, une bonification pour la retraite, un après-mandat facilité… Les sénateurs ont adopté, hier, en commission, une proposition de loi visant à créer un statut de l’élu local qui doit permettre de « reconnaître l’engagement des élus locaux à sa juste valeur et d’éviter une crise des vocations à l’horizon 2026 ».
Déposé par les élus de la droite et du centre, et cosigné par 309 sénateurs, ce texte arrive au lendemain de l’accord trouvé par les parlementaires, en commission mixte paritaire, pour renforcer la sécurité des élus et la protection des maires.
« Crise de l’engagement local »
Le malaise et le découragement sont palpables chez les élus alors que les violences à leur égard explosent et que plus de la moitié des maires ne souhaitent pas se représenter en 2026. « Au 10 mai 2023, à mi-mandat, 1 078 maires parmi ceux élus en 2020 avaient déjà démissionné volontairement, ce qui représente, en à peine trois ans, plus de 3 % de l'effectif total des maires », regrettent ainsi les sénateurs signataires, dans l'exposé des motifs de leur proposition de loi.
« Alors que les exigences et modalités d'exercice du mandat ont évolué dans le sens d'une professionnalisation croissante, force est de constater […] que les droits et garanties reconnus aux élus n'ont pas progressé au même rythme », déplorent les sénateurs qui estiment qu’il est désormais « urgent d'agir » et « d'instituer un véritable statut, que les élus locaux appellent de leurs vœux ».
Devant le « niveau sans précédent » des démissions, le texte de 29 articles entend donc remédier à cette « crise de l'engagement local » en améliorant les conditions d’indemnisation des élus, en facilitant la conciliation entre le mandat, l’exercice d’une activité professionnelle et la vie personnelle, et en sécurisant l’engagement des élus ainsi que leur parcours (via leur reconversion et la valorisation des compétences acquises au cours du mandat).
Meilleure indemnisation
Pour cela, pour tenir compte de l’inflation, ils ont d'abord décidé d’augmenter les indemnités de fonction versées aux maires en modifiant le barème actuel, dont le taux passerait, par exemple, de 25,5 % à 28,1 % de l’indice, pour les communes de moins de 500 habitants.
« Dans la même optique », la commission a décidé que le principe de fixation par défaut des indemnités de fonction au maximum légal (sauf délibération contraire du conseil municipal) serait bien étendu aux adjoints, mais aussi, par amendement, à « l’ensemble des exécutifs locaux » (les présidents d’EPCI, des conseils régional et départemental, ainsi que leurs vice-présidents). D'autre part, le mode de calcul de l'enveloppe indemnitaire globale a été modifié de façon à « mieux indemniser les conseillers municipaux ».
Les sénateurs ont également souhaité revaloriser la retraite des élus locaux en leur accordant une bonification d'un trimestre par mandat complet, avant de décider, par amendement, de la restreindre aux « seuls titulaires d'un mandat exécutif local » et de l'assortir d'une limitation à « deux trimestres supplémentaires » en cas de cumul simultané de plusieurs mandats exécutifs locaux.
Par ailleurs, le texte prévoit de rehausser le seuil d'éligibilité des communes à la dotation particulière « élu local » (DPEL) et de produire une « estimation » visant à créer une « contribution de l'État au bénéfice des communes, destinée à compenser l'activité des maires agissant pour le compte de l'État ».
Afin de « faciliter l'engagement des élus locaux et d'améliorer les conditions d'exercice du mandat », il est aussi prévu de rendre « obligatoire » le remboursement des frais de transport engagés par les élus, et de permettre au maire de recourir à la visioconférence pour les réunions des commissions constituées par le conseil municipal.
Congés maternité : le remplacement de la maire facilité
Point d’actualité particulièrement important, les sénateurs ont décidé de faciliter le remplacement des élus qui pourraient se retrouver dans la situation dans laquelle est la maire de Poitiers, Léonore Moncond’huy. Sur le point de partir en congé maternité, celle-ci s’est aperçue, outre le fait qu’elle allait perdre des revenus, que son remplacement allait poser problème, dans la mesure où l’employeur de l’adjoint qui devait assurer la suppléance pendant son congé a refusé de « suspendre son emploi » de façon provisoire.
Les sénateurs ont donc ajouté une disposition facilitant la suspension du contrat de travail des élus censés remplacer temporairement le maire, mais aussi le président du conseil départemental ou régional, qui serait empêché d’exercer son mandat pour « des raisons médicales » notamment. Ils apportent ainsi un éclaircissement précieux sur un point juridique qui n’a rien d’évident.
La commission n’a, toutefois, pu apporter de réponse à la perte de revenus de la maire de Poitiers. Compte tenu « des règles de recevabilité financière imposées par la Constitution », les sénateurs n’ont pu faire adopter une mesure donnant « la possibilité pour l’élu local en arrêt maladie, en congé maternité, paternité ou adoption, qui a cessé son activité professionnelle pour l’exercice de son mandat, de percevoir des indemnités journalières de l’assurance maladie et une partie de son indemnité de fonction afin de limiter sa perte de revenus », tout comme sur « le rehaussement des indemnités de fonction maximales des adjoints aux maires ». Reste que le gouvernement semble vouloir faire évoluer la loi sur ce point.
Conflits d’intérêt et sortie de mandat
Concernant la conciliation du mandat avec l’activité professionnelle de l’élu, le recours aux autorisations d'absence a également été étendu aux cérémonies publiques, notamment, et le nombre maximum de jours d'absence pour une élection locale a été porté de 10 à 20 jours (et étendu aux élections en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française et à Wallis-et-Futuna), comme c’est le cas pour les candidats aux élections législatives et sénatoriales.
Sur la prise illégale d’intérêt, les sénateurs ont décidé d’exclure le fait qu’un intérêt public puisse être constitutif d’une telle infraction. La chambre haute a, par ailleurs, choisi de simplifier le mécanisme de déclaration des dons, avantages et invitations, dont la valeur dépasse 150 euros, reçus par les élus locaux qui devront renseigner un registre tenu par leur collectivité territoriale.
Afin de « sécuriser la sortie de mandat des élus locaux », le bilan de compétence et la démarche de validation des acquis de l'expérience ont été rendus « automatiques ». En outre, le texte prévoit l'instauration d'un système de certification professionnelle destiné à améliorer la reconnaissance des compétences acquises par les élus locaux au cours de leur mandat.
Consulter le texte de la commission.
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