Pouvoirs de police, indemnités, protection : les sénateurs modifient en profondeur le projet de loi Engagement et proximité
Au-delà des propositions sur l’intercommunalité (lire article ci-dessus), la commission des lois du Sénat a modifié le projet de loi Engagement et proximité dans tous les autres chapitres, même si les ajouts au texte sont ici moins révolutionnaires.
Renforcement des pouvoirs de police
En matière de pouvoirs de police, conformément aux propositions faites avant-hier (lire Maire info d’hier), les sénateurs proposent notamment d’augmenter fortement le montant des amendes qui pourraient accompagner une astreinte ; ou encore de codifier la possibilité, pour les maires, d’interdire la vente de boissons alcoolisées la nuit sur leur commune. Ils ont ajouté un article entier sur la gestion des véhicules hors d’usage (article 15 bis) avec, là encore, la possibilité d’assortir d’une astreinte (de 50 euros par jour) les arrêtés frappant les propriétaires d’épaves.
Comme prévu, les sénateurs proposent de réécrire le dispositif de conventions entre les polices municipales et les forces de l’ordre nationales (article 15 quater), notamment en abaissant le seuil du nombre d’agents à partir duquel cette convention est obligatoire et en y impliquant davantage les procureurs. La commission a également souhaité « assouplir les conditions de recrutement au niveau intercommunal d’agents de police municipale », estimant que trop peu de maires se saisissent aujourd’hui de la possibilité de créer une police municipale intercommunale.
Toujours dans le cadre de la lutte contre les violences contre les élus, les sénateurs ont rédigé un article permettant d’obliger les procureurs à informer les maires sur les suites judiciaires d’une plainte qu’ils auraient déposée pour agression.
Normes et conflits
En matière de normes, les sénateurs ont replacé dans le projet de loi une proposition issue du rapport Lambert-Boulard de 2013, instituant une « conférence de dialogue État-collectivités territoriales » dans chaque département. Cette instance pourrait être saisie de « tout différend sur l’interprétation d’une norme ». Elle se substituerait à l’actuelle commission départementale de conciliation des documents d’urbanisme.
La commission propose également de créer, autant que de besoin, des « médiateurs territoriaux » chargés de tenter de résoudre à l’amiable des différends entre la collectivité et les administrés.
Droit des élus
Plusieurs modifications notables au chapitre du droit des élus. D’abord, les sénateurs ont relevé le seuil à partir duquel l’État prendrait en charge certaines dépenses devenues obligatoires, comme la protection fonctionnelle des élus ou le remboursement des frais de garde lors des réunions : ce seuil, que le texte initial fixait à 1000 habitants, passerait à 3 500.
Trois nouveaux articles (26 bis, ter et quater) concernent la protection des élus sur le plan professionnel : le 26 bis fixe clairement à « 12 mois » la durée pendant laquelle les élus sont considérés comme des salariés protégés après expiration de leur mandat. Le 26 ter « vise à faciliter les dispositifs de disponibilité temporelle des élus ruraux, en augmentant le nombre de crédits d’heures disponibles ». Les crédits d’heures passeraient, pour les maires de communes de moins de 10 000 habitants, de trois fois à trois fois et demie la durée hebdomadaire de travail ; pour les adjoints au maire des mêmes communes, le crédit d’heures passerait à deux fois la durée hebdomadaire de travail ; pour les conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, elle passerait à 30 % de la durée hebdomadaire du travail.
Enfin, le 26 quater vise à permettre à tous les adjoints, quelle que soit la taille de leur commune, de bénéficier de la possibilité de suspendre son contrat de travail avec droit obligatoire à réintégration à la fin du mandat. Ces dispositions n’existaient jusqu’alors que pour les communes de plus de 10 000 habitants.
Indemnités des maires et adjoints
Sur l’épineuse question des indemnités, le Sénat s’inscrit là encore en faux avec la position du gouvernement, et propose une position beaucoup plus nuancée. Rappelons que le projet de loi initial propose d’une part la possibilité d’une très forte augmentation de l’indemnité des maires des petites communes (jusqu’à + 150 %)… mais que ce beau « cadeau » est fait avec l’argent des communes, puisque quasiment aucun soutien de l’État n’est prévu, à part une augmentation de 10 millions d’euros de la dotation élu local dans le PLF 2020, alors que la mesure pourrait coûter jusqu’à 600 millions d’euros aux communes. En outre, le gouvernement demande de revenir sur les lois de 2015 et 2016 en proposant que l’augmentation soit votée par le conseil municipal (depuis 2015 l’indemnité est, de droit, au plafond, sauf demande inverse du maire).
Les sénateurs soulèvent plusieurs problèmes : le coût de la mesure, bien sûr ; mais aussi un problème politique : « Les élus locaux pourraient difficilement assumer un triplement de leurs indemnités quelques semaines après leur élection ». Afin de rendre le dispositif « suffisant, adapté et soutenable », la commission des lois propose une augmentation beaucoup plus modérée, strate par strate. Dans les communes de moins de 500 habitants, l’augmentation serait de 50 % ; de 30 % dans les communes entre 500 et 1000 habitants. Alors que le gouvernement souhaitait s’en tenir là, les sénateurs demandent aussi une augmentation des indemnités des maires et adjoints des communes comptant entre 1000 et 3 500 habitants (+ 20 %). Le coût global de ces mesures serait de 240 à 300 millions d’euros environ. Et surtout, les sénateurs ont rétabli la « procédure protectrice » des maires : « seuls les maires », et non le conseil municipal, « pourraient solliciter une diminution de leurs indemnités ».
Franck Lemarc
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